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25/05/2021 | FRANCE | N°20DA01289

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 25 mai 2021, 20DA01289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... G... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 14 juillet 2020 par lesquels le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2004895 du 22 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet du

Nord de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui délivrer dans l'attente...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... G... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 14 juillet 2020 par lesquels le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2004895 du 22 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 août 2020, le préfet du Nord, représenté par Me A... D..., demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de première instance de M. G....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 22 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. G..., ressortissant algérien né le 30 janvier 1997, annulé ses arrêtés du 14 juillet 2020 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. M. H... G..., entré en France selon ses déclarations au mois d'avril 2015, a fait l'objet le 14 juillet 2020 d'un contrôle d'identité à Lille sans être en mesure de justifier de son droit à circuler ou séjourner sur le territoire national. S'il soutient, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour l'obligeant à quitter le territoire français, avoir épousé une ressortissante française le 8 août 2018 et que l'enquête pour suspicion de mariage blanc conduite le 5 août 2019 n'a donné lieu à aucune poursuite, il n'en demeure pas moins qu'entre son mariage et la décision attaquée, le requérant a vécu au moins un an en Algérie, rejoint ponctuellement par son épouse pour de courtes périodes. Si M. G... soutient être retourné dans son pays d'origine le 25 mai 2019 en vue de demander le visa de long séjour nécessaire à l'obtention d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française, par une décision du 30 octobre 2019, l'autorité consulaire française à Oran lui a opposé une décision de refus au motif du caractère complaisant de son mariage, contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale. Il ressort des pièces du dossier que M. G... s'est ensuite désisté de l'instance juridictionnelle qu'il avait introduite devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision susvisée du 30 octobre 2019 et qu'il s'était auparavant soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 1er mai 2018 qui ne lui accordait aucun délai de départ volontaire. En outre, à la date de la décision contestée, le mariage de l'intéressé avec une ressortissante française présentait un caractère récent et n'avait pas été précédé d'une vie de couple. M. G..., qui se borne à invoquer la présence sur le territoire national de sa soeur, est par ailleurs sans charge de famille, sans emploi et ne produit aucun élément relatif à son insertion sociale en France. Il n'établit enfin pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans et où, ainsi qu'il a été dit, il est retourné à plusieurs reprises. Dans ces conditions, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision obligeant M. G... à quitter le territoire et, par voie de conséquence, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que celle l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. G... devant le tribunal administratif de Lille et la cour.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

4. En premier lieu, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 31 octobre 2019, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département n° 270 du 4 novembre 2019, le préfet du Nord a donné délégation à M. E... C..., signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, notamment, la décision attaquée dans le cadre des permanences qu'il est amené à assurer. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

5. En deuxième lieu, les décisions attaquées comportent l'énoncé des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement. La circonstance qu'elles ne visent pas l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est sans incidence sur leur légalité, une erreur ou omission dans les visas d'une décision administrative n'étant jamais de nature à en entraîner l'annulation. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation du requérant. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions attaquées et du défaut d'examen particulier ne peuvent qu'être écartés.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. G... a été auditionné par les services de police le 14 juillet 2020 et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour, la perspective de son éloignement et interrogé sur les éventuels éléments relatifs à sa situation personnelle qu'il souhaitait porter à la connaissance de l'autorité préfectorale. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

7. En quatrième lieu, pour les motifs énoncés au point 2, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, l'obligation de quitter le territoire français étant légale, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

9. Enfin, M. G... n'apportant aucun élément de nature à établir la réalité des risques d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, également, être écarté.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

11. Pour refuser à M. G... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du Nord s'est fondé sur l'existence d'un risque qu'il se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français. Cependant, l'intéressé justifie de la possession de document d'identité en cours de validité ainsi que d'une résidence effective stable au domicile de son épouse, de sorte qu'il ne saurait être regardé comme présentant un tel risque, nonobstant le non-respect de l'obligation de quitter le territoire en date du 1er mai 2018. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, en refusant à M. G... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision d'assignation à résidence :

12. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire ne pouvant être regardée comme n'ayant pas accordé un tel délai, la décision par laquelle le préfet du Nord, sur le fondement des dispositions précitées, a assigné M. G... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours est illégale par voie de conséquence et doit, pour cette raison, être annulée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. En revanche, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et assignant M. G... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. G... présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004895 du 22 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La décision du 14 juillet 2020 du préfet du Nord portant refus d'un délai de départ volontaire et la décision du même jour assignant M. G... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. G... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., au ministre de l'intérieur et à Me F... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°20DA01289 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01289
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-25;20da01289 ?
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