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10/06/2021 | FRANCE | N°21DA00566

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 21DA00566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT Cargill Haubourdin a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Cargill Haubourdin.

Par un jugement n° 2007389 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

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Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mars 2021 et le 26 avril 2021 ain...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT Cargill Haubourdin a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Cargill Haubourdin.

Par un jugement n° 2007389 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mars 2021 et le 26 avril 2021 ainsi qu'un mémoire enregistré le 10 mai 2021 et non communiqué, le syndicat CGT Cargill Haubourdin SAS, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me D... C... pour la société Cargill Haubourdin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cargill Haubourdin a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi, portant sur cent-quatre-vingt-six emplois, compte tenu de l'arrêt de la production d'amidon et de la réorganisation de ses chaînes de production. Par décision du 17 août 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Le syndicat CGT de l'entreprise relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 17 août 2020.

Sur la motivation de la décision d'homologation :

2. En vertu de l'article L. 1233-57-4 du code du travail, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen, notamment, ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe, ainsi que ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement.

3. En l'espèce, la décision d'homologation du 17 août 2020, après avoir visé les articles du code du travail dont elle fait application, rappelle la procédure suivie, notamment les réunions du comité social et économique et détaille les mesures prévues par le plan, notamment les aides au reclassement interne et externe. Elle fait également état des réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail spécifiques aux conséquences sur la santé du plan. Elle précise enfin les mesures prises en matière de protection de la santé dans ce plan, contrairement à ce que soutient l'appelant. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ne peut donc qu'être écarté.

Sur la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

4. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

5. En l'espèce, le comité social et économique a été rendu destinataire de l'ensemble des éléments prévus par l'article L. 1233-31 du code du travail, dès la première réunion d'information sur le plan de sauvegarde de l'emploi, le 21 novembre 2019. En particulier, ont été remis lors de cette réunion, un document de 76 pages, dit livre I, sur le contenu du plan et un document de quarante-neuf pages, dit livre II, sur les raisons économiques du plan. Ces documents ont été complétés en cours de procédure, notamment sur les risques psycho-sociaux. Si le comité social et économique a demandé dans son avis du 9 juillet 2020, que lui soient transmis les comptes consolidés de Cargill Incorporated ainsi que la partie de ces comptes correspondant à l'intégration des comptes de Cargill Holding France SAS, le syndicat appelant n'allègue pas que le document adressé au comité sur le contexte économique et qui retraçait de manière précise l'activité du groupe en France sur les cinq dernières années, comprenait des chiffres erronés ou rendait compte de manière inexacte des résultats du groupe Cargill en France. Il n'est donc pas établi que les documents demandés, dont le premier était relatif aux comptes mondiaux du groupe, étaient nécessaires pour que le comité social et économique se prononce en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation, alors au demeurant que ce comité n'a pas demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de faire usage de ses pouvoirs d'injonction pour obtenir des informations nécessaires à la procédure de consultation du comité social et économique, comme le permet l'article L. 1233-57-5 du code du travail. Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par l'article L. 1233-34 du code du travail, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause. La circonstance que l'expert-comptable n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d'information et de consultation du comité si les conditions dans lesquelles l'expert-comptable a accompli sa mission ont néanmoins permis à ce comité de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

7. En l'espèce, l'expert désigné par le comité social et économique a reconnu dans un courrier du 11 février 2020, avoir " désormais la quasi-totalité des documents demandés ". Les documents manquants que ce courrier recensait, n'apparaissent pas être de nature à l'avoir empêché d'exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause. Au contraire, il ressort également des pièces du dossier que l'expert a reçu de très nombreux documents, conformément à ses demandes, pour lui permettre d'accomplir sa mission. Si l'expert note dans son rapport final, un accès difficile à l'information du fait de " l'incapacité récurrente de la direction à respecter les délais légaux ou encore les engagements qu'elle formulait ", il a remis son rapport le 12 mars 2020, soit un mois après avoir reconnu disposer de la quasi-totalité des documents demandés et il ne fait pas état d'informations manquantes qui l'auraient empêché d'accomplir sa mission. De même, si l'expert critique l'imprécision des informations données au comité social et économique notamment sur le nombre de licenciements ou sur la présentation des effectifs de la société, il n'est pas établi que lui-même n'ait pas disposé de toutes les informations lui permettant de mener sa mission dans des conditions telles que le comité social et économique n'aurait pu formuler son avis en toute connaissance de cause.

8. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui lui incombent, en l'absence d'accord collectif sur le plan, en vertu de l'article L. 1233-57-3 du code du travail.

9. Le syndicat doit être considéré comme soutenant que l'information du comité social et économique n'a pas été régulière sur ce point en estimant que l'employeur n'a pas évalué la charge de travail avant et après restructuration de manière suffisamment précise et n'a pas détaillé l'organisation future, notamment les compétences attendues sur les postes de travail après restructuration. Toutefois, il résulte des pièces du dossier que l'employeur a mis en place des groupes de travail pour évaluer la charge de travail avant et après restructuration. Il a présenté l'impact sur la charge de travail lors des séances du comité social et économique du 29 janvier 2020 et du 11 février 2020. Il a également complété sur ce point les documents remis initialement au comité pour préciser le contenu et l'impact des suppressions, modifications et transferts de postes ou d'activité ainsi que celui des créations sur l'organisation et la charge de travail. Il a enfin réuni à sept reprises la commission santé, sécurité et conditions de travail pour analyser les risques psycho-sociaux du plan. Il ne résulte donc pas de ces éléments, même si le syndicat reproche que l'impact de la restructuration a été évalué en termes d'équivalents temps-plein et non en heures travaillées, que le comité social et économique n'ait pas disposé de toutes les informations utiles pour se prononcer en toute connaissance de cause sur le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des obligations de l'employeur en termes de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.

10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 9, le syndicat appelant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a considéré que la procédure de consultation du comité social et économique a été régulière.

Sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

En ce qui concerne le caractère suffisant des mesures du plan :

11. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ;(...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; /1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; /2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ".

12. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le plan prévoit une indemnité de 4 000 euros pour chaque salarié concerné, ainsi que notamment des aides en cas de changement de résidence en cas de reclassement interne comme externe, à savoir des aides au déplacement pour entretien d'embauche, la prise en charge d'un voyage de reconnaissance, une aide au déménagement, un double loyer pendant six mois dans la limite de 500 euros, voire sur trois ans en cas de travail à la Défense avec dégressivité la deuxième année, un accompagnement professionnel du conjoint pendant six mois s'il quitte son précédent emploi, une indemnité d'installation de 5 000 euros majorée en fonction du nombre d'enfants à charge dans la limite de 6 500 euros. Il comprend également une compensation salariale en cas de reclassement interne dans une catégorie inférieure. Il prévoit aussi la prise en charge de formations jusqu'à 10 000 euros, majorée de 4 000 euros en cas de reconversion, une aide à la création et à la reprise d'une entreprise d'un montant de 20 000 euros ou l'accès à un bilan de compétences et à une assistance pour établir un projet professionnel.

14. Prises dans leur ensemble, de telles mesures précises et concrètes pour les cent-quatre-vingt-six salariés concernés, sont de nature à faciliter le reclassement du personnel et à limiter ainsi le nombre des licenciements, compte tenu des moyens du groupe et alors même que le plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas à être directement proportionné aux moyens de l'entreprise ou du groupe. Ainsi les mesures figurant dans le plan pouvaient être légalement regardées par l'administration comme étant, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail. Les moyens tirés du caractère insuffisant du plan au regard des moyens du groupe et de l'erreur d'appréciation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans l'exercice de son contrôle à cet égard ne peuvent donc qu'être écartés.

En ce qui concerne les obligations de l'employeur pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés :

15. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L 'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

16. Ainsi que rappelé au point 8, lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, conformément aux dispositions citées au point 15.

17. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur a mis en place une cellule d'écoute prise en charge par un cabinet spécialisé comprenant une ligne d'écoute permanente et un accompagnement psychologique. La circonstance que cette possibilité ait été peu utilisée par les salariés n'en démontre pas l'insuffisance d'autant que la société avait mis en place une campagne d'information sur les risques psycho-sociaux. L'employeur a également créé une commission de veille sociale, également animé par des consultants extérieurs, qui a initié des actions spécifiques comme des temps d'écoute collectifs pour certains pôles ou une rencontre de l'assistante sociale avec les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Il a aussi mis en place un espace d'information conseil pour accompagner les salariés dans leurs projets professionnels ainsi que des possibilités d'entretiens individuels avec le service des ressources humaines. Une formation aux risques psycho-sociaux des managers a également eu lieu. Le fait que, selon l'appelant, les encadrants de proximité n'aient pas suivi cette formation ne suffit à établir que l'employeur n'ait pas pris en compte son obligation de sécurité, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils ont été empêchés de suivre cette formation, à laquelle ont participé une vingtaine de managers sur un effectif total de trois-cent-quatorze salariés. Enfin, la société a prévu une mise en place progressive de la restructuration et de l'organisation du site sur une durée de dix-huit mois avec des cellules d'appui par métiers et des formations d'adaptation. Le fait que l'amidonnerie ait été arrêtée de manière anticipée suite à un acte de malveillance, début juin 2020, ne suffit à justifier de l'insuffisance de ces mesures de prévention. De même, si le syndicat allègue que le niveau des risques psycho-sociaux était élevé avant même la mise en place du plan de sauvegarde pour l'emploi, cela ne démontre pas l'insuffisance de ce plan en ce qui concerne la prévention des risques résultant de la réorganisation. Au contraire, il résulte de ce qui vient d'être dit que par les mesures que comprenait ce plan, l'employeur a visé à assurer la sécurité et à protéger la santé physique et mentale des salariés et que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas commis d'erreur dans son contrôle sur ce point en faisant état de la suffisance de ces mesures dans sa décision d'homologation.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT Cargill Haubourdin SAS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le présent jugement ne comprend aucun dépens. Les conclusions de la société Cargill Haubourdin SAS à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CGT Cargill Haubourdin SAS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Cargill Haubourdin SAS au titre des dépens et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT Cargill Haubourdin SAS, à la société Cargill Haubourdin SAS et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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N°21DA00566

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21DA00566
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CAPSTAN LMS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-10;21da00566 ?
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