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06/07/2021 | FRANCE | N°21DA00080

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 juillet 2021, 21DA00080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés en date du 26 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Somme les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par des jugements n° 2003459 et 2003460 du 30 octobre 2020, le magistrat d

ésigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés en date du 26 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Somme les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par des jugements n° 2003459 et 2003460 du 30 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par deux requêtes distinctes enregistrées le 15 janvier 2021 sous les n° 21DA00080 et 21DA00081, M. et Mme B..., représentés par Me Emmanuelle Pereira, demandent à la cour :

1°) d'annuler ces jugements et les arrêtés de la préfète de la Somme du 26 octobre 2020 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de leur délivrer, chacun, un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, ou à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de leur situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au profit de Me Pereira, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants kosovars, nés respectivement le 16 mars 1980 et le 20 septembre 1985, déclarent être entrés en France le 15 juillet 2015 accompagnés de leurs deux enfants mineurs alors âgés de six et dix ans. Ils ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié qui leur a été refusée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2016 puis de la Cour nationale du droit d'asile du 27 novembre 2018. Parallèlement, Mme B... avait sollicité et obtenu la délivrance d'un titre de séjour d'un an au regard de son état de santé pour la période du 21 novembre 2017 au 2 novembre 2018 dont elle a demandé le renouvellement le 3 octobre 2018. Par un arrêté du 21 mai 2019, adopté à la suite d'un avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 décembre 2018, la préfète de la Somme a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. N'ayant pas déféré à cette obligation, la préfète de la Somme a adopté deux nouveaux arrêtés, en date du 26 octobre 2020, obligeant le couple à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, décidant d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et les assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 30 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes susvisées n° 21DA00080 et 21DA00081 sont relatives à la situation d'un couple et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'illégalité en ce qu'elles ne leur ont pas été notifiées dans une langue qu'ils comprennent, cette circonstance, à la supposer établie, étant sans incidence sur leur légalité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (... ) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

5. Les décisions en litige, prises sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont motivées en droit par le visa de ces dispositions et sont suffisamment motivées en fait par l'indication, en particulier, du rejet de leur demande d'asile en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 27 novembre 2018, et par l'examen de leurs conséquences sur leur vie privée et familiale. Elles sont, par suite, suffisamment motivées, nonobstant le défaut de mention de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'il est constant que la préfète de la Somme a tenu compte de l'intérêt des enfants du couple pour prendre ces décisions, qui ne sont par suite, et au demeurant, pas entachées d'un défaut d'examen particulier des circonstances de l'espèce.

6. En outre, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié avaient été définitivement refusées aux intéressés, qui n'étaient en outre titulaires d'aucun titre de séjour. Par suite, les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues.

7. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

8. Les décisions en litige visent les a), d) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance du h) du même article, qui ne constitue pas le fondement des décisions attaquées.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... se sont maintenus sur le territoire français malgré l'obligation de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet par des arrêtés du 21 mai 2019. D'une part, en se bornant, sans autre précision, à soutenir n'avoir pas été destinataires des arrêtés du 21 mai 2019 pris à leur encontre par la préfète de la Somme, alors que celui-ci produit les courriers de notification de ces arrêtés, les requérants n'établissent pas n'en avoir pas eu connaissance. D'autre part, si M. et Mme B... font valoir qu'ils ont, postérieurement au rejet de leurs demandes d'asile, sollicité la délivrance d'un titre de séjour et que par ailleurs, ils présentent des garanties de représentation suffisantes, que la préfète de la Somme a prises en considération pour l'édiction de l'arrêté du 26 octobre 2020 portant assignation à résidence, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que la préfète de la Somme aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur le d) des dispositions précitées du 3) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. "

11. Pour refuser d'accorder à Mme B... le renouvellement d'un titre de séjour pour raison médicale, la préfète de la Somme a estimé, au vu notamment de l'avis émis le 8 décembre 2018 par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre de la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étranger malade formulée par Mme B... le 3 octobre 2008, que si l'état de santé de l'intéressée rendait nécessaire une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en revanche, elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Mme B... invoque la gravité de la pathologie dont elle souffre en versant au dossier des certificats médicaux, et des bulletins d'hospitalisation en établissement spécialisé entre le 13 septembre et le 20 octobre 2017 et du 8 au 22 août 2019. Toutefois, en se bornant à produire ces documents médicaux sans apporter aucun élément quant à l'impossibilité dans laquelle elle serait de suivre un traitement adapté dans son pays d'origine, Mme B... n'établit ni cette impossibilité, ni la nécessité dans laquelle se serait trouvé la préfète de la Somme de solliciter à nouveau l'avis d'un médecin de l'Office français de l'intégration et de l'immigration, alors qu'un précédent avis du collège médical de cet établissement affirmant la possibilité de suivre un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée avait été rendu le 8 décembre 2018. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

13. M. et Mme B... sont entrés en France au mois de juillet 2015 accompagnés de leurs deux enfants mineurs, alors âgés de six et dix ans. Ils ne démontrent pas disposer d'attaches privées et familiales en France, avoir noué des liens d'une particulière intensité sur le territoire français, ni que leurs deux enfants mineurs seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité au Kosovo. La cellule familiale pourrait donc se reconstituer dans leur pays d'origine. Par suite, les décisions attaquées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Somme du 26 octobre 2020. Il y a, par suite, lieu de rejeter leurs requêtes, ensemble les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dont elles sont assorties.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Emmanuelle Pereira.

Copie sera adressée à la préfète de la Somme.

N°21DA00080,21DA00081 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00080
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA;SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA;SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-06;21da00080 ?
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