Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial pour sa femme et son fils mineur, ensemble la décision du 26 juin 2018 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1804228 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et enjoint au préfet de la Seine-Maritime d'autoriser l'admission au séjour de l'épouse et de l'enfant de M. B... au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 septembre 2020 et 15 janvier 2021, sous le n° 20DA01518, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.
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II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2020 et 15 janvier 2021, sous le n° 20DA01913, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 juillet 2020.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité ivoirienne, né le 28 janvier 1970, entré en France en 1992 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2023, a épousé en Côte d'Ivoire, le 13 avril 2017, une compatriote avec laquelle il a eu un fils, né le 30 juillet 2009. Le 1er juin 2017, il a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils mineur. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 24 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 11 avril 2018 rejetant cette demande de regroupement familial. Il demande également, par une requête distincte, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 20DA01518 et n° 20DA01913 présentées par le préfet de la Seine-Maritime, sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation d'une même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 20DA01518 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :
3. Pour annuler la décision du 11 avril 2018 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime a refusé le bénéfice du regroupement familial demandé par M. B..., le tribunal administratif de Rouen a estimé que M. B... justifiait de la réalité et de l'intensité de la relation qu'il entretient avec son épouse et son fils mineur ainsi que de sa contribution à l'entretien de ce celui-ci, qu'il est situation régulière sur le territoire français depuis 2003, est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2023, est père de quatre enfants de nationalité française issus d'une précédente relation, qu'il justifie d'une insertion professionnelle inscrite dans la durée qui lui procure des ressources stables et qu'ainsi, le préfet avait, en refusant le bénéfice du regroupement familial à M. B..., méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet de la Seine-Maritime soutient que les ressources de M. B..., si elles sont stables, sont cependant insuffisantes à la date de sa demande et de la décision attaquée dès lors que M. B... a seulement perçu au cours de la période de douze mois prévue à l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des revenus d'un montant mensuel net moyen de 946,40 euros, soit un montant inférieur au minimum exigible de 1 161,12 euros pour deux et trois personnes, en référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
4. Toutefois, le préfet ne conteste pas que les ressources de M. B..., qui exerce les fonctions d'agent de sécurité depuis l'année 2007, sont stables tandis que l'intéressé expose dans ses écritures que son contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2014 prévoyait une rémunération brute de 1 506,06 euros, soit environ 1 200 euros nets par mois. En outre, le préfet reconnait dans ses propres écritures que M. B... a démontré qu'il entretenait avec son épouse et son fils restés en Côte d'Ivoire des relations intenses. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime, en se bornant à faire valoir le caractère insuffisant des ressources de M. B..., ne conteste pas utilement le motif d'annulation retenu par les premiers juges tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet de la Seine-Maritime n'est, ainsi, pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour ce motif, la décision du 11 avril 2018 rejetant la demande de regroupement familial de M. B..., ensemble la décision du 26 juin 2018 de rejet du recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Le présent arrêt n'appelle pas d'autres mesures d'exécution que celles qui ont été prononcées en première instance. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M. B... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 500 euros, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Sur la requête n° 20DA01913 :
7. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 20DA01913 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20DA01518 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me A... renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20DA01913 tendant au sursis à l'exécution du jugement.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à M. D... B... et à Me C... A....
N°20DA01518,20DA01913 2