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01/07/2019 | FRANCE | N°17DA00816

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 01 juillet 2019, 17DA00816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n°1603927 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête enregistrée le 2 mai 2017, MmeD..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n°1603927 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2017, MmeD..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2016 par lequel la préfète de Seine-Maritime a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail-Dellaporta, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante congolaise née le 22 août 1989 à Kinshasa (Zaïre), est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 mai 2013. Par décision du 16 mai 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 22 octobre 2015. Mme D... a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juillet 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui accorder le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté du 26 juillet 2016 en litige a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " et aux termes de l'article R. 313-22 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Si l'autorité préfectorale n'est pas liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé du ressortissant étranger concerné nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier devant le juge de l'excès de pouvoir des éléments qui l'ont conduit à s'écarter de cet avis médical.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis le 18 juin 2014 et le 7 septembre 2016 par le docteurB..., praticien hospitalier exerçant au pôle de psychiatrie générale du centre hospitalier du Rouvray, que Mme D...présente un syndrome dépressif majeur avec syndrome de stress post-traumatique. Il n'est pas contesté qu'un défaut de prise en charge appropriée de la pathologie dont est ainsi atteinte Mme D... pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que la préfète de la Seine-Maritime n'a pas remis en cause dans les motifs de l'arrêté en litige. Il ressort, en outre, d'une ordonnance médicale délivrée à l'intéressée le 7 septembre 2016 que le traitement médicamenteux qui lui est prescrit en dernier lieu est composé d'Effexor, de Xanax et de Xeroquel.

5. Le 24 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a émis un avis confirmant que l'état de santé de Mme D...rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et énonçant en outre qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée pour sa prise en charge médicale, laquelle devait être poursuivie durant douze mois. Pour refuser néanmoins, par l'arrêté du 26 juillet 2016 en litige, la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, la préfète de la Seine-Maritime, en s'écartant de cet avis, a estimé que la pathologie dont souffre l'intéressée pourrait être prise en charge médicalement en République démocratique du Congo, où existerait une offre de soins adaptée à la nature de celle-ci et où des traitements appropriés seraient disponibles.

6. Pour justifier du bien-fondé de sa décision, la préfète de la Seine-Maritime s'est référée devant les premiers juges, d'une part, à la liste des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de la République démocratique du Congo, disponible sur le réseau internet et qui précise, en particulier, que l'alprazolam, molécule entrant dans la composition du Xanax, prescrit à MmeD..., est disponible dans ce pays et, d'autre part, à un courrier électronique émis par les services de l'ambassade de France à Kinshasa en septembre 2013, selon lequel les pathologies psychiatriques sont prises en charge dans les grandes villes, où exercent plusieurs psychiatres et où l'offre de médicaments antidépresseurs et psychotropes apparaît suffisante.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les principes actifs des deux autres médicaments prescrits à MmeD..., en l'occurrence la venlafaxine, qui entre dans la composition de l'Effexor, et la quetiapine, dans celle du Xeroquel, ne sont pas mentionnés sur la liste à laquelle se réfère la préfète de la Seine-Maritime et doivent, par suite et en l'absence de tout autre élément de preuve contraire, être regardés comme étant indisponibles dans le pays en cause, de telle sorte qu'il n'est pas établi, en l'absence au dossier d'élément de nature à démontrer la disponibilité de molécules substituables, que la stabilité de l'état de santé de l'intéressée pourrait y être assurée. Dans ces conditions, les pièces fournies par la préfète de la Seine-Maritime ne sauraient suffire à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé en ce qui concerne la disponibilité du traitement requis par l'état de santé de l'intéressée. Par suite, pour refuser, par l'arrêté contesté, de délivrer un titre de séjour pour raison de santé à MmeD..., la préfète de la Seine-Maritime doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme D...est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour, de même, par voie de conséquence, que celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

10. L'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle est fondée, alors que comme il a été dit précédemment, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie l'état de santé de Mme D...rendait nécessaire une poursuite de sa prise en charge médicale durant douze mois à compter de son avis émis le 24 février 2016, n'implique pas que la préfète de la Seine-Maritime délivre à l'intéressée un titre de séjour mais seulement qu'elle réexamine sa situation et lui délivre à cette fin une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1603927 du tribunal administratif de Rouen du 7 mars 2017 et l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 26 juillet 2016 refusant un titre de séjour à MadameD..., l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme D... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Solenn Leprince, avocate de MmeD..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au préfet de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et à M Solenn Leprince.

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N° 17DA00816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00816
Date de la décision : 01/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-01;17da00816 ?
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