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24/11/2020 | FRANCE | N°19DA00167

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 24 novembre 2020, 19DA00167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler les délibérations n° 2018-02-22 A et 2018-02-22 C du 22 février 2018 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Saint-Hellier a accordé une subvention de 21 000 euros à l'association " Ecole Coeur de nos villages " et a approuvé la convention entre la commune de Saint-Hellier et l'association " Ecole Coeur de nos villages " mettant à la disposition de ladite association des locaux et matériels

l'effet d'encadrer des activités au profit d'enfants âgés de moins de six...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler les délibérations n° 2018-02-22 A et 2018-02-22 C du 22 février 2018 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Saint-Hellier a accordé une subvention de 21 000 euros à l'association " Ecole Coeur de nos villages " et a approuvé la convention entre la commune de Saint-Hellier et l'association " Ecole Coeur de nos villages " mettant à la disposition de ladite association des locaux et matériels à l'effet d'encadrer des activités au profit d'enfants âgés de moins de six ans et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de reverser au budget communal les sommes indument accordées à l'association " Ecole Coeur de nos villages ".

Par un jugement n° 1801407 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le déféré de la préfète de la Seine-Maritime et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 janvier 2019, le 20 décembre 2019 et le 22 juillet 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les deux délibérations n° 2018-02-22 A et 2018-02-22 C du 22 février 2018 du conseil municipal de la commune de Saint-Hellier.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 15 mars 1850 ;

- la loi du 30 octobre 1886 ;

- la loi n° 86-972 du 19 août 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations n° 2018-02-22 A et 2018-02-22 C du 22 février 2018, le conseil municipal de la commune de Saint-Hellier a accordé une subvention de 21 000 euros à l'association " Ecole Coeur de nos villages " et a approuvé la convention entre la commune de Saint-Hellier et ladite association mettant à la disposition de cette dernière des locaux et matériels à l'effet d'encadrer des activités au profit d'enfants âgés de moins de six ans. Par un jugement n° 1801407 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le déféré de la préfète de la Seine-Maritime tendant à l'annulation de ces deux délibérations et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 151-3 du code de l'éducation : " Les établissements d'enseignement du premier et du second degré peuvent être publics ou privés. Les établissements publics sont fondés et entretenus par l'Etat, les régions, les départements ou les communes. Les établissements privés sont fondés et entretenus par des particuliers ou des associations. " L'article L. 442-5 du même code dispose : " Les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander de passer avec l'Etat un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1./ (...) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public./(...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (...) ". L'article L. 2144-3 du même code dispose : " Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations ou partis politiques qui en font la demande. Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services publics et du maintien de l'ordre public. Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'est interdite l'utilisation de fonds publics au bénéfice d'écoles primaires ou maternelles privées sous réserve de dérogations concernant les seules écoles privées liées avec l'Etat soit par un contrat d'association, soit par un contrat simple et qui, en cette dernière hypothèse, ont passé à cet effet une convention spéciale avec la commune. De même, le maire ne peut mettre gratuitement à disposition des locaux communaux au bénéfice d'une association qui gèrerait une école maternelle privée hors contrat d'association ou contrat simple passé avec l'Etat.

5. En l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime soutient que l'association " Ecole Coeur de nos villages ", dont les statuts, établis le 16 juin 2016, prévoient qu'elle a pour objet " l'organisation et la mise en place d'actions destinées à promouvoir une école de qualité et de proximité en milieu rural pour l'Enfant, A... de demain ", gérait en réalité, à la date des deux délibérations déférées, une école maternelle privée hors contrat et ne pouvait, en conséquence, bénéficier de fonds publics ni de la mise à disposition gratuite de locaux communaux par le maire par le biais de la convention litigieuse. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, si l'association " Ecole Coeur de nos villages " a eu, un temps, pour projet d'ouvrir une école primaire privée déclarée conformément aux dispositions de l'article L. 441-1 du code de l'éducation, elle y a renoncé dès la fin de l'année 2017. En outre, la convention signée avec la commune de Saint-Hellier stipule que l'association s'engage seulement à " encadrer des activités auprès des enfants âgés de moins de six ans ". Il ressort des pièces du dossier que le salarié de l'association accueillant les enfants n'est pas un enseignant mais un animateur diplômé et aucun des témoignages, ni aucune des déclarations faites par le maire, ne permet de tenir pour établie la circonstance que l'accueil sur le temps scolaire ou périscolaire des enfants de moins de six ans par l'association aurait vocation à ce que soit dispensé un enseignement, au-delà des seules activités ludiques et culturelles proposées. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir qu'en accordant à cette association une subvention et en mettant gratuitement à sa disposition des locaux communaux, la commune de Saint-Hellier a méconnu les dispositions de l'article L. 151-3 du code de l'éducation et celles des articles L. 2122-21 et L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté son déféré.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la commune de Saint-Hellier d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête en appel du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la commune de Saint-Hellier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Seine-Maritime et à la commune de Saint-Hellier.

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N°19DA00167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA00167
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-07-02 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Établissements d'enseignement privés. Relations entre les collectivités publiques et les établissements privés.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP EMO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-24;19da00167 ?
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