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06/10/2020 | FRANCE | N°19DA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 octobre 2020, 19DA01765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi et du préjudice moral subis et, d'autre part, de lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices subis résultant de l'envoi tardif de la carte verte.

Par un jugement n° 1704059 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen,

après avoir estimé que l'illégalité de la décision du 26 novembre 2012 du pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi et du préjudice moral subis et, d'autre part, de lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices subis résultant de l'envoi tardif de la carte verte.

Par un jugement n° 1704059 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir estimé que l'illégalité de la décision du 26 novembre 2012 du préfet de l'Eure refusant d'accorder à Mme D... le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 mai 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi et des frais qu'elle a dû acquitter au titre de la formation nationale des taxis indépendants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement au conseil de Mme D... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le code des transports ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-935 du 17 août 1995 portant application de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi ;

- l'arrêté du 3 mars 2009 relatif aux conditions d'organisation de l'examen du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., candidate en 2008, 2009 et 2010 aux épreuves du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi, a obtenu les unités de valeur n° 1 et 3. De nouveau candidate à cet examen en 2012, elle a obtenu l'unité de valeur n° 2, de portée nationale, en Seine-Maritime et présenté l'unité de valeur 4, de portée locale, dans le département de l'Eure. Par une décision du 26 novembre 2012, le préfet de l'Eure a informé l'intéressée qu'elle n'avait pas satisfait à l'obtention de cette unité de valeur. Par un jugement n° 1300191 du 15 mai 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision au motif qu'il appartenait à l'administration de prendre toute disposition de nature à permettre un déroulement de l'épreuve dépourvu des risques d'atteinte au principe d'impartialité. Mme D... relève appel du jugement du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Rouen, en tant qu'après avoir estimé que l'illégalité de la décision du 26 novembre 2012 du préfet refusant de lui accorder le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 3121-9 du code des transports, la possibilité d'exercer l'activité de conducteur de taxi est accordée aux titulaires d'un certificat de capacité professionnelle délivré par l'autorité administrative. Selon les dispositions de l'article 3-1 du décret du 17 août 1995, désormais codifié à l'article R. 3121-18 du même code, la délivrance du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi est subordonnée à la réussite à un examen comprenant, d'une part, une épreuve d'admissibilité composée d'unités de valeur de portée nationale ou locale et, d'autre part, une épreuve d'admission comportant une unité de valeur de portée locale.

3. D'autre part, en vertu de l'article 12 de l'arrêté ministériel du 3 mars 2009, l'unité de valeur n° 4, de portée locale, se compose d'une épreuve de conduite et de comportement incluant une partie " conduite sur route ", notée sur quatorze points, destinée à évaluer les capacités du candidat à effectuer une course en utilisant les équipements spéciaux prévus à l'article 1er du décret du 17 août 1995 précité en situation de conduite et consistant en une mise en situation pratique de transport de personnes et de leurs bagages au moyen d'un véhicule doté d'un dispositif de doubles commandes, ainsi qu'une partie " étude du comportement ", notée sur six points, destinée à évaluer la capacité d'accueil et le sens commercial du candidat. Selon la grille de notation figurant à l'annexe 3 du même arrêté, toute intervention de l'examinateur sur le dispositif de double commande ou sur le volant de direction entraîne l'arrêt de l'épreuve et l'ajournement du candidat.

4. En premier lieu, Mme D... soutient que l'illégalité fautive commise par l'Etat a été à l'origine d'une perte de chance sérieuse d'obtenir le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi et que cette faute l'a privée de l'obtention de l'unité de valeur n° 4 alors qu'elle disposait, lorsqu'elle s'est présentée en 2012, des autres unités de valeur requises.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a échoué à l'unité de valeur n° 4 à un point près après avoir obtenu la note de 9 sur 20 et, sans que cela soit contesté par le préfet, après que l'un des gendarmes examinateurs ait pris l'initiative de remplacer un autre examinateur au moment où Mme D... passait cette épreuve. Il est constant que ce nouvel examinateur était l'un des membres du jury à l'encontre duquel elle avait porté plainte en raison du comportement agressif de celui-ci en 2010. En outre, s'agissant de l'unité de valeur n° 2 qui s'était déroulée dans le département de l'Eure peu de temps auparavant, il n'est pas contesté que ce même examinateur avait repris uniquement sa copie à la fin de l'épreuve en lui demandant son numéro de candidat pour repartir au fond de la salle la corriger et qu'elle n'avait obtenu que la note de 3,90 sur 20 alors qu'ultérieurement, elle a obtenu, pour la même épreuve, en Seine-Maritime, la note de 11,25 sur 20. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le comportement de cet examinateur doit être regardé comme révélant un manquement au principe d'impartialité, de nature à avoir privé Mme D... d'une chance sérieuse d'obtenir l'unité de valeur n° 4 et, en conséquence, le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi. L'irrégularité entachant le déroulement de l'épreuve de l'unité de valeur n° 4 est, ainsi, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. En demandant sans plus de précision l'indemnisation d'un préjudice financier évalué à la somme de 20 000 euros, Mme D... doit être regardée comme demandant l'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité commise dans le déroulement des épreuves relatives à l'obtention du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme D... une somme de 10 000 euros.

7. En second lieu, Mme D... demande le versement d'une somme de 1 300 euros en indemnisation des frais qu'elle a dû acquitter au titre de la formation nationale des taxis indépendants. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'existence d'une chance sérieuse pour l'intéressée d'obtenir le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi est établie. Par suite, il y a lieu d'allouer à Mme D... la somme de 1 300 euros qu'elle justifie avoir exposée au titre des frais relatifs à la formation nationale des taxis indépendants.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a seulement condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser une somme supplémentaire de 11 300 euros au titre de la réparation des troubles dans ses conditions d'existence et des frais de formation exposés.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme D... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 2 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme D... est portée à 13 300 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1704059 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mme D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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N°19DA01765


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-02-01-06 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Taxis.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP BARON COSSE ANDRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 06/10/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19DA01765
Numéro NOR : CETATEXT000042417929 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-06;19da01765 ?
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