La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2021 | FRANCE | N°20DA01493

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 mars 2021, 20DA01493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a informé de la possibilité de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français en cas de maintien sur le territoire à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1908485 du 1er juillet 2020, le trib

unal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a informé de la possibilité de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français en cas de maintien sur le territoire à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1908485 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre et 10 décembre 2020, M. C..., représenté par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 du préfet de Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros au profit de Me B... qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant sénégalais, né le 22 janvier 1992, est entré en France avec son frère jumeau au mois de novembre 2012. Il a sollicité auprès de la préfecture du Pas-de-Calais la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 août 2019, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et l'a informé d'une éventuelle interdiction de retour sur le territoire français en cas de maintien sur le territoire à l'issue de ce délai. M. C... interjette appel du jugement rendu le 1er juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. M. C... ayant obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 312-2 (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., les premiers juges n'ont pas refusé de prendre en compte la période allant du mois de novembre 2012 au mois d'octobre 2015 au cours de laquelle il était en situation irrégulière, mais ont relevé qu'il ne pouvait être regardé comme ayant séjourné régulièrement sur le territoire national durant cette période. Les premiers juges n'ont ainsi commis ni erreur ni de droit, ni méconnu l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Versailles le 1er octobre 2015 qui, après avoir l'avoir condamné à un emprisonnement délictuel de deux mois pour détention frauduleuse de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, a prononcé le sursis à l'exécution de cette peine.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du jugement du tribunal correctionnel mentionné au point précédent que le requérant a, en produisant de faux documents d'identité, volontairement trompé les services de l'aide sociale à l'enfance et indûment bénéficié d'un soutien matériel et d'un accompagnement personnalisé jusqu'au mois de novembre 2015 au titre de l'aide sociale à l'enfance, alors qu'il n'y était pas, en raison de son âge, éligible. Si cette circonstance ne s'oppose pas, en soi, à ce que les trois premières années passées en France soit prises en compte dans l'appréciation de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire national, elle ne témoigne que d'un respect relatif des normes régissant l'accueil des étrangers en France.

7. En troisième lieu, si M. C... se prévaut d'une relation amoureuse et de la grossesse de sa compagne, Mme D..., ressortissante ivoirienne, détentrice d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que cette relation est récente et a présenté un caractère instable. La circonstance que la compagne de M. C... ait donné naissance le 27 septembre 2020 à l'enfant issu de leur union est en outre sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, adopté plus d'un an auparavant.

8. En quatrième lieu, si le requérant se prévaut de sa présence continue en France depuis 2012 et de sa bonne insertion sociale, il est constant qu'il est célibataire et sans emploi et a indiqué dans sa demande de titre de séjour n'être pas en mesure de subvenir à ses propres besoins. S'il invoque plus particulièrement la présence de son frère jumeau, possesseur d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'un enfant français dont il s'occuperait régulièrement, il n'établit ni la nécessité de sa présence à ses côtés, ni la réalité des conséquences psychologiques d'une exceptionnelle gravité qui résulteraient d'une séparation d'avec son frère jumeau. Par ailleurs, M. C... ne serait pas isolé dans son pays d'origine où réside sa mère ainsi que ses quatre soeurs.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. C... n'établit ni la réalité de motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'atteinte disproportionnée qu'aurait portée l'arrêté litigieux à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté n'est pas plus entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Ainsi qu'il vient d'être dit, la décision refusant l'admission au séjour de M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais se serait cru obligé d'édicter une obligation de quitter le territoire français en conséquence de la décision de refus de séjour. Ce moyen doit donc être écarté ainsi que, pour les motifs exposés aux points 5 à 8, celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant fixation du délai de départ volontaire à trente jours :

11. En premier lieu, le requérant n'établissant pas au regard de ce qui précède l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il ne saurait s'en prévaloir pour solliciter l'annulation de la décision portant fixation d'un délai de départ volontaire de trente jours. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité ne peut dès lors qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes du deuxième paragraphe de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. " Les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'administration d'accorder, si nécessaire, en tenant compte de circonstances propres à chaque cas, un délai supérieur à trente jours à l'étranger frappé d'une obligation de quitter le territoire français en raison de sa situation personnelle, sont conformes aux objectifs du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a accordé à M. C... un délai de départ volontaire de trente jours aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté.

13. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard des motifs exposés aux points 5 à 8, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. C..., à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une telle erreur doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2019. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dont elle est assortie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre de l'intérieur et à Me A... B....

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

N°20DA01493 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01493
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CHEHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-09;20da01493 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award