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06/04/2021 | FRANCE | N°18DA01310

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 avril 2021, 18DA01310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... M... épouse I... et M. D... H... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Doullens à indemniser l'ensemble des préjudices subis par leur fils, M. E... H..., à raison de son état de santé séquellaire de la souffrance foetale aigüe ayant précédé sa naissance, le 23 septembre 1998 et à leur verser, à chacun, une somme de 150 000 euros ainsi qu'une somme de 100 000 euros à M. K... H..., frère de M. E... H..., au titre de leur préjudice moral respec

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Par un jugement n° 1503753 du 26 avril 2018, le tribunal administratif d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... M... épouse I... et M. D... H... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Doullens à indemniser l'ensemble des préjudices subis par leur fils, M. E... H..., à raison de son état de santé séquellaire de la souffrance foetale aigüe ayant précédé sa naissance, le 23 septembre 1998 et à leur verser, à chacun, une somme de 150 000 euros ainsi qu'une somme de 100 000 euros à M. K... H..., frère de M. E... H..., au titre de leur préjudice moral respectif.

Par un jugement n° 1503753 du 26 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens à verser, d'une part, à Mme J... M... épouse I... en sa qualité de tutrice de M. E... H... une somme de 952 426,95 euros en indemnisation des préjudices de celui-ci sous déduction de la provision de 30 000 euros déjà versée et la somme de 40 000 euros en indemnisation de ses préjudices propres sous déduction de la provision de 30 000 euros déjà versée et, d'autre part, à M. D... H... la somme de 40 000 euros en indemnisation de ses préjudices propres sous déduction de la provision de 5 000 euros déjà versée et rejeté le surplus des conclusions de leur requête. Il a également mis à la charge du centre hospitalier de Doullens les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros par une ordonnance du président de ce tribunal en date du 27 mars 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 27 juin et 24 août 2018, le centre hospitalier de Doullens, représenté par Me B... G..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de réduire à de plus justes proportions les sommes mises à sa charge.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me C... F..., représentant le centre hospitalier de Doullens et de Me A... L... pour M. E... H..., Mme M... épouse I... et M. D... H....

Considérant ce qui suit :

1. Né le 23 septembre 1998, M. E... H... a été victime le jour de sa naissance d'une anoxie cérébrale néonatale à la suite de laquelle il demeure atteint de graves séquelles consistant notamment en une quadriplégie spastique avec retard mental majeur et une épilepsie. Par un jugement n° 0100196 du 3 février 2005 devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que l'état de santé de M. E... H... résultait d'une faute du centre hospitalier de Doullens engageant sa responsabilité et a condamné cet établissement à verser à ses parents, désormais séparés, Mme M... épouse I... et M. H..., en leur qualité de représentants légaux, en réparation des préjudices temporaires de leur enfant, d'une part, une somme de 135 000 euros en réparation des troubles de l'enfant dans ses conditions d'existence, incluant notamment la réparation des souffrances endurées, le préjudice moral et le préjudice esthétique et, d'autre part, une rente annuelle de 18 000 euros à verser jusqu'à la majorité de la victime au titre de son besoin d'assistance par tierce personne. Il a également condamné le centre hospitalier de Doullens à verser 12 500 euros à chacun des deux parents de M. E... H... en réparation de leur préjudice moral. Par une ordonnance n° 1001354 du 5 juillet 2010, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a alloué à Mme J... M... épouse I..., en son nom personnel, une somme de 30 000 euros à titre de provision et à M. D... H..., en son nom personnel, une somme de 5 000 euros, au même titre. Par une ordonnance n° 1503758 du 22 avril 2016, le juge des référés de ce tribunal a alloué à Mme M... épouse I..., en qualité de représentante légale de son fils mineur M. E... H..., une provision de 30 000 euros afin de lui permettre de faire face aux charges d'assistance pour tierce personne à compter de l'échéance de la majorité de son fils E.... Par un jugement avant dire droit du 30 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a désigné un expert aux fins, notamment, de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. E... H... et d'évaluer ses préjudices ainsi que ceux de ses parents. Le centre hospitalier de Doullens relève appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser, d'une part, à Mme J... M... épouse I... en sa qualité de tutrice de M. E... H..., une somme de 952 426,95 euros en indemnisation des préjudices de celui-ci, sous déduction de la provision de 30 000 euros déjà versée et la somme de 40 000 euros en indemnisation de ses propres préjudices, sous déduction également de la provision de 30 000 euros déjà versée et, d'autre part, à M. D... H... la somme de 40 000 euros en indemnisation de ses propres préjudices, sous déduction de la provision de 5 000 euros déjà versée et rejeté le surplus des conclusions de leur requête. Par la voie de l'appel incident, Mme J... M... épouse I..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de son fils, M. E... H... et en qualité de représentante légale de son fils mineur K... H..., et M. D... H..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur K... H... demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, dont le jugement est suffisamment motivé, n'ont toutefois pas évalué au-delà de l'âge de vingt-deux ans l'indemnisation du préjudice de M. E... H... en ce qui concerne l'assistance par une tierce personne alors que cette évaluation était expressément demandée à compter de la consolidation de son état de santé, fixée à la date du 23 septembre 2016, correspondant à la date de sa majorité. Dès lors, les premiers juges, qui ont répondu sur les autres demandes des consorts I...-H... ont, par cette omission à statuer, entaché leur jugement d'irrégularité.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice permanent subi par M. E... H... au titre de l'assistance par une tierce personne à compter de la date de consolidation de son état de santé et de statuer par l'effet dévolutif sur le surplus des conclusions d'appel du centre hospitalier de Doullens et le surplus des conclusions d'appel incident de Mme J... M... épouse I... et de M. D... H..., présentées en leur qualité de représentants légaux de leurs fils E... et Valentin H... et en leur nom propre.

Sur le préjudice permanent subi par M. E... H... au titre de l'assistance par une tierce personne à compter de la date de consolidation de son état de santé :

4. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que M. E... H... a besoin de l'assistance d'une tierce personne 24 heures sur 24 dont une heure est doublée en raison de l'utilisation difficile du lève-malades par une personne seule. Celle-ci lui est apportée par ses parents.

En ce qui concerne les dépenses à compter du 23 septembre 2016, date de la majorité de M. E... H... jusqu'au 23 septembre 2020, date des vingt-deux ans de l'intéressé :

5. Il résulte de l'instruction que M. E... H... a été accueilli jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, toute la semaine en institut médico-éducatif sous le régime de l'internat à raison de 104 heures hebdomadaires et que les consorts I...-H... justifient de la présence de E... au foyer familial durant 139 jours pour la période allant de septembre 2016 à août 2017, soit sept semaines de vacances et quarante-cinq week-ends. En se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales correspondant à une aide non spécialisée, fixé à 13 euros et en retenant une base annuelle de 412 jours, soit 58 semaines, incluant les congés payés, il sera fait une juste appréciation du coût de l'assistance par une tierce personne pour la période postérieure au 23 septembre 2016, date de la majorité de M. E... H... et de consolidation de son état de santé, à raison de 25 heures par jour, jusqu'au 23 septembre 2020, date des vingt-deux ans de l'intéressé, à la somme totale de 194 802,30 euros après avoir tenu compte du montant de la prestation au titre de l'aide humaine versée à Mme I..., mère de E..., d'un montant de 2 302 euros par an. Il y a ainsi lieu de fixer à 194 802,30 euros le montant de la somme due au titre de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les dépenses à compter du 24 septembre 2020 jusqu'à la date de lecture du présent arrêt :

6. M. E... H... nécessite toujours une assistance par une tierce personne 24 heures sur 24 dont une heure doublée en raison de l'utilisation difficile du lève-malades par une personne seule, soit 25 heures par jour sur une période de 6 mois 12 jours, soit 192 jours. En se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales correspondant à une aide non spécialisée, fixé à 13 euros et en retenant une base annuelle de 412 jours, soit 58 semaines, incluant les congés payés, il sera fait une juste appréciation du coût de l'assistance par une tierce personne pour la période du 24 septembre 2020 à la date de lecture du présent arrêt, à raison de 25 heures par jour, en l'évaluant à la somme de 70 449,60 euros, sous déduction, le cas échéant, des périodes où E... serait hospitalisé ou placé en institution spécialisée. Les sommes perçues par M. E... H... au titre des prestations de compensation du handicap, dont il devra justifier auprès du centre hospitalier de Doullens, viendront en déduction de cette somme. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, il n'y pas lieu de déduire du montant de la somme due pour ce poste de préjudice l'allocation aux adultes handicapés perçue par M. E... H... dès lors qu'une telle allocation constitue, conformément aux dispositions de l'article L. 811-1-1 du code de l'action sociale et des familles, une garantie de ressources et n'a pas pour objet de compenser les besoins d'assistance liés au handicap.

En ce qui concerne les besoins futurs en assistance par une tierce personne :

7. Dans les circonstances de l'espèce, les frais afférents au besoin d'assistance de M. E... H... par une tierce personne doivent être réparés par une rente annuelle viagère versée trimestriellement, et non par le versement d'un capital représentatif de ces frais futurs. Compte tenu de ce qui a été retenu précédemment sur la base de 175 heures par semaine (25h par jour 7 jour sur 7) et en retenant un taux horaire de 13 euros pour 58 semaines (412 jours), le coût annuel de l'assistance par une tierce personne s'élève à 131 950 euros. Par suite, le centre hospitalier de Doullens devra verser à M. E... H... à compter de la date de lecture du présent arrêt, une rente annuelle indemnisant l'aide d'une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne à raison de 175 heures par semaine, sous déduction, le cas échéant, des périodes où E... serait hospitalisé ou placé en institution spécialisée. Cette rente, dont le montant annuel fixé à 131 950 euros sera versé par trimestres échus, sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par M. E... H... au titre des prestations de compensation du handicap, dont il devra justifier auprès du centre hospitalier de Doullens, viendront, le cas échéant, en déduction de cette somme. Pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, il n'y a pas lieu de déduire l'allocation d'adulte handicapé perçue par l'intéressé.

Sur le surplus des conclusions d'appel principal du centre hospitalier de Doullens et d'appel incident de Mme J... M... épouse I... et de M. D... H... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires de M. E... H... :

8. Les consorts I...-H... demandent le versement d'une somme de 2 050 140 euros au titre des besoins en assistance par une tierce personne jusqu'à la consolidation de l'état de santé de E... en se prévalant d'un taux horaire de 20 euros pour un nombre d'heures de 92 848 euros. Toutefois, il est constant que par le jugement n° 0100196 du 3 février 2005, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens à verser une rente annuelle de 18 000 euros jusqu'à la majorité de M. E... H... au titre de ce chef de préjudice. La forme de la réparation de chaque chef de préjudice étant un pouvoir propre du juge qui détermine la forme la plus adaptée ainsi que le barème de capitalisation le plus approprié, les consorts I...-H... ne contestent pas utilement cette indemnisation en demandant le versement d'un capital au lieu d'une rente. Les conclusions d'appel incident doivent donc être rejetées sur ce point.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents de M. E... H... :

S'agissant des frais d'aménagement du logement :

9. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'état médical de M. E... H... justifie que les parents disposent d'un logement adapté. Les consorts I...-H... demandent à ce que la réparation du préjudice lié à l'aménagement de leurs deux logements fasse l'objet d'une nouvelle expertise par un ergothérapeute et à ce que ce chef de préjudice soit réservé. Toutefois, ils ne contestent pas qu'ils ont fait des aménagements pour lesquels ils n'ont supporté aucun reste à charge et que depuis le mois d'avril 2015, le père de E... dispose d'un logement social conçu pour les personnes handicapées. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande d'expertise sur ce chef de préjudice.

S'agissant des frais d'aménagement des véhicules :

10. Il ressort du rapport d'expertise que l'état médical de M. E... H... justifie que chacun des deux parents dispose d'un véhicule adapté. Les consorts I...-H... demandent que leur soit allouée une somme de 42 727,90 euros correspondant aux frais d'adaptation de leurs véhicules respectifs et une somme de 489 285,72 euros au titre d'un capital représentatif des frais futurs pour ce même poste de préjudice compte tenu du remplacement tous les cinq ans de leurs véhicules.

11. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme I..., mère de M. E... H..., a justifié du coût d'aménagement de son véhicule particulier utilisé pour le transport régulier de son fils par la production d'une facture émanant de l'entreprise Morice, d'un montant de 11 488,95 euros. Compte tenu du versement par la maison départementale des personnes handicapées pour la période 2015-2020 de la prestation de compensation du handicap " Transport-Aménagement Véhicule " à hauteur de 5 000 euros, seul le reste à charge de 6 488,95 euros peut donner lieu à indemnisation, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

12. D'autre part, si M. H... produit un devis concernant des travaux d'aménagement d'un camping-car pour un montant de 52 649,10 toutes taxes comprises, ces frais ne concernent pas le surcoût relatif à l'aménagement de son véhicule particulier et il ne peut donc prétendre à une indemnisation à ce titre. Toutefois, M. H... produit en appel une facture de la société Handi Auto Adapt du 15 mai 2013 concernant des travaux d'aménagement de son véhicule personnel (Peugeot Tipee) pour un montant de 8 949,85 euros. Ces travaux correspondant bien à des frais liés au surcoût d'aménagement de son véhicule particulier, il y a lieu de lui allouer cette somme de 8 949,85 euros.

13. Eu égard à la durée d'amortissement d'un véhicule adapté, les consorts I...-H... sont fondés à solliciter l'indemnisation du préjudice futur lié à ces frais d'adaptation de leurs véhicules respectifs. Il y a ainsi lieu de leur accorder la prise en charge du renouvellement tous les sept ans de ces frais et non tous les cinq ans sous réserve de démontrer la nécessité de la prise en charge effective de leur fils. Le centre hospitalier de Doullens s'opposant au versement d'un capital, cette indemnisation s'effectuera sur présentation des justificatifs des frais d'adaptation de leurs véhicules particuliers respectifs à l'issue de la période fixée.

S'agissant de la perte de gains professionnels futurs :

14. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme présentant un caractère certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive. Il y a lieu de réparer ce préjudice par l'octroi à la victime, à compter de sa majorité et sa vie durant, d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de sa majorité et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Doivent être déduites de cette rente les sommes éventuellement perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés.

15. Le salaire médian pour l'année 2016, année de la majorité de M. E... H..., s'élevait selon une étude de l'INSEE à 1 789 euros net par mois, soit 5 367 euros par trimestre. Il y a ainsi lieu d'allouer à M. E... H... pour l'avenir, en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de ses droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2016, soit 5 367 euros par trimestre, actualisé en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés. Les sommes perçues par l'intéressé au titre de l'allocation aux adultes handicapés viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

16. Il ressort du dernier rapport d'expertise que compte tenu des déficiences et incapacités graves aussi bien physiques que neuropsychologiques, M. E... H... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 90 %. Les consorts I...-H... demandent le versement d'une somme de 300 000 euros au titre de ce chef de préjudice en faisant valoir que leur fils ne pourra jamais travailler y compris en milieu protégé. Toutefois, si M. E... H... est dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, ce préjudice a nécessairement été pris en compte dans le cadre de l'indemnisation relative à la privation de gains professionnels engendrée par le dommage qu'il a subi, qui lui a été accordée au point précédent sous forme de rente à vie. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont alloué à l'intéressé une somme de 80 000 euros au titre de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux temporaires de M. E... H... :

17. Il ressort du dernier rapport d'expertise que compte tenu des déficiences et incapacités graves aussi bien physiques que neuropsychologiques, M. E... H... a été atteint d'un déficit fonctionnel temporaire de 90 %. Ce déficit a été total durant 42 jours, pendant les périodes d'hospitalisation entre sa naissance et le mois de janvier 2003. Il a ensuite été de 90 % jusqu'au 23 septembre 2016, date de consolidation de son état de santé et de sa majorité. Toutefois, par le jugement n° 0100196 du 3 février 2005, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens à verser une somme de 135 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence de l'enfant tenant compte de son déficit fonctionnel temporaire partiel de 90 %, des souffrances endurées et des préjudices moral et esthétique avant consolidation. Les consorts I...-H... ne sont ainsi pas fondés à demander le versement d'une somme au titre du déficit fonctionnel temporaire qui a déjà été indemnisé par le jugement précité. Par suite, c'est à tort que les premiers juges leur ont alloué, par le jugement du 26 avril 2018 contesté, une somme de 78 896 euros au titre de ce chef de préjudice.

18. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, les consorts I...-H... ne sont pas fondés à demander une indemnisation au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique, qui ont fait l'objet d'une indemnisation par le jugement n° 0100196 du 3 février 2005 du tribunal administratif d'Amiens, devenu définitif, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents de M. E... H... :

19. Il ressort du dernier rapport d'expertise que M. E... H... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 23 septembre 2016, un déficit fonctionnel permanent de 90 %. Compte tenu de l'âge de E... à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en portant la somme de 450 000 euros qui lui a été allouée à 500 000 euros.

20. Le préjudice esthétique de M. E... H... ayant été estimé par l'expert à 5 sur une échelle de 7, il a été fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une somme de 13 000 euros.

21. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices sexuel et d'établissement en allouant à M. E... H... une somme totale de 10 000 euros. En revanche, le préjudice d'agrément n'étant caractérisé que si la victime pratiquait régulièrement une activité sportive ou de loisirs et en a été privée, ce qui n'est pas le cas de M. E... H..., handicapé depuis sa naissance, il n'y a pas lieu de lui allouer une somme au titre du préjudice d'agrément.

En ce qui concerne les préjudices des parents et du frère de M. E... H... :

22. Il résulte de l'instruction que le préjudice moral des parents de M. E... H... a déjà été indemnisé par le jugement n° 0100196 du 3 février 2005 du tribunal administratif d'Amiens, devenu définitif. Toutefois, ils justifient d'un préjudice extrapatrimonial " exceptionnel ", en raison des bouleversements importants dans leur vie quotidienne, dont il sera fait une juste appréciation en leur allouant la somme de 30 000 euros chacun.

23. Il résulte de l'instruction que Valentin H... n'était pas né, ni même conçu, lors de la naissance de son frère E.... En l'absence de lien de causalité direct entre son préjudice moral allégué et la faute commise par le centre hospitalier de Doullens, la demande d'indemnisation présentée à ce titre sera devra être rejetée.

24. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à Mme I... en sa qualité de tutrice de E... H... doit être fixée à la somme de 794 740,85 euros, sous déduction de la provision de 30 000 euros déjà versée, à laquelle doit s'ajouter la rente annuelle de 131 950 euros prévue précédemment pour les besoins futurs de tierce personne et une rente trimestrielle de 5 367 euros au titre du préjudice professionnel de M. E... H..., sous réserve des déductions prévues aux points 6,7, 13 et 15 du présent arrêt. L'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à Mme I... au titre de ses préjudices propres est ramenée à la somme de 30 000 euros, sous déduction de la provision de 30 000 euros déjà versée et l'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à M. H... au titre de ses préjudices propres est ramenée à la somme de 30 000 euros, sous déduction de la provision de 5 000 euros déjà versée, à laquelle s'ajoute une indemnité de 8 949, 85 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Doullens le versement aux consorts I...-H... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1503753 du tribunal administratif d'Amiens du 26 avril 2018 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur les besoins en assistance par une tierce personne de M. E... H... au-delà de l'âge de vingt-deux ans.

Article 2 : L'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à Mme J... M... épouse I... en sa qualité de tutrice de M. E... H... est fixée à la somme de 794 740,85 euros à laquelle doit s'ajouter une rente annuelle de 131 950 euros pour les besoins futurs de tierce personne et une rente trimestrielle de 5 367 euros au titre du préjudice professionnel de M. E... H..., sous réserve des déductions prévues aux points 6,7, 13 et 15 du présent arrêt et de la provision de 30 000 euros déjà versée.

Article 3 : L'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à Mme J... M... épouse I... au titre de ses préjudices propres est ramenée à la somme de 30 000 euros, dont la provision de 30 000 euros déjà versée viendra en déduction.

Article 4 : L'indemnité due par le centre hospitalier de Doullens à M. D... H... au titre de ses préjudices propres est ramenée à la somme de 30 000 euros, dont la provision de 5 000 euros déjà versée viendra en déduction, à laquelle s'ajoute une indemnité de 8 949, 85 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule.

Article 5 : Le centre hospitalier de Doullens versera aux consorts I...-H..., ensemble, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le jugement n° 1503753 du 26 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Doullens, à Mme J... M... épouse I..., à M. D... H... et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

9

N°18DA01310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01310
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BERNARD-PUECH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-06;18da01310 ?
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