Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société lensoise d'électricité générale, Mme A...-J... D... et la société Maning à lui verser la somme de 491 327,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1502585 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné la société lensoise d'électricité générale à verser au département du Nord la somme de 491 327,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2019, le 19 février 2019 et le 22 mai 2019, le département du Nord, représenté par Me B... I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la société lensoise d'électricité générale et solidairement ou à défaut subsidiairement Mme A...-J... D..., la société Maning, la société Coordination-Planification et la société EXE CO à lui verser la somme de 410 809,13 euros hors taxes, soit 491 327,72 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge solidairement de la société lensoise d'électricité générale, de Mme A...-J... D... et de la société Maning, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... G... pour Mme D... et de Me F... H... pour la société Coordination-Planification.
Considérant ce qui suit :
1. Le département du Nord a décidé la reconstruction du collège Léon Blum de Villeneuve d'Ascq sur un autre site. A cette fin, il a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement de maîtrise d'oeuvre comprenant notamment Mme A...-J... D..., architecte et mandataire du groupement et la société Maning, bureau d'études. Les sociétés Coordination-Planification, dite SCP, et EXE CO étaient chargées de la mission ordonnancement-planification-coordination de ce marché, par acte d'engagement du 25 août 2011. Le lot n° 3 " électricité - courants fort - courant faible " des marchés de travaux a été attribué à la société lensoise d'entreprise générale pour un prix forfaitaire de 1 074 351,6 euros hors taxes, par acte d'engagement du 28 mars 2012. La société lensoise d'entreprise générale a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 18 décembre 2013. Le département du Nord a saisi le tribunal administratif de Lille pour que soient condamnées solidairement la société lensoise d'électricité générale, Mme D... et la société Maning à lui verser la somme de 491 327,72 euros toutes taxes comprises correspondant aux acomptes indûment perçus par la société lensoise d'électricité générale. Le tribunal administratif de Lille, par jugement du 18 décembre 2018, a fait droit partiellement à sa demande en condamnant la seule société lensoise d'électricité générale, à lui payer la somme de 491 327,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2015. Le département du Nord relève appel de ce jugement . Il demande à la cour de condamner la société lensoise d'électricité générale et solidairement Mme D..., la société Maning, la société Coordination-Planification et la société EXE CO à lui verser la somme de 410 809,13 euros hors taxes, soit 491 327,72 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal.
Sur l'irrecevabilité des conclusions du département du Nord en tant qu'elles sont dirigées contre la société lensoise d'électricité générale :
2. Le département du Nord demande à nouveau en cause d'appel la condamnation de la société lensoise d'électricité générale à lui verser la somme de 491 327,72 euros toutes taxes comprises. Or, il a obtenu en première instance la condamnation de la société lensoise d'électricité générale à lui verser la totalité de cette somme et n'a donc plus intérêt à faire appel pour demander la condamnation de cette société. Les conclusions du département du Nord sont donc irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre cette seule société. Toutefois, le département demandait en première instance et réitère en cause d'appel une demande de condamnation solidaire d'autres participants à l'acte de construire. Ses conclusions d'appel sont donc recevables en tant qu'elles visent à l'annulation du rejet du surplus de ses demandes par le tribunal administratif de Lille.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés EXE-CO et Coordination-Planification :
3. La demande du département du Nord devant le tribunal administratif de Lille était exclusivement dirigée contre la société lensoise d'électricité générale, Mme D... et la société Maning. Ses conclusions à l'encontre des sociétés EXE-CO et Coordination-Planification sont présentées pour la première fois en appel, comme le font valoir ces deux sociétés. Elles sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. Le département du Nord n'a soulevé un moyen ayant trait à la régularité du jugement que dans son mémoire enregistré le 22 mai 2019, alors que le jugement du tribunal administratif de Lille lui avait été notifié le 18 décembre 2018. Par suite, comme le font valoir Mme D... et la société Maning en défense, le département du Nord ne pouvait évoquer, après l'expiration du délai d'appel, la régularité du jugement qui se rattache à une cause juridique différente de celles évoquées dans le délai d'appel. Le moyen tiré de la privation de la possibilité de faire valoir des observations à l'audience, qui n'est pas d'ordre public, doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées aux demandes de première instance :
5. La fin de non-recevoir opposée en première instance par Mme D... et tirée de l'absence de qualité pour agir du président du conseil départemental pour saisir le tribunal administratif de Lille est écartée par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, aucun élément nouveau n'étant apporté sur ce point en cause d'appel.
6. Mme D... fait valoir que la réception de l'ouvrage a mis fin aux relations contractuelles, sans toutefois produire aucune pièce au soutien de ses allégations. En tout état de cause, la réception de l'ouvrage ne met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre qu'en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent les missions de conception de cet ouvrage. En l'espèce, les prestations pour lesquelles le département recherche la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre portent sur le contrôle des factures mensuelles des entreprises en charge des travaux en cours de chantier et non sur la conception de l'ouvrage. Elles sont donc dissociables de la réalisation de l'ouvrage. Cette fin de non-recevoir, réitérée en appel, doit donc être écartée.
7. Mme D... fait valoir, pour la première fois en appel que le marché a été soldé par le règlement, le 29 décembre 2014, de la situation n° 30 du marché de maîtrise d'oeuvre et que par suite, le département du Nord ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle, les relations contractuelles ayant pris fin.
8. Les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, telles qu'approuvées par l'arrêté du 16 septembre 2009 et applicables au présent marché, n'impliquent pas que la validation du projet de décompte final soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d'ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes. Toutefois, l'article 5.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'oeuvre, qui précise sur ce point les stipulations du cahier des clauses administratives générales, prévoit que le titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre établit un projet de décompte final et qu'en retour, le pouvoir adjudicateur lui notifie le décompte général.
9. Il ne résulte pas de l'instruction que la situation n° 30, qui ne mentionne à aucun moment qu'elle constitue le décompte final établi par le maître d'oeuvre et, qui ne précise pas que le marché n'est soldé qu'en ce qui concerne un sous-traitant, constitue le décompte général du marché, arrêté le département du Nord, tel que prévu par le cahier des clauses administratives particulières. Par suite, le département du Nord pouvait, contrairement à ce que soutient Mme D... rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre.
10. La société Maning fait à nouveau valoir en cause d'appel que le décompte de liquidation du lot n° 3 n'ayant pas été notifié au titulaire de ce marché, le département du Nord ne peut demander la réparation des préjudices en lien avec ce marché. Toutefois, d'une part, le décompte général de ce lot a bien été notifié au liquidateur judiciaire de la société lensoise d'électricité générale, par le département du Nord, le 15 mars 2014. D'autre part, la collectivité territoriale ne fait appel du jugement contesté qu'en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de condamnation de certains des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. Sa demande est fondée sur la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre. Par suite, les dispositions du cahier des clauses administratives générales " travaux " ne peuvent lui être opposées, puisqu'elles ne s'appliquent pas au marché de maîtrise d'oeuvre. La fin de non-recevoir opposée par la société Maning tirée de l'absence de notification du décompte de liquidation du lot confié à la société lensoise d'électricité générale, ne peut donc en tout état de cause qu'être écartée.
En ce qui concerne la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre :
11. D'une part, aux termes de l'article 9 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé: " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : / .../ d) De vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d'avances présentés par l'entrepreneur, d'établir les états d'acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur, d'établir le décompte général ; ... ". Il résulte également de l'article 1.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'oeuvre que la maîtrise d'oeuvre était chargée de la mission " direction de l'exécution des travaux " qui avait notamment pour objet aux termes de ce cahier de " vérifier les projets de décompte mensuels ". D'autre part, aux termes de l'article 91 du code des marchés publics dans sa version applicable au marché de maîtrise d'oeuvre : " Les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché ouvrent droit à des acomptes. /Le montant d'un acompte ne peut excéder la valeur des prestations auxquelles il se rapporte. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le maître d'ouvrage est fondé à rechercher la responsabilité de son maître d'oeuvre, chargé de la mission de direction de l'exécution des travaux, lorsque celui-ci a commis une faute dans son obligation de vérifier les projets de décomptes mensuels, notamment lorsque le montant des sommes versées excède les prestations réellement exécutées.
12. En l'espèce, il résulte de la situation établie par la société Maning, le 9 janvier 2014, que la société lensoise d'électricité générale n'avait réalisé à cette date que 567 453,7 euros toutes taxes comprises de travaux sur un marché d'un montant total toutes taxes comprises de 1 284 924,51 euros. Il résulte également de l'instruction que Mme D... avait visé et transmis pour paiement au département, quinze acomptes mensuels de la société lensoise d'électricité générale pour un montant cumulé de 889 968,4 euros toutes taxes comprises. Ces éléments démontrent donc qu'un trop perçu a été versé à la société lensoise d'électricité générale par rapport aux prestations qu'elle avait effectivement réalisées, sans que la maîtrise d'oeuvre, pourtant chargée de la mission de direction de l'exécution des travaux, ne contrôle avant janvier 2014, les acomptes versés par rapport aux prestations réalisées. L'existence de ce trop versé n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée en défense par la maîtrise d'oeuvre. Le département du Nord est donc fondé à rechercher la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre pour la faute ainsi commise dans l'exécution de son contrat.
13. Mme D... et la société Maning avaient constitué avec d'autres sociétés un groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre. Il résulte de l'annexe 3 à l'acte d'engagement que la société Maning était responsable du contrôle de l'exécution des ouvrages électriques. Toutefois, la totalité des acomptes mensuels ont été visés par Mme D.... Dès lors, tant Mme D... que la société Maning ont concouru au paiement du trop-perçu. Compte tenu de ces éléments, le département du Nord est fondé à demander la condamnation in solidum de Mme D... et de la société Maning.
En ce qui concerne le rejet par le tribunal administratif de Lille de la demande du département du Nord dirigée contre la maîtrise d'oeuvre :
14. Le tribunal administratif de Lille, dans le jugement contesté, a retenu que l'indemnisation du préjudice du maître d'ouvrage par la maîtrise d'oeuvre supposait que celui-ci établisse avoir vainement recherché auprès de l'entrepreneur le remboursement des sommes indûment perçues et qu'à défaut, le caractère direct et certain de son préjudice n'était pas établi. Toutefois, la faute de la maîtrise d'oeuvre dans le contrôle des acomptes est indépendante de la responsabilité contractuelle de la société lensoise d'électricité générale et cette faute de la maîtrise d'oeuvre est en lien direct avec le préjudice résultant pour le département du trop-perçu par la société. Dès lors, que le département n'avait pas obtenu effectivement le remboursement du trop-perçu et que son préjudice existait, il pouvait rechercher la responsabilité solidaire tant de l'entrepreneur que de la maîtrise d'oeuvre, qui avaient concouru à la réalisation d'un même dommage, sans avoir à justifier du caractère irrécouvrable de la créance détenue sur l'entrepreneur. Par suite, le département du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté pour ce motif sa demande de condamnation solidaire de Mme D... et de la société Maning.
En ce qui concerne le caractère certain du préjudice :
15. Le payeur départemental atteste que les sommes récapitulées par les quinze acomptes mensuels ont bien été versées à la société lensoise d'électricité générale par le département du Nord, contrairement à ce que soutenaient tant Mme D... que la société Maning. La circonstance que les factures payées seraient inférieures au montant du marché et que le décompte du marché de substitution passé pour achever les prestations dues par la société lensoise d'électricité générale n'aurait pas été notifié ne prive pas de sa réalité le préjudice subi par le département résultant du trop-versé au titulaire initial du marché.
16. Le département du Nord a obtenu en première instance, le 18 décembre 2018, la condamnation de la société lensoise d'électricité générale à lui verser la somme de 491 327,72 euros. Mais le 6 octobre 2017, le tribunal de commerce d'Arras a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société et le département du Nord produit en cause d'appel, un certificat établi par le liquidateur judiciaire le 25 mars 2019, attestant que la créance résultant de la condamnation de la société lensoise d'électricité générale par le jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Lille est irrécouvrable. Par suite, le département du Nord justifie qu'il n'a pu recouvrer sa créance auprès de la société lensoise d'électricité générale et établit ainsi la réalité du préjudice dont il se prévaut toujours en cause d'appel.
En ce qui concerne la faute exonératoire du département du Nord :
17. Il résulte de l'instruction que le département du Nord, informé du placement en procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société lensoise d'électricité générale par un jugement du 27 septembre 2013 du tribunal de commerce d'Arras, a demandé au mandataire judiciaire, par un courrier du 16 octobre 2013, que soit poursuivie l'exécution du marché. Le département avait donc connaissance dès cette date des difficultés de son co-contractant, même s'il ne pouvait en connaître l'ampleur. Il aurait pu s'enquérir dès cette époque de l'exécution du marché et vérifier l'absence de trop-perçu qu'il n'a fait constater que trois mois plus tard. Il sera fait une juste appréciation de cette imprudence du maître d'ouvrage en limitant la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre à soixante-dix pour cent du montant du préjudice. En revanche, Mme D... ne démontre aucune autre faute du département du Nord en lien avec le préjudice, dans l'attribution ou au cours de l'exécution du marché de la société lensoise d'électricité générale. De même, la circonstance que le département se soit inquiété en 2012 du rythme d'avancement des travaux de l'entreprise chargée du gros oeuvre ne suffit pas à démontrer qu'il aurait ainsi incité la maîtrise d'oeuvre à ne pas vérifier la réalité des travaux effectués. Enfin, si Mme D... soutient que les sous-traitants lui ont été imposés par le maître d'ouvrage, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la faute commise par la maîtrise d'oeuvre, et au demeurant, il résulte des éléments produits par le département du Nord, qu'elle a proposé à ce dernier d'agréer l'un des deux sous-traitants de la société lensoise d'électricité générale.
En ce qui concerne le quantum du préjudice :
18. Il résulte des termes de la garantie à première demande constituée par la société lensoise d'électricité générale dans le cadre de son marché que celle-ci ne couvre que les réserves. Par suite, le montant de cette garantie ne pouvait être mobilisé par le département et ne doit donc pas venir en déduction des sommes qu'il réclame, contrairement à ce que soutient la maîtrise d'oeuvre.
19. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant du trop versé, le département a déduit de la totalité des acomptes versés, les travaux effectivement réalisés. Il a également déduit de ces travaux tels que constatés par le bureau d'études Maning, les sommes directement payées aux sous-traitants, comme le démontre le décompte de liquidation et contrairement à ce que soutient la maîtrise d'oeuvre. Les acomptes versés à la société lensoise d'électricité générale ont été calculés après application de la révision de prix, et la même formule de révision de prix devait être appliquée pour déterminer le montant du trop-perçu. Par suite, le montant du trop-perçu par la société lensoise d'électricité générale correspond bien à la somme de 491 327,92 euros demandée par le département du Nord. Eu égard à ce qui a été dit au point 17 quant à la faute partiellement exonératoire du département, seule la somme de 343 929,54 euros toutes taxes comprises doit être mise à la charge de la maîtrise d'oeuvre.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et la société Maning doivent être condamnées à indemniser le département du nord, in solidum avec la société lensoise d'électricité générale dont la condamnation à la somme de 491 327,72 euros est définitive, mais à hauteur seulement en ce qui les concerne, de la somme de 343 929,54 euros toutes taxes comprises. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 décembre 2018 doit être réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Sur les appels provoqués :
En ce qui concerne le partage de responsabilité entre les membres de la maîtrise d'oeuvre :
21. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Toutefois, saisi en l'espèce sur un fondement quasi-délictuel, il n'est pas tenu par cette répartition contractuelle. En l'espèce, l'acte d'engagement comportait bien en annexe la répartition des missions entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. Mais il résulte également de l'instruction que Mme D... a signé seule la totalité des acomptes mensuels présentés par la société lensoise d'électricité générale. Si elle allègue qu'étant mandataire du groupement, elle était la seule interlocutrice du département, elle ne démontre pas qu'elle ait vérifié auprès du bureau d'études Maning, la réalité des prestations dont elle certifiait pourtant par sa signature qu'elles pouvaient donner lieu à paiement. La société Maning, pour sa part, avait en charge le contrôle de l'exécution des ouvrages électriques ainsi que la vérification des acomptes mensuels de ce lot, ainsi que cela résulte tant de l'acte d'engagement que des actes de cotraitance produits par Mme D.... Or, il n'est pas démontré que cette société ait vérifié la concordance entre les prestations effectuées et les paiements demandés. Compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du partage de responsabilité entre Mme D... et la société Maning en la répartissant à parts égales entre elles. Par suite, la société Maning est condamnée à être garantie par Mme D... à hauteur de cinquante pour cent des condamnations prononcées contre elle par le présent arrêt. Mme D..., pour sa part, est condamnée à être garantie par la société Maning à hauteur de cinquante pour cent de ses condamnations.
En ce qui concerne les titulaires de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination :
22. Tant Mme D... que la société Maning demandent à être garanties par les membres du groupement titulaire de la mission ordonnancement-pilotage-coordination, la société Coordination Planification et la société EXE-CO.
23. D'une part, aux termes de l'article 10 du décret du 29 novembre 1993 déjà cité : " L'ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier ont respectivement pour objet : / a) D'analyser les tâches élémentaires portant sur les études d'exécution et les travaux, de déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques ; / b) D'harmoniser dans le temps et dans l'espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ; / c) Au stade des travaux et jusqu'à la levée des réserves dans les délais impartis dans le ou les contrats de travaux, de mettre en application les diverses mesures d'organisation arrêtées au titre de l'ordonnancement et de la coordination. ". Par ailleurs, l'article 10.02 du cahier des clauses administratives particulières de la mission ordonnancement-pilotage-coordination recense comme prestations du titulaire : " établissement du calendrier des études, d'exécution et du calendrier des travaux avec les différents corps d'état, rédaction et diffusion des comptes-rendus de réunion, rapport de fin de chantier. ". Enfin, le cahier des clauses techniques particulières du marché précise, s'agissant de la responsabilité du titulaire " qu'en aucun cas, le titulaire ne pourra se substituer au maître d'oeuvre (chargé des missions " direction de l'exécution des travaux et assistance aux opérations de réception) ...le titulaire n'est pas responsable de la surveillance qualitative des travaux. ".
24. D'autre part, dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, un participant peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
25. En l'espèce, tant Mme D... que la société Maning ne peuvent se prévaloir de ce que les titulaires de la mission ordonnancement-pilote-coordination auraient commis des manquements dans l'exécution de leur contrat dès lors qu'ils n'y sont pas parties. A supposer qu'ils puissent entre regardés comme ayant également entendu évoquer un fondement quasi-délictuel, les titulaires de la mission ordonnancement-pilotage-coordination étaient chargés d'établir le calendrier d'intervention des différents intervenants sur le chantier et de la coordination entre ces intervenants. Ils n'étaient donc pas chargés du contrôle de la réalité, de la qualité et de la conformité de la prestation d'un intervenant donné. Par suite, les demandes de Mme D... et de la société Maning d'être garanties par les sociétés Coordination-Planification et EXE-CO ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les intérêts :
26. La somme de 343 929,54 euros que Mme D... et la société Maning sont condamnées à verser au département du Nord, doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête de première instance devant le tribunal administratif de Lille où ces intérêts ont été demandés pour la première fois, soit à compter du 24 mars 2015.
Sur les dépens :
27. La présente instance ne comprend aucun dépens. Par suite, les conclusions, à ce titre, de Mme D..., qui au surplus est la partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du département du Nord, de la société Coordination-Planification et de la société EXE-CO, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que Mme D... et la société Maning demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées à l'encontre du département par les sociétés EXE-CO et Coordination-Planification. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D... et de la société Maning une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés par le département du Nord et non compris dans les dépens, une somme de 500 euros chacune au titre des frais exposés par les sociétés EXE-CO et une somme identique à verser à la société Coordination-Planification.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme D... et la société Maning sont condamnées à verser la somme de 343 929,54 euros toutes taxes comprises au département du Nord. Cette condamnation est prononcée, à hauteur de ce seul montant, in solidum avec celle prononcée à hauteur de 491 327,72 euros à l'encontre de la société lensoise d'électricité générale par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 décembre 2018. La somme de 343 929,54 euros portera intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Maning garantira Mme D... à hauteur de la moitié des condamnations mises à sa charge.
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Article 4 : Mme D... garantira la société Maning à hauteur de la moitié des condamnations mises à sa charge.
Article 5 : Mme D... versera, au département du Nord, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 500 euros à la société EXE-CO et une somme de 500 euros à la société Coordination Planification au même titre.
Article 6 : La société Maning versera, au département du Nord, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 500 euros à la société EXE-CO et une somme de 500 euros à la société Coordination-Planification au même titre.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au département du Nord, à Mme A...-J... D..., à la société Maning, à la société EXE-CO, à la société Coordination-Planification et à Me E... C... en tant que liquidateur judiciaire de la société lensoise d'électricité générale.
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N°19DA00395
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