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18/07/2019 | FRANCE | N°19DA00858

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 19DA00858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé de prolonger son maintien en rétention administrative dans l'attente de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de reconnaissance de son statut de réfugié.

Par un jugement n° 1900745 du 13 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a a

nnulé l'arrêté du 28 janvier 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé de prolonger son maintien en rétention administrative dans l'attente de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de reconnaissance de son statut de réfugié.

Par un jugement n° 1900745 du 13 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 janvier 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant vietnamien né le 8 février 1983, a été interpellé le 17 janvier 2019 dans la zone d'accès restreint de Calais alors qu'il tentait de se rendre en Grande-Bretagne. Il était démuni de titre de séjour ou de document de voyage. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et, en exécution de cette mesure, a ordonné son placement en rétention administrative. Par un arrêté du 28 janvier 2019, M. C... ayant sollicité le bénéfice de l'asile, l'autorité préfectorale a ordonné son maintien en rétention administrative sur le fondement de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ce dernier arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 742-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 742-5. Si la France est l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. Cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention en application de l'article L. 512-1 ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention en application du chapitre II du titre V du livre V. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1. / (...) / La demande d'asile est examinée selon la procédure accélérée prévue à l'article L. 723-2. L'office statue dans les conditions prévues aux articles L. 723-2 à L. 723-16 dans un délai de quatre-vingt-seize heures. Il tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile / (...) ".

3. Il ressort de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

4. M. C... a été interpellé le 17 janvier 2019 alors qu'il se dissimulait dans la remorque d'un camion pour tenter de gagner la Grande-Bretagne. Il a été entendu le même jour par les services de police. Il ressort du procès-verbal d'audition, versé au dossier par le préfet pour la première fois en appel, que l'intéressé a confirmé souhaiter se rendre en Grande-Bretagne. A aucun moment, il n'a exprimé le souhait de déposer une demande d'asile en France. Il a en outre précisé qu'il avait quitté son pays en raison de ses dettes. Dès lors, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité en décidant le maintien en rétention de l'intéressé au motif que sa demande d'asile était dilatoire et présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 janvier 2019.

5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.

6. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. B... A..., chef du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer notamment la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

7. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

9. Il ressort des propres écritures de M. C... qu'il a été entendu pendant sa garde à vue. Il a ainsi été mis en mesure, à cette occasion ou lors de son maintien en rétention, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'une demande d'asile. En outre, il n'est pas établi que l'intéressé aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Ainsi, la procédure suivie par le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " 1. Les Etats membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. / 2. Lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, les Etats membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. / 3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que : / (...) / d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'Etat membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ; / (...) / Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national / (...) ".

11. S'il incombe aux Etats membres, en vertu de l'article 8 de la directive 2013/33/UE, de définir en droit interne les motifs susceptibles de justifier le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur d'asile, parmi ceux énumérés de manière exhaustive par les dispositions du 3 de cet article, aucune disposition de la directive n'impose, s'agissant du motif prévu par le d) du 3 de l'article 8, que les critères objectifs, sur la base desquels est établie l'existence de motifs raisonnables de penser que la demande de protection internationale d'un étranger déjà placé en rétention a été présentée à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour, soient définis par la loi. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec les stipulations du d) du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE, en tant qu'il ne détermine pas une liste des critères objectifs permettant à l'autorité administrative d'estimer qu'une demande d'asile est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution d'une mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 janvier 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00858
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;19da00858 ?
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