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10/06/2021 | FRANCE | N°19DA02764

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 19DA02764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société TIM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701271 du 23 octobre 2019 le tribunal administratif de Lille après avoir rejeté l'intervention de la société TIM et de ses mandatair

es judiciaires, a annulé la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société TIM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701271 du 23 octobre 2019 le tribunal administratif de Lille après avoir rejeté l'intervention de la société TIM et de ses mandataires judiciaires, a annulé la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A..., mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions de la société TIM présentées sur le fondement des mêmes dispositions du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2019, la société par actions simplifiée TIM, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Wra, prise en la personne de Me B..., en qualité de liquidateur judiciaire et la société d'exercice libéral par actions simplifiée Bernard et Nicolas C..., prise en la personne Me C..., en qualité de liquidateur judiciaire, représentées par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué, par une décision du 19 août 2016, le document unilatéral portant projet de licenciement économique collectif ayant donné lieu à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, déposé par la société TIM le 8 août 2016. M. A..., salarié de la société TIM, filiale du groupe Fritzmeier, exerçait les fonctions de soudeur-ponceur au sein de cette entreprise spécialisée dans la fabrication de cabines pour engins agricoles et de chantier. Il a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique dans le cadre de la suppression de cent vingt-cinq des six cent-trente postes du site. Il détenait, par ailleurs, le mandat de délégué syndical depuis le 12 octobre 2016. Par un jugement du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a notamment annulé la décision du 12 décembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A.... La société par actions simplifiée TIM, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Wra, prise en la personne de Me B..., en qualité de liquidateur judiciaire et la société d'exercice libéral par actions simplifiée Bernard et Nicolas C..., prise en la personne Me C..., en qualité de liquidateur judiciaire relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...) 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés protégés, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité.

4. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de contrôler le bien-fondé de ce motif économique en examinant la situation de l'ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d'activité dans les conditions mentionnées au point précédent et de rechercher si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. S'il n'appartient pas à l'administration, saisie d'une telle demande, de vérifier le bien-fondé des options de gestion décidées par l'entreprise dans le cadre de sa réorganisation, elle est toutefois tenue de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, du bien-fondé du motif économique invoqué pour justifier le licenciement du salarié protégé par l'examen de la situation de l'ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d'activité.

5. En l'espèce, la société TIM, qui fait partie du groupe Fritzmeier, produit sur le site de son unique établissement implanté à Quaëdypre (Nord) des cabines pour engins de chantier. Il ressort des pièces du dossier que l'activité " cabines " constitue la principale activité du groupe au travers de plusieurs filiales implantées en Europe.

6. Ni la note d'information remise au comité d'entreprise le 4 mai 2016, ni la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société TIM du 3 novembre 2016 relevant que l'entreprise se trouve dans une situation économique désastreuse, ni la lettre de convocation de l'inspecteur du travail au salarié dans le cadre de l'enquête contradictoire ne comportaient d'appréciation portant sur le secteur d'activité " cabines " du groupe Fritzmeier. Le cabinet d'expertise comptable Diagoris dans son rapport d'analyse du motif économique et du projet de restructuration du 18 juillet 2016, tout en relevant que la cause retenue pour justifier le licenciement n'était pas clairement précisée, soulignait que la note d'information du 4 mai 2016 insistait sur la seule situation de la filiale TIM, alors que l'appréciation du motif économique devait s'effectuer au niveau du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise.

7. Or, l'inspecteur du travail, dans sa décision du 12 décembre 2016 autorisant le licenciement de M. A... pour motif économique, a motivé sa décision par les éléments tirés de ce que l'entreprise TIM a vendu trente-quatre mille neuf cent vingt-neuf cabines au cours de l'année 2014, puis vingt-neuf mille six cente quarante-neuf cabines au cours de l'année 2015, puis vingt-deux mille deux cent quatre cabines entre janvier et décembre 2016, soit une baisse très significative de ses ventes, par le manque de perspectives favorables à l'égard des trente-cinq clients " répertoriés de l'entreprise ", par la progression des commandes de plusieurs d'entre eux ainsi que leurs éventuelles perspectives favorables, " qui ne sont pas de nature, par leurs volumes, à compenser la diminution très sensible des ventes dans leur ensemble et notamment celles à destination du client principal Caterpillar ". L'inspecteur du travail a aussi motivé sa décision par le constat, lors de sa visite du 8 décembre 2016 réalisée au sein de l'établissement, de nombreux postes de travail inoccupés, également au sein de l'atelier soudure ponçage et par le recours le lundi 5 décembre 2016 au chômage partiel malgré le plan de sauvegarde de l'emploi et par le fait que malgré les baisses d'effectif consécutives à l'application du plan de sauvegarde de l'emploi, l'établissement a eu de nouveau recours au chômage partiel. Il n'évoque à aucun moment la situation économique du secteur d'activité division cabines du groupe. Dès lors, en prenant en considération la situation de la seule société TIM, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit.

8. Si la société TIM soutient que le tribunal aurait pu substituer le motif tiré de l'appréciation au regard du secteur d'activité division cabines à celui retenu par l'inspecteur du travail quant à la réalité du motif économique apprécié au seul niveau de l'entreprise, en l'absence de toute demande du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France en ce sens les premiers juges ne pouvaient le faire sans méconnaître leur office. Par suite, le moyen doit être rejeté.

9. Il en résulte que la société TIM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 décembre 2016 en litige.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société TIM demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la seule société TIM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TIM est rejetée.

Article 2 : La société TIM versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative contre l'Etat sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société TIM, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Wra, prise en la personne de Me B..., en qualité de liquidateur judiciaire, à la société d'exercice libéral par actions simplifiée Bernard et Nicolas C..., prise en la personne de Me C..., en qualité de liquidateur judiciaire, à M. E... A... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

5

N°19DA02764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19DA02764
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : WEIL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-10;19da02764 ?
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