Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à lui verser une somme de 11 423,90 euros en indemnisation des préjudices résultant de la mise en place défectueuse d'une prothèse de la hanche le 21 novembre 2012.
Par un jugement n° 1603271 du 21 février 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté pour tardiveté les conclusions de M. F..., a mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et a condamné le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, appelée en la cause, une somme de 11 825,97 euros en remboursement des frais exposés pour la prise en charge de M. F....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril 2019 et 25 mars 2020, M. F..., représenté par Me G... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires et de condamner le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à lui verser une somme de 11 423,90 euros en indemnisation des préjudices subis ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon les entiers dépens et le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- les observations de Me A... H..., représentant M. F..., et de Me C... E..., représentant le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a été admis le 21 novembre 2012 au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon pour la mise en place d'une prothèse de la hanche droite. Les suites de l'intervention ont été compliquées par quatre luxations successives, imposant à chaque fois une reprise chirurgicale les 11, 12, 14 et 15 décembre, ainsi que par la nécessité, le 19 décembre, de pratiquer une excision capsulaire antérieure et un changement du col prothétique et de la tête de la prothèse. Les examens réalisés, notamment en raison du diagnostic de surinfection de la cicatrice, ont mis en évidence la présence des germes staphylocoque epidermidis et entérocoque aerogenes. Le 9 janvier 2013, M. F... a été à nouveau opéré pour l'évacuation d'un hématome abondant. A la suite de l'intervention, un traitement antibiotique a été entrepris. A partir du 16 janvier 2013, l'intéressé n'a plus fait l'objet que d'un suivi par le service d'hospitalisation à domicile. Estimant fautives les conditions de sa prise en charge, M. F... a saisi le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon d'une demande indemnitaire préalable par un courrier du 18 juin 2013, qui a fait l'objet d'une décision expresse de rejet en date du 15 janvier 2014. M. F... a saisi alors le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis au greffe du tribunal le 3 mars 2015. Le 4 juillet 2016, M. F... a saisi le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon d'une seconde demande indemnitaire préalable. Par un jugement du 21 février 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir mis l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales hors de cause, a rejeté pour tardiveté les conclusions indemnitaires de M. F... et, reconnaissant le caractère nosocomial des infections subies, condamné le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise une somme de 11 825,97 euros en remboursement des frais exposés pour la prise en charge de l'intéressé. M. F... interjette appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires, et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise en tant que la somme mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon n'a pas été assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Sur la requête de M. F... :
2. En premier lieu, en vertu de l'article R. 421-1 et du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative alors applicable, la personne qui a saisi une collectivité publique d'une demande d'indemnité et qui s'est vu notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour rechercher la responsabilité de la collectivité devant le tribunal administratif. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant en matière de responsabilité des établissements publics de santé une procédure de règlement amiable des litiges, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation. La notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication. De même, la saisine du juge des référés devant le tribunal administratif d'une demande d'expertise médicale aux fins de rechercher les causes de dommages imputés au service public hospitalier interrompt le délai de recours contentieux contre la décision de l'établissement hospitalier rejetant expressément la demande d'indemnité. Ce délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l'expert ou de l'ordonnance du juge des référés rejetant la demande d'expertise.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige, le rapport d'expertise " (...) est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification peut s'opérer sous forme électronique. / Le greffe peut demander à l'expert de déposer son rapport sous forme numérique. La notification du rapport aux parties est alors assurée par le greffe. / Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à fournir leurs observations dans le délai d'un mois (...) ". Pour l'application de ces dispositions, chaque partie ou l'avocat qui la représente se voit notifier un code d'accès au système informatique de suivi de l'instruction qui lui permet de vérifier à tout moment l'état de la procédure. Dans l'hypothèse où une partie n'aurait pas eu communication du rapport d'expertise lorsqu'elle reçoit la lettre du greffe l'invitant à produire des observations sur les conclusions de l'expert, elle est en mesure de prendre connaissance du rapport auprès du greffe. Elle peut encore, lors de la réception de l'avis d'audience, procéder à une vérification sur le système informatique et solliciter le report de l'audience s'il apparaît que l'expert a déposé son rapport sans le lui notifier et qu'elle n'a pas été destinataire d'une invitation à produire des observations.
4. En l'espèce, par un courrier en date du 18 juin 2013, M. F... a saisi le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon d'une demande indemnitaire préalable dont le contenu était suffisamment précis pour permettre à l'établissement public d'apprécier la nature, le fondement et l'étendue de l'indemnisation demandée. Par une décision expresse en date du 15 janvier 2014, qui mentionnait les voies et délais de recours contentieux et précisait que le délai serait suspendu en cas de saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation, le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon a rejeté la demande de M. F.... Par un recours enregistré au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 5 mars 2014, soit dans le délai de deux mois ouvert à l'encontre de la décision du 15 janvier 2014, M. F... a saisi le juge des référés, lequel a ordonné une expertise médicale dont le rapport a été remis le 3 mars 2015. Si M. F... soutient qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative précitées, ce rapport ne lui a pas été personnellement notifié, il résulte de l'instruction, et notamment des écritures mêmes de l'intéressé, que son avocat a été destinataire de ce rapport au plus tard le 4 juillet 2016, date à laquelle il a adressé au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon une nouvelle demande préalable à laquelle était joint ledit rapport. Le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision du 15 janvier 2014 a ainsi recommencé à courir, au plus tard, le 4 juillet 2016, pour expirer le 5 septembre 2016. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la demande de M. F..., enregistrée le 31 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon, était tardive.
5. Par ailleurs, et en tout état de cause, si la seconde demande indemnitaire adressée par M. F... au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon le 4 juillet 2016 était accompagnée du rapport de l'expertise médicale diligentée par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, ce rapport n'a pu, en tout état de cause, constituer une circonstance nouvelle de nature à ouvrir un nouveau droit à réclamation. Dès lors que cette seconde demande indemnitaire préalable présentait le même objet et était fondée sur la même cause juridique que celle sur laquelle reposait la première demande du 18 juin 2013, le rejet opposé par le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon, né le 6 septembre 2016 du silence gardé sur cette seconde demande, ne pouvait qu'être regardé comme une décision confirmative de la décision expresse de rejet du 15 janvier 2014 devenue définitive et n'était, par suite, susceptible ni de rouvrir au profit de M. F... les délais de recours expirés contre la décision initiale, ni de lier à nouveau le contentieux à l'encontre du centre hospitalier intercommunal de Compiègne -Noyon.
6. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté pour tardiveté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise :
7. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon, les intérêts moratoires pouvant être demandés pour la première fois en appel, la circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise ait demandé en première instance le paiement des intérêts moratoires " à compter du jugement ", ne s'oppose pas à ce qu'elle formule en appel des conclusions tendant à ce que la somme de 11 825,97 euros que le jugement attaqué a condamné le centre hospitalier à lui verser, soit assortie des intérêts moratoires à compter de la date qu'elle invoque en appel, soit le 22 janvier 2019. Par ailleurs, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er juillet 2019. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 janvier 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les dépens :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer le jugement en tant qu'il partage par moitié entre M. F... et le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon les frais d'expertise.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. F... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : La somme de 11 825,97 euros que le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise portera intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2019. Les intérêts échus à la date du 22 janvier 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
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N°19DA00935