La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2020 | FRANCE | N°19DA01388

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 19DA01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notificati

on du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1900255 du 26 mars 2019, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1900255 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant de la République du Congo né le 5 juillet 1989, est entré irrégulièrement sur le territoire français, le 30 décembre 2014, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 10 juillet 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2018, le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. D... relève appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire du préfet de l'Oise, qui incluait, entre autres pièces jointes, l'avis émis le 30 novembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a été communiqué, le 13 février 2019, par le moyen de l'application Télérecours, au conseil de M. D..., qui en a accusé réception le 14 février 2019. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, faute pour le tribunal de lui avoir communiqué l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire.

3. En second lieu, les premiers juges ont relevé, au point 2 du jugement attaqué, que le préfet de l'Oise s'était prononcé sur la demande de titre de séjour présentée par M. D... au vu, notamment, de l'avis émis le 30 novembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation préalable de ce collège par l'autorité préfectorale n'était pas fondé. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, faute pour le tribunal de s'être prononcé sur ce moyen, serait entaché d'une irrégularité à ce titre.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

5. En vertu des dispositions précitées et des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 31311, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017 du ministre chargé de la santé et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016. S'il appartient au préfet, lorsqu'il se prononce sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège de médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque l'intéressé lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

6. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis émis le 30 novembre 2018, que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays.

7. M. D... fait état de la pathologie qui l'affecte en versant au dossier un certificat médical en date du 25 août 2016, établi par un psychiatre hospitalier, mentionnant que l'intéressé est suivi pour " souffrance psychique intense dans le cadre d'un syndrome de stress post-traumatique, consécutif au massacre de ses parents par une autre partie de sa famille qui adhère aux thèses et aux croyances en la sorcellerie ". S'il soutient, tout d'abord, que cette pathologie nécessite le maintien du lien thérapeutique établi au cours du traitement, il ne verse au dossier aucun élément de nature à établir l'existence du lien thérapeutique dont il se prévaut, alors que le certificat médical susmentionné remonte à plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Pour soutenir ensuite qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le requérant verse au dossier deux pages d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé relatif au système de santé en République du Congo. Toutefois, ce document, qui fait état de façon très générale de la faiblesse du nombre des personnels de santé dans ce pays, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Oise sur l'accessibilité, pour M. D..., aux soins qui lui sont nécessaires. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

9. M. D... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis décembre 2014 et qu'il y a exercé une activité professionnelle. Il se prévaut également de la présence en France de sa fratrie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Par ailleurs, le requérant n'établit pas, par la seule production d'un pacte civil de solidarité conclu avec une ressortissante française le 27 janvier 2020, la réalité d'une vie commune antérieure à l'arrêté contesté. Enfin, les attestations de suivi de formations de soudeur et les bulletins de salaire relatifs à des missions d'intérim effectuées en octobre, novembre et décembre 2018 n'établissent pas une intégration professionnelle d'une particulière intensité. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. D..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Le droit d'être entendu relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Il implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

12. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

13. M. D..., qui avait présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, ne peut, en application de ces principes, utilement soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu préalablement à l'obligation de quitter le territoire français, alors, au demeurant, qu'il ne fait état d'aucun élément nouveau, dont le préfet n'aurait pas eu connaissance, et qui aurait pu avoir une incidence sur cette décision.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

6

N°19DA01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01388
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-17;19da01388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award