Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 du préfet de la Seine-Maritime prolongeant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1902920 du 18 octobre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2019, Mme D... veuve C..., représentée par Me A... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par mois de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761.-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... veuve C..., de nationalité algérienne, née le 8 juillet 1971 est, selon ses déclarations, entrée en France le 2 décembre 2015. Le 25 septembre 2017, elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 5 juillet 2018, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du 31 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime a prolongé de deux ans la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français. Mme D... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision de prolongation de l'interdiction de retour doit, comme la décision initiale d'interdiction de retour, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi.
4. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.
5. L'arrêté attaqué qui indique que Mme C... veuve D... est revenue en France après avoir quitté le territoire français le 5 juillet 2018 et cite les dispositions de l'article 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que l'intéressée s'est soustraite à deux reprises à l'exécution d'une mesure d'éloignement, qu'elle est en situation irrégulière et qu'elle ne représente pas une menace à l'ordre public. Cette motivation, si elle fait référence à la durée de la présence en France et de l'existence de précédentes mesures d'éloignement, ne fait pas apparaître les éléments de la situation personnelle et familiale de Mme C... veuve D... au vu de laquelle le préfet de la Seine-Maritime s'est prononcé. Il s'ensuit que la motivation de la décision de prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français n'atteste pas la prise en compte par ce dernier, au vu de la situation de Mme D... veuve C... à la date de cette même décision, de l'ensemble des critères prévus par les dispositions citées ci-dessus. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 31 juillet 2019 prolongeant de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation doit être accueilli.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... veuve C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prolongé son interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Le présent arrêt qui annule la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas le réexamen de la situation de Mme D... veuve C... au regard de son droit au séjour et par suite, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F..., avocat de Mme D... veuve C..., d'une somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902920 du 18 octobre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 800 euros à Me F..., avocat de Mme D... veuve C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... veuve C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me A... F....
N°19DA02521 2