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22/12/2020 | FRANCE | N°20DA00854

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 22 décembre 2020, 20DA00854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel la préfète de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la République centrafricaine comme pays de destination en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " sous as

treinte de 15 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel la préfète de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la République centrafricaine comme pays de destination en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " sous astreinte de 15 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1903572 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2020, M. C..., représenté par Me Mary Vérilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel la préfète de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la République centrafricaine comme pays de destination en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement, de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Bangui le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 5 août 1993, de nationalité centrafricaine, est entré sur le territoire français le 6 octobre 2011 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Du 6 octobre 2011 au 3 janvier 2014, il s'est vu régulièrement renouveler son titre de séjour. Par un premier arrêté du 3 janvier 2014, il a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. C... a ensuite demandé son admission exceptionnelle au séjour qui lui a été refusée par un deuxième arrêté du 19 mai 2017, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la République centrafricaine. Le 16 juillet 2019, M. C... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'" étudiant ". Par un arrêté du 9 octobre 2019, la préfète de la Somme a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour à l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé la République centrafricaine comme pays de destination. Par un jugement n° 1903572, dont il est relevé appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreurs de droit et d'appréciation relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 9 de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou de stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. (...) ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée par un ressortissant centrafricain en qualité d'étudiant, de rechercher si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

4. Il est constant que depuis son arrivée sur le territoire français, en 2011, jusqu'à l'édiction de l'arrêté attaqué lui refusant le séjour, M. C... n'a obtenu aucun diplôme. Il a d'abord échoué à obtenir un brevet de technicien supérieur d'assistant manager puis a échoué en première année de droit et a interrompu ensuite pendant plusieurs années ses études pour s'inscrire à l'école supérieure de commerce d'Amiens au cours de l'année universitaire 2018-2019, à l'issue de laquelle il justifie avoir validé un semestre de formation en première année de bachelor. Ces réorientations successives interrompues par une longue période sans aucune formation ni aucun enseignement suivi par M. C... ne peuvent s'expliquer par la seule allégation de l'intéressé selon laquelle il aurait été contrarié dans ses choix universitaires par sa famille et ne permettent raisonnablement pas de regarder M. C... comme poursuivant, à la date de la décision attaquée, réellement et sérieusement des études. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner la suffisance des moyens d'existence de M. C..., que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application de l'article 9 de la convention franco-centrafricaine doit être écarté.

5. En second lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles toute personne a droit au respect d'une vie familiale normale sont, par elles-mêmes, sans incidence sur l'appréciation par l'administration de la réalité et du sérieux des études poursuivies par un étranger lors de l'instruction d'une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour en qualité d'étudiant. La préfète de la Somme a toutefois examiné la situation de M. C... au regard de sa vie privée et familiale pour lui refuser l'admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre de séjour de plein droit à quelque titre que ce soit. A cet égard, si M. C... se prévaut de la présence sur le territoire français de plusieurs membres de sa famille, dont son père et l'une de ses soeurs qui sont de nationalité française, il n'établit pas entretenir avec eux des liens d'une particulière intensité. Par ailleurs, depuis son arrivée sur le territoire français, M. C... a fait l'objet de deux décisions d'éloignement en 2014 puis en 2017, auxquelles il n'a pas déféré. Au surplus, il ne justifie pas d'une réelle insertion dans la société française alors qu'il a été condamné pour abus de confiance en 2015, sur reconnaissance préalable de culpabilité. Dans ces conditions, et alors que M. C... n'a séjourné régulièrement sur le territoire français que sous couvert de titres de séjour étudiant jusqu'en 2014, la préfète de la Somme n'a ni méconnu le droit au respect de la vie privée familiale de l'intéressé, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

7. En outre, la décision attaquée vise les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision fait aussi état de la vie privée et familiale de l'intéressé et des motifs de refus de délivrance du titre de séjour sollicité. Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 8 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En outre, la décision attaquée vise les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout en faisant état de ce que M. C... n'établit pas encourir de risques en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de première instance. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Marie Vérilhac.

Copie sera adressée à la préfète de la Somme.

2

N°20DA00854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 20DA00854
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-22;20da00854 ?
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