Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 janvier 2019 par lequel la préfète de la Somme a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation après saisine de la commission du titre de séjour.
Par un jugement n° 1900308 du 19 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Somme de réexaminer la demande de M. D... après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, et un mémoire, enregistrés les 22 mai 2019 et 10 septembre 2019, la préfète de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Amiens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 1er octobre 1970, est entré en France le 24 octobre 2001, selon ses déclarations, afin d'y solliciter l'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile, M. D... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Il a alors présenté plusieurs demandes de titre de séjour, auxquelles l'administration a opposé des refus. En particulier, le préfet de la Somme a, par un arrêté du 6 octobre 2014, rejeté la demande présentée par M. D..., le 29 janvier 2013, sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, après avis favorable de la commission du titre de séjour en date du 29 mars 2013. Le 17 avril 2018, M. D... a, de nouveau, sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 janvier 2019, la préfète de la Somme a refusé de délivrer à M. D... le titre de séjour ainsi sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays destination de cette mesure d'éloignement. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel, à la demande de M. D..., le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a annulé cet arrêté, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. D..., après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige comme entaché d'un vice de procédure ayant privé M. D... d'une garantie, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la préfète de la Somme avait omis, avant de se prononcer sur la demande de l'intéressé tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir l'avis de la commission du titre de séjour et que la consultation de cette commission, qui avait émis son avis le 29 mars 2013 à l'occasion d'une précédente demande, datant de janvier 2013, ne suffisait pas à satisfaire à cette obligation, " eu égard à l'évolution de la situation de fait emportée par l'écoulement du temps ".
4. Il est constant que M. D... réside habituellement en France depuis plus de dix ans et que l'autorité préfectorale n'a pas soumis sa demande de titre de séjour, pour avis, à la commission du titre de séjour, avant de rejeter, par son arrêté du 15 janvier 2019, la demande présentée par l'intéressé, en méconnaissance, du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été, en l'espèce, privé d'une garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande d'admission exceptionnelle au séjour que M. D... avait présentée le 29 janvier 2013 en invoquant sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, le préfet de la Somme a saisi la commission du titre de séjour qui, le 29 mars 2013, a rendu un avis favorable à la régularisation de la situation de l'intéressé au regard du droit au séjour. Il ressort des termes de cet avis qu'à cette occasion, la commission de titre de séjour a examiné, outre la résidence habituelle de l'intéressé sur le territoire français depuis plus de dix ans, la situation de M. D... sur le territoire français, du point de vue de sa vie privée et familiale, en faisant état notamment de la situation de ses enfants, au regard en particulier de leur état de santé. Si, à l'appui de sa nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. D... s'est en outre prévalu de la scolarité de ses enfants, celui-ci ne démontre pas se prévaloir de faits nouveaux qui auraient été de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la préfète de la Somme sur sa situation dans l'hypothèse d'un nouvel avis de la commission du titre de séjour, alors d'ailleurs que ladite commission avait précédemment émis, le 29 mars 2013, un avis favorable à la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à titre exceptionnel. Dans ces conditions, la circonstance que l'autorité préfectorale n'a pas consulté une seconde fois la commission du titre de séjour à la suite de la nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. D... n'a, ainsi que le soutient la préfète de la Somme, privé l'intéressé d'aucune garantie. Dès lors, l'absence de consultation de la commission du titre de séjour n'a pas exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 15 janvier 2019 en retenant le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., à l'encontre de l'arrêté du 15 janvier 2019 de la préfète de la Somme, devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
8. Aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. D'une part, M. D... ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'égard de sa fille, majeure à la date de la décision contestée. D'autre part, si M. D... se prévaut de la scolarité de son fils mineur et de la durée significative de sa présence sur le territoire français, il ne justifie toutefois pas de l'impossibilité de l'emmener hors de France afin qu'il puisse y poursuivre sa scolarité. Dès lors, l'arrêté en litige, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. D... de son fils, n'est pas de nature à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, qui est en principe de pouvoir vivre auprès de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. D... soutient qu'il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, se borne à faire référence à la situation de plusieurs membres de sa famille ayant fui la République démocratique du Congo. Il n'assortit ainsi ses allégations d'aucun élément précis permettant d'établir qu'il serait lui-même exposé, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, à des menaces quant à sa vie ou sa liberté, constitutifs de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. D... pourra être éloigné, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 15 janvier 2019, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. D..., après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. D... au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 avril 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E..., et à Me C....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Somme.
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N°19DA01169