Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 mars 2017 portant autorisation tacite d'exploiter à l'EARL du Brouillard des terres agricoles situées sur les communes de Ferrières-Haut-Clocher et Croisille.
Par un jugement n° 1701240 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 mars 2020, le 17 juin 2020 et le 4 septembre 2020, l'EARL du Brouillard, représentée par Me C... A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL du Brouillard a demandé, le 9 novembre 2016, l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 25 hectares 6 ares 25 centiares de terres situées sur les communes de Ferrières-Haut-Clocher et Croisille, dans le département de l'Eure, qui étaient jusque-là mises en valeur par M. B.... Cette demande a fait l'objet d'un accusé de réception le 24 novembre 2016 précisant qu'en l'absence de notification d'une décision dans un délai de quatre mois, l'EARL disposerait d'une autorisation tacite d'exploiter. Elle a été tacitement acceptée par la préfète de la région Normandie à compter du 9 mars 2017 du fait du silence de l'administration, conformément à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime. L'EARL du Brouillard relève appel du jugement du 17 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. B..., exploitant les terres objet de la demande, annulé cette autorisation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'autorisation tacite d'exploiter délivrée à l'EARL du Brouillard, les premiers juges se sont fondés sur un premier motif tiré de ce que M. B..., qui mettait en valeur les parcelles objet de la demande, devait être regardé comme étant preneur en place au moins jusqu'au 29 septembre 2017, date d'effet du congé délivré le 24 mars 2016 et, donc, à la date de la décision attaquée du 9 mars 2017, et sur un second motif tiré de ce que M. B..., qui soutenait que la reprise envisagée constituait un agrandissement excessif au regard des dispositions du schéma régional des structures agricoles de Haute-Normandie, avait une situation prioritaire par rapport à celle de l'EARL du Brouillard. Ils ont ainsi répondu aux moyens soulevés par M. B... tirés de ce que la préfète avait commis une erreur de fait en considérant qu'il n'était plus preneur en place à la date de la décision attaquée et une erreur d'appréciation en accordant l'autorisation demandée alors que l'article 5 du schéma régional des exploitations agricoles de Haute-Normandie considère comme excessifs, au sens de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, les agrandissements et concentrations d'exploitations conduisant, après reprise, à une surface par actif exploitant supérieure à 150 hectares, l'article L. 312-1 renvoyant lui-même à l'article L. 331-3-1° pour la définition de l'agrandissement ou de la concentration d'exploitation excessifs. Les premiers juges n'ont, ainsi, pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".
4. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Haute-Normandie étant entré en vigueur le 2 avril 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par l'EARL du Brouillard le 9 novembre 2016, soit après cette date, la décision en litige doit être examinée au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : (...) 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Haute-Normandie : " (...) Seront considérés comme excessifs au sens de l'article L. 312-1, les agrandissements et concentrations d'exploitation conduisant après reprise à une surface par actif exploitant supérieure à 150 ha ou à une surface d'exploitation supérieure à 300 ha. ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 9 mars 2017 de la décision attaquée, M. B... avait encore la qualité de preneur en place, le congé qui lui a été délivré le 24 mars 2016 et que l'intéressé a contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux, ne prenant effet qu'au 29 septembre 2017. Il suit de là que l'autorité administrative, qui a pris la décision d'autorisation tacite d'exploitation en considérant que M. B... n'avait plus la qualité de preneur en place comme cela ressort du mémoire en défense de l'administration produit devant les premiers juges, a entaché sa décision d'une erreur dans la matérialité des faits. Ce motif est de nature, à lui seul, à justifier l'annulation de l'autorisation tacite d'exploitation délivrée à l'EARL du Brouillard.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens dirigés contre l'autre motif d'annulation retenu par les premiers juges, que l'EARL du Brouillard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2017 l'autorisant tacitement à exploiter une superficie supplémentaire de 25 hectares 6 ares 25 centiares de terres situées sur les communes de Ferrières-Haut-Clocher et Croisille. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'EARL du Brouillard le versement à M. B... d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL du Brouillard est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL du Brouillard, à M. D... B... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie sera adressée au préfet de la région Normandie.
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N°20DA00392