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20/04/2021 | FRANCE | N°20DA01573

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 avril 2021, 20DA01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2006420 du 23 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'ensemble d

es décisions contenues dans l'arrêté du 4 septembre 2020.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2006420 du 23 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 4 septembre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 octobre 2020, le préfet du Nord, représenté par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. B....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

-le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Nord interjette appel du jugement du 23 septembre 2020, par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. B..., annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 4 septembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. / En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque : / a) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride déclare qu'il a introduit une demande de protection internationale mais n'indique pas l'État membre dans lequel il l'a introduite ; / b) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger ; ou / c) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride fait en sorte d'empêcher d'une autre manière son éloignement en refusant de coopérer à l'établissement de son identité, notamment en ne présentant aucun document d'identité ou en présentant de faux documents d'identité ".

3. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

4. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3.

5. Il ressort du procès-verbal d'audition dressé le 12 août 2020 par les services de la police aux Frontières que M. B... a déclaré avoir séjourné en Italie avant d'entrer en France, et soutient s'y être vu remettre des documents relatifs à une demande d'asile. Il a réitéré cette allégation lors de l'audience publique, précisant à cette occasion avoir déposé une demande d'asile en Italie en juillet 2020. Toutefois, ayant indiqué l'Etat membre dans lequel il aurait déposé une demande de protection internationale, le préfet du Nord n'était pas tenu de vérifier, en vertu des dispositions précitées du a) du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n°603 /2013, si M. B... avait auparavant introduit une demande de protection internationale en entrant dans le système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales de l'intéressé. En outre, M. B... n'a produit aucune pièce de nature à établir l'existence de cette demande d'asile en Italie en juillet 2020 et ses allégations sont apparues peu crédibles au regard de son incarcération en France, le 30 juillet 2020, à la suite de la révocation du sursis d'une condamnation précédente. M. B... n'a, au demeurant, jamais exprimé sa volonté d'être reconduit vers l'Italie. Il suit de là que le préfet du Nord ne disposait d'aucun élément sérieux permettant de considérer que l'intéressé pouvait entrer dans le champ d'application du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'intéressé avait déjà fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français par arrêtés des 27 décembre 2012 et 6 septembre 2016. Dans ces conditions, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, comme entaché d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B..., l'arrêté du 4 septembre 2020.

6. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B....

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Nord du 4 septembre 2020 :

7. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. B... aurait déposé une demande d'asile en Italie de sorte que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 22 janvier 2018 par le tribunal correctionnel de Lille à une peine de douze mois de prison dont quatre mois avec sursis probatoire sans mise à l'épreuve pendant deux ans, pour des faits de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité, récidive et usage illicite de stupéfiants, récidive et rébellion. Ce sursis ayant été révoqué à hauteur de quatre mois par un jugement du 21 mars 2019 du juge de l'application des peines, M. B... a été incarcéré le 30 juillet 2020 et est sorti de détention le 27 septembre suivant sans laisser d'adresse, après avoir bénéficié d'une réduction de peine de quinze jours en raison de la crise sanitaire. Dès lors, en prenant à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Enfin, si M. B... soutient qu'il vit en France depuis treize ans, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français en date des 27 décembre 2012 et 6 septembre 2016, que l'intéressé a déclaré être revenu irrégulièrement en France en juillet 2020 et qu'il ne justifie pas d'attaches familiales ni d'une insertion particulière sur le territoire français. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle. Le moyen sera donc écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté préfectoral du 4 septembre 2020.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2006420 du 23 septembre 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01573
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-20;20da01573 ?
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