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22/06/2021 | FRANCE | N°20DA02007

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 juin 2021, 20DA02007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002893 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de Mme C... et de

lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familial...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002893 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de Mme C... et de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de première instance de Mme C....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Seine-Maritime interjette appel du jugement 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de Mme C..., ressortissante algérienne née le 24 février 1973 et entrée en France le 9 août 2017, annulé son arrêté du 4 mars 2020 refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

3. Mme C... est entrée en France le 9 août 2017 munie de son passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour C, accompagnée de ses trois enfants âgés de dix-huit, douze et neuf ans. Par un courrier du 26 juin 2018, la requérante a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 6-7 de l'accord franco-algérien. Pour annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime, après avoir examiné le droit au séjour de l'intéressée sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, a rejeté la demande de titre de séjour de Mme C..., le tribunal administratif de Rouen s'est appuyé, d'une part, sur la situation familiale de Mme C... en France, divorcée à compter du 18 décembre 2018 d'un compatriote algérien demeurant en Algérie et venue rejoindre, avec ses trois enfants, sa mère, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, ainsi que sa soeur de nationalité française, d'autre part, sur le syndrome de stress post-traumatique faisant l'objet d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, enfin, sur l'origine de ce syndrome, à savoir les violences que lui aurait fait subir son ex-époux, violences dont attestent par écrit sa mère, sa soeur, sa nièce et deux autres personnes résidant en Algérie, ainsi qu'une coordinatrice du pôle d'accueil " violences intrafamiliales " de Rouen qui atteste qu'elle " bénéficie d'un accompagnement global dans le cadre du dispositif en faveur des victimes de violences conjugales depuis septembre 2017 ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Maritime, d'une part, les attestations relatives aux violences conjugales subies par Mme C... n'émanent pas seulement de membres de sa famille demeurant en France mais également de témoins des faits résidant en Algérie, ainsi que d'une association algérienne d'aide aux victimes de violences soutenant Mme C... et, d'autre part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les pièces ainsi produites, à défaut d'apporter une preuve formelle, constituent à tout le moins un faisceau d'indices concordants étayant la réalité des violences subies par l'intéressée. Par ailleurs, si le préfet de la Seine-Maritime soutient que le jugement du 18 décembre 2018 prononçant le divorce de Mme C... et de son époux ne fait pas état de ces violences, il ressort des pièces du dossier que les écritures de la requérante devant la juridiction algérienne étaient fondées sur celles-ci, et que le contenu du jugement ne saurait par suite lui être opposé.

5. En second lieu, et ainsi qu'il a été dit, Mme C..., qui souffre d'un syndrome de stress post-traumatique dont le défaut de traitement pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, est venue en France rejoindre sa mère et sa soeur, de nationalité française, son père étant décédé en Algérie, sa famille résidant par suite, à titre principal, en France. Ses enfants sont scolarisés avec succès et font l'objet d'appréciation élogieuses de leurs professeurs.

6. Il résulte de ce qui précède et dans les circonstances très particulières de l'espèce, que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 4 mars 2020 refusant à Mme C... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit de la Selarl " Eden avocats ", et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1err : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la Selarl " Eden avocats " une somme de 1 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me B... D....

N°20DA02007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA02007
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-22;20da02007 ?
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