La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2021 | FRANCE | N°20DA00168

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 11 mai 2021, 20DA00168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation, d'une part, de la décision du 21 septembre 2016 du ministre de la défense rejetant la demande de son époux, décédé le 30 septembre 2015, tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour un adénome pulmonaire polymétastasé qu'il estimait imputable au service et, d'autre part, de la décision du 4 mai 2016 de refus d'octroi d'une pension en sa qualité de conjointe su

rvivante au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation, d'une part, de la décision du 21 septembre 2016 du ministre de la défense rejetant la demande de son époux, décédé le 30 septembre 2015, tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour un adénome pulmonaire polymétastasé qu'il estimait imputable au service et, d'autre part, de la décision du 4 mai 2016 de refus d'octroi d'une pension en sa qualité de conjointe survivante au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Par un jugement du 9 avril 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné la jonction de ces deux procédures et avant dire droit ordonné une expertise.

Par un jugement RG n°16/11 du 28 octobre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A... et a enjoint au ministre des armées de lui accorder une pension telle que définie à l'article L. 141-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 25 août 2020, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 21 octobre 1945, engagé dans la marine nationale le 8 décembre 1963, a été radié des contrôles le 22 octobre 2001. Il a demandé le 9 avril 2015 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour une pathologie qu'il estimait imputable au service. Par une décision du 21 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. L'intéressé est décédé le 30 septembre 2015 d'un cancer pulmonaire. Son épouse a demandé, le 23 octobre 2015, l'octroi d'une pension en sa qualité de conjointe survivante au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Sa demande a été rejetée par une décision du 4 mai 2016. La ministre des armées relève appel du jugement du 28 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A... tendant à l'annulation de ces décisions et a enjoint à la ministre des armées d'accorder à l'intéressée une pension telle que définie à l'article L. 141-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre devenu l'article L. 141-6 du code du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. (...) / Si le décès survient dans le délai d'un an à dater du renvoi définitif du militaire ou marin dans ses foyers, il est réputé, sauf preuve contraire, provenir desdites blessures ou maladies. L'Etat pourra fournir la preuve contraire par tous moyens (...) ".

4. Il n'est pas contesté que la pathologie dont souffrait M. A... a été diagnostiquée en novembre 2014 soit après l'expiration du délai fixé par les dispositions précitées de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En outre, le décès de M. A... n'est pas survenu dans le délai d'un an à dater du renvoi définitif de celui-ci dans ses foyers. Par suite, Mme A... ne pouvait prétendre au bénéfice de la présomption d'imputabilité au service de la pathologie de son mari au titre de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ni au titre de celle du paragraphe 4 de l'article L. 45 du même code.

5. Il résulte cependant des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre précités que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie.

6. Il ressort du rapport d'expertise du 27 mars 2019 du docteur Wemeau, spécialiste de médecine interne et qualifié en cancérologie, que M. A..., sous-officier ayant exercé trente-huit ans dans la marine, s'est vu diagnostiquer en novembre 2014 un adénocarcinome pulmonaire avec métastases pulmonaires et pleurales. L'expert a relevé que l'intéressé avait fait de longs séjours sur plusieurs bâtiments de la marine nationale et avait été amené à fréquenter tous les compartiments des bateaux ainsi qu'à séjourner durant des périodes de travaux et qu'il avait été exposé professionnellement au risque de contamination par des fibres d'amiante, ainsi que cela ressortait de l'attestation de la direction du personnel de la marine du 30 mars 2015 faisant état de cette exposition pour la période de 1969 à 1989 lors de son affectation sur huit navires. Si la ministre des armées soutient que l'emploi occupé par l'intéressé n'est pas pris en compte dans la liste limitative du tableau 30 bis des maladies professionnelles impliquant la manipulation d'équipements contenant des matériaux à base d'amiante et qu'il n'a pas été retrouvé de corps asbestosiques dans les divers prélèvements biologiques de M. A... de nature à révéler une exposition à l'amiante, il résulte cependant de l'instruction et, en particulier, des conclusions de l'expert prenant en compte l'ensemble des éléments médicaux relatifs à l'état de santé de l'intéressé, ainsi que des attestations de collègues de travail de M. A... des 15 septembre et 13 octobre 2017, très circonstanciées, que M. A..., qui exerçait le métier de fourrier relatif à la gestion de matériels, au stockage, à la distribution et à la récupération de matériels impliquant des déplacements dans la totalité des navires, a été exposé de manière certaine et prolongée à l'amiante pendant son activité professionnelle exercée sur des bâtiments de la marine nationale pendant vingt ans.

7. Par ailleurs, si M. A... présentait un tabagisme ancien depuis l'adolescence, arrêté en 1984 lors de la survenue d'un infarctus, il ressort clairement des conclusions du rapport d'expertise que la consommation tabagique antérieure et l'exposition à l'amiante ont " l'un et l'autre contribué à la survenue du cancer bronchique de M. A... ". Il résulte de ces éléments que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont a été atteint M. A... et son exposition à l'amiante dans le cadre du service est établie. La seule circonstance que cette pathologie pourrait avoir été également favorisée par le tabagisme ancien de l'intéressé n'est pas de nature à remettre en cause ce lien de causalité dès lors que, comme cela a été dit au point 6, M. A... a été exposé de manière certaine et prolongée à l'amiante de 1969 à 1989, soit pendant vingt ans. Par suite, c'est à tort que le ministre de la défense a, par sa décision du 21 septembre 2016, refusé de reconnaître imputable au service l'adénome pulmonaire polymétastasé dont a été atteint M. A... et d'accorder à son épouse une pension de réversion au titre de cette infirmité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre des armées.

2

N°20DA00168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00168
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-02-01-03 Pensions. Pensions civiles et militaires de retraite. Questions communes. Demande de pension.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-11;20da00168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award