La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2021 | FRANCE | N°21DA00570

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 01 juillet 2021, 21DA00570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autoris

ation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2003615 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), qui déclare être née le 1er octobre 2001 à Kinshasa, est entrée en France le 26 février 2015, selon ses déclarations. Elle a été confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance, en qualité de mineure isolée, par une décision du 4 septembre 2015 du juge des enfants au tribunal de grande instance de Rouen. Le 3 janvier 2020, Mme A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement, notamment, des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 août 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de cette dernière de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Le préfet de la Seine-Maritime relève régulièrement appel de ce jugement.

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, tout d'abord, écarté comme non fondée la fin de non-recevoir, soulevée par le préfet de la Seine-Maritime, tirée de la tardiveté de la demande de Mme A... au motif que si le préfet justifiait, par la production de l'avis de réception postal signé, que l'arrêté en litige avait été distribué le 10 août 2020 à Mme A..., il n'établissait pas, ni même n'alléguait, que l'indication des délais et voies de recours aurait été portée à la connaissance de l'intéressée. Le tribunal administratif a ensuite estimé que le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser de délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait, " compte tenu de la situation globale " de l'intéressée, fait une inexacte application de ces dispositions. Le préfet de la Seine-Maritime soutient, à l'appui de sa requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a écarté comme non fondée la fin de non-recevoir, qu'il avait soulevée devant les premiers juges, tirée de la tardiveté de la demande présentée par Mme A....

3. Aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / (...) ". Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. / (...)". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été adressé à Mme A... par une lettre recommandée avec avis de réception. Il ressort des mentions portées sur l'avis de réception de la lettre recommandée ayant contenu l'arrêté contesté, produit par le préfet de la Seine-Maritime en première instance, que le pli a été présenté le 10 août 2020 à l'adresse communiquée par l'intéressée à l'administration préfectorale dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour et que, ainsi qu'il ressort du fait qu'une signature a été apposée sur l'avis de réception sous la mention de la date de distribution, ce pli a été réceptionné le même jour par une personne se présentant comme le mandataire de Mme A.... Si Mme A... soutient que, faute de mandat, la personne ayant reçu le pli libellé à l'adresse qu'elle avait indiquée à l'administration n'était pas habilitée à recevoir un pli en son nom au sein du Service d'accompagnement personnalisé de jeunes majeurs (SAPJM) Notre Dame des Flots à Rouen, elle ne produit aucune précision à l'appui de cette assertion alors qu'elle avait fait élection de domicile auprès de cet établissement en vue, notamment, d'y recevoir les documents se rattachant à l'instruction de sa demande de titre de séjour.

5. D'autre part, si Mme A... soutient, pour la première fois devant la cour, que " l'arrêté qu'elle a récupéré finalement ", et dont elle indique qu'il lui a été remis le 11 septembre 2020, n'était pas dans l'enveloppe d'envoi et que les voies et délais de recours n'y étaient " pas annexés ", il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que l'intéressée, lors de la remise du pli, aurait signalé aux services de la préfecture de la Seine-Maritime l'absence de tout contenu afférent au pli postal en cause. L'intéressée, qui n'avait d'ailleurs pas allégué en première instance que l'arrêté qui lui a été notifié n'aurait pas été accompagné de la mention des voies et délais de recours, ne précise pas davantage devant la cour, au cas où le pli postal aurait contenu des documents autres que l'arrêté en litige, la nature de ces documents, ni n'en justifie. Enfin, l'arrêté du 5 août 2020 du préfet de la Seine-Maritime, dont l'intéressée a produit une copie en première instance, mentionne une pagination sur 4 pages et comporte, en page 3, la mention selon laquelle " A la page suivante, information sur l'aide au retour et sur le traitement informatique de données vous concernant, notification des voies et délais de recours ". L'intéressée, qui avait ainsi été mise en mesure de réclamer à l'administration la communication de la page dont elle soutient, sans l'établir, qu'elle aurait été manquante, n'allègue pas davantage avoir effectué cette démarche. Dans ces conditions, Mme A..., dont les allégations ne sont corroborées par aucune pièce justificative, n'est pas fondée à soutenir que le pli par lequel les services de la préfecture de la Seine-Maritime ont procédé à la notification de l'arrêté en litige, n'aurait pas comporté l'arrêté du 5 août 2020 ainsi que l'indication des voies et délais de recours.

6. Enfin, Mme A... fait valoir qu'elle avait été mise à l'isolement du fait de sa contamination par le Covid-19 et produit, à cet effet, une " fiche de suivi résident " établie à son nom, à l'entête de la Protection civile de la Seine-Maritime, au titre de la période du 2 au 14 septembre 2020. Toutefois, le placement à l'isolement de Mme A... ne faisait pas obstacle, par lui-même, à ce que l'intéressée effectue toutes démarches utiles en vue de se faire remettre les plis postaux susceptibles de lui être délivrés à son adresse de domiciliation administrative, alors d'ailleurs que le pli lui a été notifié à cette adresse le 10 août 2020, soit antérieurement à sa période d'isolement, ou à prendre l'attache d'un avocat en vue de contester, dans les délai de recours, l'arrêté du 5 août 2020 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, voire même de solliciter le bénéfice de l'aide juridictionnelle en vue de contester cet arrêté devant la juridiction administrative.

7. Or, c'est seulement le 13 septembre 2020 que Mme A... a introduit une demande devant le tribunal administratif de Rouen en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêté du 5 août 2020 du préfet de la Seine-Maritime et le 14 septembre 2020 que sa demande d'aide juridictionnelle a été enregistrée au bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal administratif de Rouen. A la plus ancienne de l'une ou l'autre de ces deux dates, le délai de recours contentieux de trente jours prévu par les dispositions, citées au point 3, du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, était expiré. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Rouen, la demande de Mme A... était tardive et, par suite, irrecevable, et qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 5 août 2020, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de cette dernière de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à demander l'annulation du jugement du 12 février 2021 du tribunal administratif de Rouen et le rejet de la demande présentée par Mme A... devant les premiers juges. Par voie de conséquence, les conclusions présentées devant la cour par le conseil de Mme A... et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003615 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Berradia.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00570
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais - Notification.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BERRADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-01;21da00570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award