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20/10/2020 | FRANCE | N°19DA00877

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 octobre 2020, 19DA00877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 29 juin 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé de prolonger son placement à l'isolement pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1703530 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2019, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 29 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 29 juin 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé de prolonger son placement à l'isolement pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1703530 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2019, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 29 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., incarcéré depuis le 2 novembre 2008, a été écroué à compter du 22 juin 2016 au centre de détention du Val-de-Reuil. Il interjette appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2017 de la garde des sceaux, ministre de la justice, ordonnant la prolongation pour une durée de trois mois de son placement à l'isolement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de la décision du 29 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. (...) Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité (...) ". L'article R. 57-7-68 du même code dispose : " Lorsque la personne détenue est à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois renouvelable. / La décision est prise sur rapport motivé du directeur interrégional saisi par le chef d'établissement selon les modalités de l'article R. 57-7-64. / L'isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans sauf, à titre exceptionnel, si le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement. / Dans ce cas, la décision de prolongation doit être spécialement motivée ".

3. Aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " (...) Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice ". Aux termes de l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale : " (...) L'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement est recueilli préalablement à toute proposition de renouvellement de la mesure au-delà de six mois et versé au dossier de la procédure ".

4. Si la directrice du centre de détention de Val-de-Reuil a sollicité, le 3 mai 2017, l'avis médical du docteur Pasquier, médecin psychiatre intervenant dans l'établissement, sur le renouvellement du placement à l'isolement de M. D..., le docteur Pasquier, qui est aussi le médecin traitant de M. D..., a fait savoir, par un courrier du 22 mai 2017, qu'il ne pouvait donner suite à une telle demande, estimant qu'elle contrevenait aux obligations déontologiques du médecin traitant telles qu'elles résultent notamment des dispositions de l'article R. 4127-105 du code de la santé publique. Il ressort cependant des pièces du dossier que deux autres médecins psychiatres intervenaient au sein de l'établissement, les docteurs Renevot et Marais. Or, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'établit, ni même n'allègue, que le directeur du centre de détention aurait, après la réponse du docteur Pasquier, sollicité l'un ou l'autre de ces médecins, alors, d'une part, qu'il n'est pas établi qu'il était également le médecin traitant de M. D..., d'autre part, qu'il intervenait également dans l'établissement pénitentiaire et, enfin, que la consultation d'un médecin préalablement à l'adoption d'une mesure de prolongation de mise à l'isolement, qui constitue pour le détenu concerné une garantie, n'est enserrée dans aucun délai. Par suite, ce vice de procédure est de nature à entraîner l'annulation de la décision du 29 juin 2017.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 000 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 11 décembre 2018 et la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me C... A....

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N°19DA00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00877
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-20;19da00877 ?
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