Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser une somme de 137 614,99 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 18 juin 2009 provoqué par un mineur confié à l'aide sociale à l'enfance. Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure a demandé la condamnation solidaire du département de l'Eure, de la société Aréas Dommages et de la société Axa France IARD à lui verser une somme de 130 023,95 euros au titre des débours exposés pour la prise en charge de M. E... à la suite de cet accident.
Par un jugement n° 1501495 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a mis la société Axa France IARD hors de cause, a dit n'y avoir lieu, en l'état, de statuer sur les conclusions de M. E..., a condamné solidairement le département de l'Eure et la société Aréas Dommages à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 106 242,21 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019, a condamné la société Aréas Dommages à garantir intégralement le département de l'Eure des condamnations mises à sa charge et a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions en garantie dirigées par la société Aréas Dommages contre la société Axa France IARD.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre 2019 et 25 janvier 2021, la société Aréas Dommages, représentée par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la seule société Axa France IARD à garantir le département de l'Eure des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Axa France IARD à la garantir de la moitié des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me G... C..., représentant la société Axa France IARD.
Une note en délibéré présentée pour la société Axa France IARD a été enregistrée le 1er juin 2021 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été renversé le 18 juin 2009 sur la voie publique par un mineur confié par une décision judiciaire au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure et accueilli au sein du foyer familial " L'Oasis ". M. E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à l'indemniser des préjudices subis du fait de cet accident. M. E... est décédé en cours d'instance le 19 janvier 2017. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a solidairement condamné le département de l'Eure et la société Aréas Dommages à verser une somme de 106 242,21 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure en remboursement des débours exposés pour la prise en charge de M. E... et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. La société Aréas Dommages interjette appel de ce jugement en tant qu'il l'a solidairement condamnée à verser ces sommes et a prononcé la mise hors de cause de la société Axa France IARD.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen a omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée dans son mémoire complémentaire par la société Aréas Dommages, tirée de ce que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, tendant à obtenir le remboursement des débours exposés, sont irrecevables en raison du décès de M. E... en cours d'instance. Ainsi le jugement du tribunal administratif de Rouen est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. E..., la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, le département de l'Eure, la société Aréas Dommages et la société Axa France IARD devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A... E... et les conclusions à fins de reprise d'instance présentées par Mme F... E... :
4. Aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat. "
5. Le tribunal administratif de Rouen a été informé par un courrier en date du 14 février 2018 du décès de M. E..., intervenu le 19 janvier 2017. L'affaire n'était pas en état d'être jugée. Si Mme F... E..., l'une des enfants de M. E..., a demandé à reprendre l'instance introduite par son père, elle n'a pas justifié, malgré l'invitation du tribunal en ce sens, de sa qualité d'héritière. Par suite, les conclusions à fin de reprise d'instance présentées par Mme F... E... sont irrecevables et il n'y a pas lieu, en l'état, de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... E....
Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure tendant au remboursement de ses débours :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir :
S'agissant de l'irrecevabilité tenant au décès de la victime principale :
6. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ouvre aux caisses de sécurité sociale la possibilité de poursuivre le remboursement, par le responsable d'un dommage corporel, des dépenses qu'elles ont exposées en faveur de la victime, indépendamment de l'exercice par celle-ci ou par ses ayants droit d'un recours indemnitaire au titre des préjudices qui sont demeurés à sa charge.
7. Bien que cette disposition qualifie de subrogatoires les recours dont disposent les caisses de sécurité sociale contre les tiers, la circonstance que la victime n'a pas, dans le délai du recours contentieux, contesté la décision par laquelle la collectivité publique, à laquelle le dommage est imputé, a rejeté sa demande indemnitaire n'a pas pour effet de rendre irrecevables les conclusions des caisses tendant au remboursement par cette collectivité des dépenses qu'elles ont engagées à la suite de l'accident.
8. Dès lors, la société Aréas Dommages n'est pas fondée à soutenir que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure tendant à obtenir le remboursement des débours exposés seraient irrecevables en raison du décès de la victime principale.
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale :
9. Il résulte de l'instruction que la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure tendant au remboursement des débours qu'elle a supportés pour M. E... s'inscrit dans le cadre du recours subrogatoire qui lui est ouvert par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
10. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ".
11. Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. [...] Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. "
12. Le délai de quatre ans prévu par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 court, en ce qui concerne les dépenses de santé remboursées à la victime par la caisse de sécurité sociale avant la date de consolidation des dommages, au premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les dépenses ont été exposées. A compter de la date de consolidation, et sous réserve de l'apparition ultérieure de nouveaux dommages non encore révélés à cette date, le point de départ du délai de prescription de la créance que détient la caisse au titre des frais de santé qu'elle devra exposer pour l'avenir d'une façon certaine au vu de la situation de la victime est, au même titre que les préjudices permanents résultant, pour la victime ou la caisse de sécurité sociale qui lui est subrogée, des conséquences de l'accident, le premier jour de l'année suivant celle de la consolidation.
13. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au bénéfice de M. E... peuvent être évalués à la somme de 68 969,02 euros, dont 10 350,45 euros pour les frais hospitaliers exposés du 18 juin 2009 au 23 février 2012, date de la consolidation de l'état de santé de l'intéressé, puis à la somme de 61 054,93 euros s'agissant des frais postérieurs à cette consolidation, du 23 février 2012 au 6 mars 2017. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le 12 août 2010, M. E... a saisi le tribunal de grande instance d'Evreux d'une requête aux fins d'expertise portant sur les préjudices à l'origine des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure. Le 6 juin 2012, il a assigné la mère du mineur responsable de l'accident, le foyer dans lequel il résidait, ainsi que le courtier en assurance du département de l'Eure en vue d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser une indemnité provisionnelle et de réaliser une expertise portant sur les préjudices définitifs, à la suite de la consolidation de son état de santé. M. E... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une requête en référé expertise le 5 novembre 2012 puis a introduit une requête indemnitaire le 30 avril 2015. Par suite, compte tenu des actes du subrogeant qui ont eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription au profit du subrogé et que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure peut valablement invoquer, le département de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure serait prescrite.
En ce qui concerne la responsabilité :
14. La décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur. Cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
15. Il est constant qu'en vertu d'un jugement de placement, Christopher Bonamy, auteur de l'accident dont M. E... a été victime le 18 juin 2009, était, à cette date, confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure et a fait l'objet d'un rappel à la loi avec classement sous condition d'indemnisation. Par suite, la responsabilité sans faute du département de l'Eure est engagée en raison des agissements de ce mineur et donc de l'accident qu'il a provoqué.
En ce qui concerne les préjudices :
16. En premier lieu, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure demande le remboursement des frais hospitaliers, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques et des frais de transport s'élevant à la somme de 10 350,45 euros exposés dans le cadre de la prise en charge de M. E... et dont la réalité et le montant sont établis, et non utilement contestés, par le relevé de débours et l'attestation d'imputabilité en date du 15 mars 2019. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 10 350,45 euros.
17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. E... a été placé en arrêt maladie du 19 juin 2009 au 23 février 2012, date de la consolidation de son état de santé. Par suite, les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure entre le 22 juin 2009 et le 14 février 2012 doivent lui être remboursées. Toutefois, il résulte l'instruction, comme le relève le département de l'Eure en défense et contrairement à ce que mentionne la notification des débours produite par la caisse, que pour la période du 22 juin 2009 au 1er janvier 2012, la somme journalière de 37,99 euros a été versée à M. E... pendant une durée de 924 jours et non de 1 500 jours. Le montant versé au titre de cette période ne peut donc excéder la somme de 35 102,76 euros. En outre, il résulte de l'instruction que pour la période du 3 janvier 2012 au 14 février 2012, la somme journalière de 37,99 euros a été versée à M. E... pendant une durée de 43 jours. Le montant versé au titre de cette période s'élève donc à la somme de 1 633,57 euros. Par suite, le montant indemnisable au titre des indemnités journalières versées du 22 juin 2009 au 14 février 2012 s'élève à la somme de 36 736,33 euros.
18. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de son accident, M. E..., qui exerçait auparavant le métier de chef poseur dans une entreprise spécialisée dans les clôtures, n'a pas pu reprendre son travail après la consolidation de son état de santé et a été reconnu atteint d'une invalidité de catégorie 2. Il a conservé des séquelles au niveau du coude gauche entraînant une importante diminution de ses capacités physiques et une limitation majeure des mouvements réalisables avec son bras gauche, l'empêchant de reprendre son travail ou un emploi similaire. Dans ces conditions, le lien de causalité entre l'accident et le versement d'une pension d'invalidité de catégorie 2 du 4 juillet 2012 au 6 mars 2017 doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme établi. Par suite, la caisse primaire de l'Eure est fondée à demander la condamnation département de l'Eure à lui verser la somme de 61 054,93 euros au titre de la pension d'invalidité versée à M. E....
19. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Eure doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 108 141,71 euros.
Sur l'appel en garantie dirigé par le département de l'Eure contre la société Aréas Dommages et contre la société Axa France IARD :
En ce qui concerne la société d'assurance responsable :
20. Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 124-5 du code des assurances : " La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu'elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d'Etat peut également imposer l'un de ces modes de déclenchement pour d'autres garanties. / Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième alinéa du présent article. / La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. / La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie. / Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret. / Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d'effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu'il soit fait application des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux garanties d'assurance pour lesquelles la loi dispose d'autres conditions d'application de la garantie dans le temps. "
21. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les deux contrats d'assurance successifs conclus par le département avec les sociétés Aréas Dommages et Axa France IARD, et qui prenaient effet respectivement les 1er janvier 2005 et 1er janvier 2010, prévoyaient une garantie déclenchée par la réclamation.
22. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société Axa France IARD, il ne résulte pas de l'instruction que le département de l'Eure ait été informé de l'accident du 18 juin 2009 avant l'expiration du contrat d'assurance conclu avec la société Aréas Dommages le 31 décembre 2009. A cet égard, ni l'audition le 23 septembre 2009 par les services de gendarmerie d'une éducatrice exerçant au foyer accueillant l'auteur de l'accident, qui n'est pas une agente départementale, ni l'émission par le département le 10 septembre 2009 d'une attestation d'assurance concernant cet auteur, qui ne fait nullement mention de l'accident en cause, ne sont de nature à établir que le département de l'Eure aurait eu connaissance de l'accident avant le 31 décembre 2009. La société Axa France IARD n'est par suite pas fondée à invoquer les dispositions précitées du 4ème alinéa de l'article L. 124-5 du code des assurances selon lesquelles, en cas de garantie déclenchée par la réclamation, l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
23. La société Axa France IARD n'est pas plus fondée à invoquer les dispositions du 6ème alinéa du même article, selon lesquelles lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d'effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière est appelée en priorité, dès lors, d'une part, qu'en l'espèce les deux contrats d'assurance en cause ont été conclus postérieurement à cette prise d'effet, et, d'autre part et en tout état de cause, que ces dispositions ne concernent que les contrats dont la garantie est déclenchée par le fait dommageable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les deux contrats prévoyant un déclenchement de la garantie par la réclamation, ainsi qu'il a été dit au point 21.
24. Il résulte en revanche des dispositions du 4ème alinéa du même article que, dans le cas où deux contrats dont la garantie est déclenchée par la réclamation ont été conclus successivement, la garantie résultant du premier contrat doit être appelée seulement si, au moment où l'assuré a eu connaissance du fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. Or, en l'espèce, à la date à laquelle le département de l'Eure a eu connaissance du fait dommageable litigieux, qui est postérieure ainsi qu'il a été dit au 31 décembre 2009, il avait resouscrit une garantie d'assurance auprès de la société Axa France IARD par la signature d'un contrat dont la garantie est déclenchée par la réclamation. Il en résulte que cette société doit seule garantir le département de l'Eure des condamnations prononcées à son encontre et que la société Aréas Dommages doit être mise hors de cause, les conclusions en garantie qu'elle dirige contre la société Axa France IARD étant par suite dépourvues d'objet.
En ce qui concerne la prescription de la demande de garantie du département de l'Eure :
25. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. / Toutefois, ce délai ne court : 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; / 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. / Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. "
26. A l'appui de ses conclusions tendant au rejet de l'appel en garantie dirigé par le département de l'Eure à son encontre, la société Axa France IARD soutient qu'en tout état de cause cet appel est tardif, le département ayant méconnu les dispositions précitées prescrivant par un délai de deux ans les actions dérivant d'un contrat d'assurance.
27. Il résulte cependant de l'instruction que M. E... a introduit une action en justice contre le département de l'Eure pour la première fois le 5 novembre 2012, dans le cadre de la demande d'expertise adressée au tribunal administratif de Rouen, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 14 janvier 2013. L'expert a remis son rapport le 23 avril 2013. Or, il résulte de l'instruction que le département de l'Eure a, pour la première fois, adressé une demande de garantie à la société Satec, agissant pour le compte de la société Axa France IARD, le 13 août 2012, puis a réitéré cette demande par un courrier du 22 avril 2013, soit dans le délai de deux ans courant à compter du 5 novembre 2012 et ayant à nouveau couru deux ans après le dépôt du rapport d'expertise jusqu'au 23 avril 2015. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Axa France IARD, le département a exercé une action tendant à ce qu'elle le garantisse des conséquences financières du dommage provoqué par le mineur placé sous son contrôle dans le délai de deux ans imparti par les dispositions précitées de l'article L. 114-1 du code des assurances. La circonstance qu'entre le 22 avril 2013 et le 3 juin 2015, date d'une nouvelle demande de garantie, le département n'ait pas formulé d'autres demandes en ce sens est à cet égard sans incidence, aucune disposition ni aucun principe n'imposant à l'assuré de formuler une nouvelle demande avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant sa première demande.
28. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le département de l'Eure à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme totale de 108 141,71 euros et de condamner la société Axa France IARD à garantir le département de l'Eure de l'intégralité de cette somme. La société Aréas Dommages doit, en revanche, être mise hors de cause.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
29. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure a droit aux intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019, date d'enregistrement de sa première demande devant les premiers juges. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus à la date du 19 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
30. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. " Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 109 € et 1 098 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2021. "
31. Il y a lieu de condamner le département de l'Eure à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Pour les raisons exposées ci-dessus, la société Axa France IARD garantira le département de cette somme.
Sur les frais liés au litige :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Aréas Dommages, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la société Axa France IARD, le département de l'Eure et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Axa France IARD et du département de l'Eure, chacun, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Aréas Dommages et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501495 du tribunal administratif de Rouen du 4 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : La société Aréas Dommages est mise hors de cause.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... E... et sur les conclusions formées contre lui au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le département de l'Eure est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 108 141,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019. Les intérêts échus à la date du 19 mars 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le département de l'Eure versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 6 : La société Axa France IARD garantira le département de l'Eure des sommes mises à sa charge par les articles 4 et 5 du présent arrêt.
Article 7 : La société Axa France IARD et le département de l'Eure verseront, chacun, à la société Aréas Dommages une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aréas Dommages, à la société Axa France IARD, au département de l'Eure, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et à Mme F... E....
N°19DA02092 2