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20/10/2020 | FRANCE | N°18DA01546

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 octobre 2020, 18DA01546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... L... épouse B..., Mme M... B... et Mme H... B... épouse E... agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs C... E... et A... E..., ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen au paiement de la somme de 183 609,95 euros en indemnisation des préjudices résultant du décès le 22 octobre 2009 de M. G... B... à la suite de sa prise en charge médicale.

Par un jugement n° 1503311 du 2

2 mai 2018, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... L... épouse B..., Mme M... B... et Mme H... B... épouse E... agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs C... E... et A... E..., ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen au paiement de la somme de 183 609,95 euros en indemnisation des préjudices résultant du décès le 22 octobre 2009 de M. G... B... à la suite de sa prise en charge médicale.

Par un jugement n° 1503311 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à la succession de M. B... une somme de 6 000 euros, à Mme K... B... une somme de 146 018,89 euros, à Mme M... B... une somme de 3 000 euros, à Mme H... B... en son nom propre, une somme de 4 000 euros et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, A... et C... E..., une somme de 2 250 euros chacun.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des mémoires, enregistrés les 24 juillet, 27 août 2018, 31 mai 2019 et 7 janvier 2020, le centre hospitalier universitaire de Rouen, représenté par Me D... J..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il s'est prononcé sur la demande présentée par Mme K... L... épouse B... au titre de son préjudice économique ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme K... L... épouse B... devant le tribunal administratif de Rouen au titre de son préjudice économique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me F... I..., représentant le centre hospitalier universitaire de Rouen.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de douleurs invalidantes aux membres supérieurs s'étant par la suite propagées aux membres inférieurs et faisant évoquer un diagnostic de polymyalgie, M. G... B... a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Rouen le 20 octobre 2009. Les examens alors pratiqués, insuffisants, n'ont permis qu'une identification tardive d'une infection par un staphylocoque aureus résistant à la méticilline et ont interdit une prise en charge conforme aux règles de l'art de M. B..., lui ayant fait perdre une chance de 50 % d'éviter le décès survenu le 22 octobre 2009 à 23h22, dans un contexte de détresse respiratoire aiguë associée à un état de choc septique. Le centre hospitalier universitaire de Rouen, qui ne conteste pas plus en appel qu'en première instance le principe de sa responsabilité et le taux de perte de chance de 50 % qu'il y a lieu de confirmer, demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 22 mai 2018 en tant seulement qu'il a accordé à Mme K... B... une indemnisation de son préjudice économique subi en raison du décès de son époux, à hauteur de 131 912,03 euros après application du coefficient de perte de chance de 50 %. Par la voie de l'appel incident, les consorts B... demandent que le montant de ce chef de préjudice soit porté à la somme totale de 468 584,67 euros ou, à tout le moins, de 246 361,28 euros, ainsi que la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs autres prétentions indemnitaires.

Sur le préjudice économique de Mme B... :

2. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation. Le préjudice est établi par référence à un pourcentage des revenus de la victime affecté à l'entretien de la famille qu'il y a lieu de fixer, en l'espèce, s'agissant d'un couple sans enfant à charge, à 40 %.

3. S'agissant de la période allant de l'accident au jour où les époux B... avaient l'intention de faire valoir leurs droits à la retraite, comme les requérants le soutiennent, soit du 22 octobre 2009 au 1er janvier 2014, il résulte de l'instruction, et notamment des relevés d'imposition produits, que Mme B... a perçu un revenu total de 61 770 euros sur la période en cause, alors qu'elle aurait dû percevoir, compte tenu des revenus antérieurs du couple évalués sur les trois années précédant le décès de M. B... à 36 510 euros par an imputé du coefficient de 40 % représentant la part de consommation personnelle de M. B..., un revenu annuel moyen de 21 906 euros, soit un revenu total de 91 825,15 euros. Le préjudice économique de Mme B... s'élève donc à la somme de 30 055,15 euros, à laquelle il convient d'imputer le coefficient de perte de chance de 50 %, soit, au total, une somme de 15 027,57 euros.

4. S'agissant de la période allant du 1er janvier 2014 au 1er novembre 2018, date à laquelle Mme B... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite, il résulte de l'instruction, et notamment des simulations produites concernant le montant de la retraite de M. B... que si, comme l'affirment les consorts B... dans leurs écritures, M. B... avait fait valoir ses droits à compter du 1er janvier 2014, il aurait perçu un revenu mensuel net estimé à 1 808,10 euros, soit 108 486 euros sur la période en cause. Mme B... a, pour sa part, perçu, sur la même période, un revenu total qu'il y a lieu d'estimer à 65 466,25 euros. Sur cette période de cinq ans, le couple aurait donc perçu au total un revenu de 173 952,25 euros, auquel il convient d'imputer la part d'autoconsommation de 40 %, soit 69 580,90 euros. Il y a donc lieu de retenir un revenu de Mme B... s'élevant à 104 371,35 euros. Or, les revenus de l'intéressée s'étant élevés à la somme de 65 466,25 euros, le montant du préjudice subi est de 38 905,10 euros, soit 19 452,55 euros après imputation du coefficient de perte de chance de 50 %.

5. S'agissant de la période allant du 1er novembre 2018, date à compter de laquelle Mme B... perçoit une pension de retraite de 754,19 euros par mois, au 20 octobre 2020, date du présent arrêt, le couple aurait perçu un revenu total annuel de 30 747,48 euros (754,19 x 12 + 1 808,10 x 12). Mme B... aurait ainsi dû percevoir un montant corrigé de la part d'autoconsommation de M. B... de 18 448,48 euros. Elle perçoit un revenu annuel de 9 050,28 euros. Son préjudice s'élève par suite à la somme de 9 398,20 euros, soit 4 699,10 euros après application du coefficient de perte de chance de 50 %. Sur la période en cause, le montant du préjudice de l'intéressée s'élève par suite à la somme de 9 076,34 euros.

6. S'agissant enfin du préjudice futur, il y a lieu, sur la base d'un montant annuel de 4 699,10 euros, capitalisé à hauteur de 74 292,77 euros par application d'un coefficient de 15,810 applicable pour une capitalisation viagère concernant un homme qui aurait été âgé à la date du présent arrêt de soixante-neuf ans, de poser le principe, pour une femme ayant à la date du présent arrêt une espérance de vie de 23,5 ans, du versement d'une rente annuelle de 3 161,39 euros, dans la limite du montant de 74 292,77 euros.

7. Le montant total du préjudice lié à la perte de revenus de Mme B... s'élève par suite à la somme de 43 556,46 euros (15 027,57 + 19 452,55 + 9 076,34), à laquelle viendra s'ajouter une rente annuelle de 3 161,39 euros qui sera versée à Mme B... dans la limite du montant de 74 292,77 euros.

8. S'agissant enfin du préjudice lié à la cessation anticipée de l'activité professionnelle de Mme B..., celle-ci n'apporte aucun élément de nature à en établir ni la réalité, ni le montant.

Sur les autres conclusions indemnitaires des consorts B... :

9. Si les requérants demandent au titre des frais d'obsèques et des frais de dépôt mortuaire une somme totale de 1 611,85 euros, les factures qu'ils produisent pour justifier des frais ainsi exposés font état de sommes qui, après application du coefficient de perte de chance de 50 %, s'élèvent à 1 606,86 euros, qui correspond à l'indemnisation accordée à juste titre par les premiers juges. Les conclusions tendant à ce que cette somme soit augmentée ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que le traitement de la pathologie dont était atteint M. B... aurait nécessité un séjour hospitalier inférieur à la durée de son hospitalisation, qui s'est étendue du 20 au 22 octobre 2009, indépendamment de la faute commise par l'établissement. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi durant ces trois jours ne peuvent qu'être rejetées.

11. Les premiers juges ont fait une juste évaluation des souffrances endurées par M. B..., fixées à 5 sur une échelle de 7 par le rapport d'expertise, en lui allouant à ce titre une somme de 12 000 euros avant l'application du coefficient de perte de chance. Les conclusions tendant à ce que cette somme soit portée à 22 000 euros doivent, par suite, être rejetées.

12. Le droit à réparation du préjudice résultant pour la victime de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait eu, au cours de son séjour hospitalier, et particulièrement à compter du 22 octobre 2009 où son état de santé s'est brutalement dégradé, conscience d'une espérance de vie réduite. Les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

13. Enfin, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation des préjudices d'affection subis par l'épouse, la soeur, la fille et les deux petits-enfants de M. B... en les évaluant, avant l'application du coefficient de perte de chance, aux sommes respectives de 25 000 euros, 6 000 euros, 8 000 euros et 4 500 euros, qu'il y a par suite lieu de confirmer par adoption des motifs retenus aux points 7 et 11 à 13 du jugement attaqué.

14. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Rouen est seulement fondé à demander que la somme de 163 518,89 euros que les premiers juges l'ont condamné à verser aux consorts B... soit ramenée à la somme de 75 163,32 euros, à laquelle viendra s'ajouter une rente annuelle de 3 161,39 euros qui sera versée à Mme B... dans la limite du montant de 74 292,77 euros.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Rouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse aux consorts B... et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 163 518,89 euros que le jugement attaqué a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser aux consorts B... est ramenée à la somme de 75 163,32 euros, à laquelle viendra s'ajouter une rente annuelle de 3 161,39 euros qui sera versée à Mme B... dans la limite du montant de 74 292,77 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1503311 du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Rouen, à Mme K... L... épouse B..., à Mme M... B..., à Mme H... E... née B..., en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs C... et A... et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée au pôle national RCT des travailleurs indépendants.

2

N°18DA01546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01546
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations. Titularisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CABINET LE PRADO-GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-20;18da01546 ?
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