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16/02/2021 | FRANCE | N°20DA01063

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 16 février 2021, 20DA01063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2000815 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23

juillet 2020, M. F..., représenté par Me G... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2000815 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. F..., représenté par Me G... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer sans délai un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant marocain né le 15 août 1989, fait appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Sur le moyen commun à la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

2. M. F... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 2 du jugement attaqué.

Sur les moyens communs à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et à l'obligation de quitter le territoire français :

3. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour vise les textes dont elle fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-marocain. Elle mentionne les faits qui en constituent le fondement, en particulier, elle indique que M. F... s'est marié avec une ressortissante française le 23 juin 2018 et que par un acte notarié daté du 20 novembre 2019, il a consenti à l'adoption simple du fils de son épouse. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé la décision de refus de titre de séjour. Par ailleurs, l'arrêté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de cet article, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision d'éloignement, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

6. En l'espèce, M. F... ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il a été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté en litige, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé aurait été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

9. M. F... déclare être entré en France en 2017 sans justifier d'une entrée régulière sur le territoire français. Il a épousé le 23 juin 2018 Mme C... H..., de nationalité française. S'il se prévaut de ce mariage avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que l'union était récente à la date de l'arrêté attaqué du 10 février 2020. En outre, s'il s'est engagé dans une démarche d'adoption simple du fils de son épouse et produit un acte notarié daté du 20 novembre 2019 recueillant le consentement de cet enfant, de son épouse et du père biologique de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'adoption soit devenue effective par le prononcé d'un jugement. S'il se prévaut encore de deux promesses d'embauche, dont la plus récente date du 14 novembre 2019, il ne justifie toutefois d'aucune insertion professionnelle. Par ailleurs, M. F... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que M. F... revienne régulièrement en France en étant muni d'un visa de long séjour, afin d'y solliciter de nouveau un titre de séjour. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de M. F..., le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne résulte pas davantage que la situation de M. F... serait caractérisée par des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14. L'ensemble de ces moyens sera donc écarté.

10. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".

11. M. F... soutient que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose d'une promesse d'embauche en tant que chauffeur-livreur. Toutefois, l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée et, traitant de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. F... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants marocains.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., au ministre de l'intérieur et à Me G... D....

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°20DA01063 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : KENGNE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 16/02/2021
Date de l'import : 11/01/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20DA01063
Numéro NOR : CETATEXT000044807669 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-16;20da01063 ?
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