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09/06/2020 | FRANCE | N°18DA01307

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 09 juin 2020, 18DA01307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... M... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'une part, d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de six mois et d'autre part, d'annuler l'avis du 12 novembre 2015 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière maintenant cette sanction.

Par un jugement n° 1600222 du 26

avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... M... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'une part, d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de six mois et d'autre part, d'annuler l'avis du 12 novembre 2015 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière maintenant cette sanction.

Par un jugement n° 1600222 du 26 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et a enjoint au centre hospitalier de réintégrer juridiquement M. M... à compter de la date de notification de la sanction prononcée le 25 juin 2015 et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2018, le centre hospitalier interdépartemental de Clermont, représenté par Me G... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. M... ;

3°) de mettre à la charge de M. M... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2012-739 du 9 mai 2012 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J... H..., présidente de chambre,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me K... L... représentant M. M....

Considérant ce qui suit :

1. M. M..., ouvrier professionnel spécialisé du centre hospitalier interdépartemental de Clermont, affecté depuis le 1er février 2007 à l'atelier mécanique du garage, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire par une décision du 25 juin 2015 de la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont qui a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans, dont six mois avec sursis. Le centre hospitalier interdépartemental de Clermont relève appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision ainsi que l'avis du 12 novembre 2015 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière maintenant cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :/ Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ;/ Deuxième groupe :/ La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ;/ Troisième groupe :/ La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ;/ Quatrième groupe :/ La mise à la retraite d'office, la révocation / (...) / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. La directrice par intérim du centre hospitalier intercommunal de Clermont a prononcé à l'encontre de M. M... la sanction en litige aux motifs que l'intéressé a tenté de vendre une boîte de vitesses d'un véhicule de marque Renault, modèle Clio, appartenant au centre hospitalier, a tenu à l'égard de ses collègues et des supérieurs hiérarchiques des propos injurieux et orduriers, a adopté un comportement menaçant à l'égard de son supérieur hiérarchique lorsque celui-ci lui a demandé d'interrompre des travaux sur un véhicule n'appartenant pas au centre hospitalier.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. M..., qui avait obtenu une autorisation de cumul le 22 avril 2013 pour exercer une activité d'autoentrepreneur dans l'entretien et la réparation d'automobiles, a publié le 1er septembre 2014 sur le site internet " Le bon coin " une annonce en vue de vendre une boîte de vitesses d'un véhicule de marque Renault, modèle Clio appartenant au stock de l'établissement de santé assortie d'une photographie de ce matériel prise dans le garage du centre hospitalier. Si M. M... a contesté la tentative de vol, en indiquant le 5 décembre 2014 lors de l'entretien préalable mené dans le cadre de la procédure disciplinaire avoir apporté au garage une boîte de vitesses lui appartenant pour la nettoyer durant la pause méridienne, puis le 4 juin 2015 devant le conseil de discipline a admis avoir photographié une boîte de vitesses appartenant au centre hospitalier en vue de vendre une boîte d'un modèle identique qu'il avait en stock, outre leur caractère contradictoire, les différentes explications fournies par l'intéressé sont peu convaincantes et ne permettent pas de remettre en cause la réalité des faits reprochés qui est établie notamment par les attestations concordantes de ses collègues sur l'appartenance de la dite boîte de vitesses au stock du centre hospitalier. Par ailleurs, l'intimé n'établit pas avoir vendu une boîte de vitesses similaire qui lui aurait appartenu en se bornant à produire une attestation de vente rédigée par ses soins signée d'une personne dont la pièce d'identité n'est pas produite sans même fournir la preuve de l'encaissement du produit de cette prétendue vente.

6. Il ressort également des pièces du dossier que dans le contexte de l'incident rapporté ci-dessus, M. M... s'est rendu sur son lieu de travail le 23 octobre 2014 alors qu'il était en vacances pour tenir des propos particulièrement insultants et menaçants à l'égard de ses collègues. Le 17 novembre 2014, il s'est emporté contre le responsable du garage par intérim qui lui demandait de reprendre le travail après la pause déjeuner en invoquant ses liens avec des élus locaux.

7. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à M. M... est établie par les pièces, rapports et compte-rendus des entretiens menés lors de l'enquête administrative et qu'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. M. M..., qui a nié pendant toute la procédure disciplinaire l'intention de vol n'a pas pris conscience de la gravité de cet acte contraire à la probité et à la moralité attendues d'un fonctionnaire. Son comportement vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie témoignent d'une attitude particulièrement irrespectueuse à leur égard. Eu égard à la gravité des faits, et à l'impact qu'ils ont eu sur le fonctionnement du service, la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de deux ans dont six mois de sursis ne présente pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère disproportionné. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la disproportion entre les fautes commises par M. M... et la sanction prononcée à son encontre pour annuler la décision du 25 juin 2015 de la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont et l'avis du 12 novembre 2015 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière estimant que cette sanction devait être maintenue.

8. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la cour par M. M....

9. En premier lieu, la décision attaquée comporte de manière détaillée les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle vise, notamment, les lois du 13 juillet 1983 et 9 janvier 1986 ainsi que le décret du 7 novembre 1989 et relate, de manière détaillée, les fautes reprochées à M. M.... Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit, par suite, être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 sus-évoquée : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination(...) ".

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

12. M. M... soutient que le conseil de discipline a été irrégulièrement saisi dès lors que le rapport de saisine a été signé par M. E... D..., directeur adjoint chargé des ressources humaines du centre hospitalier interdépartemental de Clermont, qui ne justifiait pas d'une délégation de signature. Toutefois, ce rapport de saisine constitue un simple document préparatoire à la décision de l'autorité disciplinaire. Il ressort d'un courrier signé le 29 janvier 2015 par le directeur du centre hospitalier adressé à M. A... M..., père de l'intimé, que la procédure disciplinaire engagée en novembre 2014 à l'encontre de son fils l'avait été avec son assentiment et qu'il souhaitait qu'elle aille jusqu'à son terme. Par ailleurs, la directrice des affaires logistiques, nommée directrice par intérim du centre hospitalier à la suite de la disparition brutale du directeur, qui avait au moment de la saisine du conseil de discipline la qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination, a initié la procédure disciplinaire par un rapport du 28 octobre 2014. Il ressort ainsi de ces pièces que c'est pour le compte de l'autorité investie du pouvoir de nomination que le directeur adjoint chargé des ressources humaines a saisi le conseil de discipline. Par suite, l'absence de signature du rapport de saisine par la directrice, par intérim, du centre hospitalier, qui n'a privé M. M... d'aucune garantie et n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision attaquée, n'a pas entaché d'illégalité la sanction prononcée à son encontre.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme I... C..., signataire de la décision attaquée, a été nommée directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont par un arrêté du 9 février 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Picardie. A ce titre, elle exerçait l'intégralité des pouvoirs dévolus au directeur d'un établissement public de santé par l'article L. 6143-7 du code de la santé publique et, par suite, avait compétence pour prendre la sanction litigieuse. Par suite, le moyen tiré du défaut de compétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il est constant que M. M... a consulté à deux reprises son dossier administratif dans lequel figuraient le rapport hiérarchique du 28 octobre 2014 et les compte-rendus des entretiens menés dans le cadre de l'enquête administrative. Il a été reçu en entretien préalable par le directeur adjoint chargé des ressources humaines le 5 décembre 2014 et a été assisté des défenseurs de son choix. Il a eu connaissance du rapport de saisine du conseil de discipline qui lui a été transmis lors de sa convocation devant le conseil de discipline par courrier du 12 mai 2015. La circonstance que la sanction infligée à M. M... ait été signée par la personne qui a initié la procédure disciplinaire ne saurait caractériser une méconnaissance des droits de la défense. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dits droits doit être écarté.

15. En cinquième lieu, la circonstance que la directrice des affaires logistiques ait été l'auteur du rapport hiérarchique à l'origine de la procédure disciplinaire et la signataire de la décision attaquée en sa qualité de directrice par intérim du centre hospitalier n'établit pas la réalité du détournement de pouvoir allégué.

16. En sixième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires hospitaliers : " Si aucune des propositions soumises au conseil de discipline n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, son président en informe l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l'ont conduite à prononcer celle-ci ". Lors de la réunion du conseil de discipline qui s'est tenue le 4 juin 2015, aucune des propositions mises aux voix n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents. Il n'est pas établi que le conseil de discipline a été informé par la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont des motifs l'ayant conduit à prononcer à l'encontre de M. M... la sanction litigieuse. Cependant cette circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans aucune incidence sur la légalité de celle-ci.

17. En septième lieu, si l'article 10 du décret susvisé du 7 novembre 1989 prévoit que le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité. Il suit de là que le dépassement du délai d'un mois prévu par l'article 10 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier interdépartemental de Clermont, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 26 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 25 juin 2015 de la directrice par intérim du centre hospitalier interdépartemental de Clermont prononçant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, dont six mois avec sursis, et l'avis de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 12 novembre 2015 maintenant cette sanction.

Sur les frais de l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier interdépartemental de Clermont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. M... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. M... une somme de 800 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier interdépartemental de Clermont et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600222 du 26 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. M... devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. M... versera une somme de 800 euros au centre hospitalier interdépartemental de Clermont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier interdépartemental de Clermont et à M. F... M....

N°18DA01307 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Christine Courault
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL HOUDART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Date de la décision : 09/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA01307
Numéro NOR : CETATEXT000042006620 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-09;18da01307 ?
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