Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise agricole à responsabilité limitée F..., M. E... F..., M. B... F..., Mme D... C... épouse F... et M. J... F... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 19 juin 2017 par lequel le préfet de la Somme a autorisé Mme L... G... à exploiter des parcelles situées sur le territoire des communes de Corbie et de Vaux-sur-Somme, pour une superficie totale de 27 hectares, 66 ares et 04 centiares.
Par un jugement n° 1702036 du 25 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2019, l'entreprise agricole à responsabilité limitée F..., M. E... F..., M. B... F..., Mme D... C... épouse F... et M. J... F..., représentés par Me H... N..., demandent à la cour d'annuler ce jugement et l'arrêté du 19 juin 2017.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme M... G... a donné à bail rural à M. E... F... d'une part, et à M. B... F... et Mme D... C... épouse F... d'autre part, l'exploitation de parcelles situées respectivement sur les territoires des communes de Vaux-sur-Somme et de Corbie pour une superficie totale de 27 hectares 66 ares 04 centiares. Ces parcelles étaient exploitées dans le cadre du groupement agricole d'exploitation en commun F... constitué par MM. Bernard et Henri F.... Le 9 avril 2013, ce groupement agricole d'exploitation en commun a été transformé en entreprise agricole à responsabilité limitée et, le 17 décembre 2013, M. B... F... a cédé la totalité des parts qu'il détenait dans cette entreprise à M. J... F..., fils de M. E... F.... Par actes extrajudiciaires en date du 25 mars 2014, Mme M... G... et Mme L... G..., sa fille, ont donné congé à M. E... F..., à M. B... F... et à Mme D... F... en vue de permettre l'installation de Mme L... G... sur les terres en cause. Par un arrêté du 8 juillet 2014, le préfet de la Somme a autorisé Mme L... F... à exploiter ces terres. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 22 novembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens, motif pris de son insuffisante motivation. Se prononçant à la suite de ce jugement, le préfet de la Somme a de nouveau autorisé Mme L... G... à exploiter les terres en cause par un arrêté du 19 juin 2017. Les consorts F... interjettent régulièrement appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le droit applicable :
2. D'une part, lorsqu'une autorisation d'exploiter des terres a fait l'objet d'une annulation par le juge administratif, il appartient à l'autorité préfectorale, à nouveau saisie de la demande présentée par le candidat et des modifications que ce dernier est susceptible d'y apporter, de statuer en considération des éléments de droit et de fait prévalant à la date à laquelle intervient sa nouvelle décision, sans pouvoir tenir compte, quel que soit le motif de l'annulation contentieuse, de l'exploitation effectuée sur la base de l'autorisation annulée.
3. D'autre part, aux termes des alinéas 2 et 3 du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département. / Les unités de référence arrêtées par le représentant de l'Etat dans le département s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles. " En vertu de l'article 4 du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, les déclarations préalables et les demandes d'autorisations d'exploiter déposées avant l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles demeurent soumises aux dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014. Il résulte de ces dispositions transitoires que les articles du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014, ne sont applicables qu'à compter de la publication du schéma régional directeur des exploitations agricoles. Ce schéma, en date du 29 juin 2016, est entré en vigueur le 1er juillet 2016 en Picardie.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet de la Somme, à nouveau saisi de la demande d'autorisation présentée le 31 mars 2014 par Mme L... G..., qui n'avait pas besoin de la réitérer, à la suite de l'annulation par le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 22 novembre 2016 de son arrêté du 8 juillet 2014, était tenu, contrairement à ce que soutiennent les consorts F..., de se prononcer sur cette demande. Celle-ci ayant été déposée le 31 mars 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie le 1er juillet 2016, il devait, en vertu des dispositions précitées, faire application du droit antérieur à la réforme du droit du contrôle des structures des exploitations agricoles par la loi du 13 octobre 2014. C'est par suite à bon droit que le préfet de la Somme a examiné la demande de Mme L... G... en faisant application des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans sa version antérieure à cette réforme et du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme du 22 février 2011.
Sur la légalité externe de l'arrêté litigieux :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - Les demandes d'autorisation d'exploiter sont soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants. Lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens est soumis à la même séance de la commission. / Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission. "
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les terres litigieuses ont été prises à bail par M. E... F... d'une part, par M. B... F... et Mme D... C... épouse F... d'autre part, et que l'ensemble de ces terres a fait l'objet d'une mise à disposition en vue de leur exploitation par l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... formée, initialement, par MM. Bernard et Henri F... puis, à compter du 17 décembre 2013, par MM. Bernard et Alexandre F.... Par suite, en adressant le 15 mai 2017 à l'entreprise agricole à responsabilité limitée F..., un courrier mentionnant la date de la séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture au cours de laquelle serait examinée la demande de Mme L... G..., le préfet de la Somme a régulièrement informé M. J... F... en sa qualité d'associé et de gérant de l'entreprise agricole à responsabilité limitée F....
7. Par ailleurs, il est constant que si M. B... F... et Mme D... F..., son épouse, sont co-preneurs du bail rural pour l'exploitation d'une des parcelles en litige, Mme D... F... n'a pas la qualité d'exploitant des terres dont s'agit, n'étant pas membre de l'exploitation agricole à responsabilité limitée F.... Dès lors, eu égard à l'indépendance de la législation du contrôle des structures de celle des baux ruraux, la circonstance que le préfet de la Somme n'ait pas informé Mme D... C... épouse F... de la date de la séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture au cours de laquelle serait examinée la demande de Mme L... G... n'est pas, en l'espèce, constitutive d'un vice de procédure.
8. En deuxième lieu, la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que l'arrêté litigieux vise un décret de nomination d'un préfet qui n'était plus en poste à la date de sa signature et mentionne la région Picardie en lieu et place de la région Hauts-de-France est sans incidence sur sa légalité, dès lors, d'une part, que le préfet de la Somme était compétent pour adopter cet arrêté et, d'autre part, que son signataire, M. I... A..., détenait une délégation de signature en date du 2 mars 2017 régulièrement publiée et signée par M. K..., directeur départemental des territoires et de la mer de la Somme, lui-même détenteur d'une délégation de signature du préfet de la Somme en date du 1er janvier 2016 régulièrement publiée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
9. En troisième lieu, l'arrêté litigieux, qui vise les dispositions pertinentes du code rural et de la pêche maritime, énonce que l'autorisation accordée à Mme L... G... ne concerne que 27,6604 hectares sur les 413,02 hectares exploités par l'entreprise agricole à responsabilité limité F..., soit 6,7%, qu'elle ne remet pas en cause sa viabilité, que la superficie exploitée par Mme L... G... après autorisation sera de 131,2704 hectares, que si les deux exploitations étaient en concurrence, Mme G... serait prioritaire et, enfin, que l'une des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles est de permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où les perspectives économiques le justifient. L'arrêté litigieux comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.
10. Enfin, si les consorts F... soutiennent que l'arrêté litigieux n'a pas visé la demande d'autorisation administrative déposée par Mme L... G..., ainsi qu'il a été dit au point 4, le préfet de la Somme s'est retrouvé automatiquement saisi de la demande initialement déposée le 31 mars 2014 par Mme G... à la suite de l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2014 par le jugement du 22 novembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens. Aucune nouvelle demande n'étant par suite nécessaire, le moyen doit être écarté.
Sur la légalité interne de l'arrêté litigieux :
11. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que le contrôle des structures des exploitations agricoles vise, notamment, " à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient. " Aux termes de l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme du 22 février 2011 : " Les orientations de la politique d'aménagement des structures d'exploitation dans le département de la Somme doivent permettre d'assurer la pérennité des exploitations existantes ayant un potentiel économique suffisant pour dégager le revenu déterminé par l'arrêté du 13 janvier 2009 fixant le seuil de revenu agricole à un salaire minimum interprofessionnel annuel, net de prélèvements sociaux, par exploitant ou associé exploitant et de développer l'agriculture de proximité en : (...) permettant l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où les perspectives économiques le justifient. "
12. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet de la Somme a pris en compte la situation de pluriactivité dans laquelle se trouvait Mme L... G... et a estimé que cette situation ne s'opposait pas à la délivrance de l'autorisation litigieuse. En se bornant à soutenir que le préfet n'a pas apprécié la compatibilité de l'activité extra-agricole de Mme G..., alors qu'une telle appréciation résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux, l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et les consorts F... n'établissent pas que le préfet de la Somme aurait commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation.
13. Si l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et les consorts F... soutiennent ensuite que l'autorisation accordée remettrait en cause l'exploitation de M. J... F..., les terres objet de la demande portent sur une superficie de 27,6604 hectares, ce qui ne représente que 6,7 % de la superficie des terres s'élevant à 413,02 hectares exploitées par l'entreprise agricole à responsabilité limitée F.... Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, eu égard à cette superficie et même si M. J... F... est un jeune agriculteur, que la décision attaquée porterait atteinte à la pérennité de son exploitation.
14. Enfin, l'ordre des priorités selon lequel sont accordées les autorisations d'exploiter, figurant dans le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme du 22 février 2011, n'est applicable que lorsque le bien, objet de la reprise, fait l'objet de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter. En l'absence de demande concurrente à celle de Mme O..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme est inopérant. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que le préfet a pu prendre en compte la pluriactivité de Mme L... G..., dès lors qu'il s'agit de l'une des orientations du schéma directeur, lesquelles ne sont pas hiérarchisées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
16. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de de mettre à la charge de l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et des consorts F..., ensemble, une somme globale de 1 500 euros à verser à Mme L... G... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de l'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et des consorts F... est rejetée.
Article 2 : L'entreprise agricole à responsabilité limitée F... et les consorts F..., pris ensemble, verseront à Mme L... G... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., à M. B... F..., à M. J... F..., à Mme D... C... épouse F..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée F..., à Mme L... G... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie sera adressée à la préfète de la Somme.
2
N°19DA01989