Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) CPI-LIARD a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.
Par un jugement n° 1304605 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 avril et 18 septembre 2017, la SAS CPI-LIARD, représentée par Me A...et Fenard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2017 ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
3°) de prononcer, à titre subsidiaire, la réduction du rappel de retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre l'exercice 2009 à hauteur de 5% du montant brut des dividendes versés et la décharge du rappel de retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt C-6/16 du 7 septembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant de la SAS CPI-Liard.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) CPI-Liard a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir constaté que la société avait distribué, les 22 juillet 2009 et 31 juillet 2010, des dividendes au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 au profit de son associé unique, la société de droit britannique Compressor Products International Ltd, détenue intégralement par la société Coltec Industries Inc., de droit américain, elle-même détenue intégralement par la société Enpro Industries Inc., également de droit américain, l'a assujettie à une retenue à la source au taux de 25 % au titre de chacun des deux exercices, en application des dispositions du 3 de l'article 119 bis du code général des impôts et du c) du 2 du même article, pour un montant total de 929 413 euros en droits et 190 819 euros au titre des pénalités. Par une réclamation en date du 16 février 2013, la SAS CPI-Liard a demandé le bénéfice de l'exonération de retenue à la source prévue à l'article 119 ter du code général des impôts qui lui a été refusée par une décision de l'administration du 30 mai 2013. La SAS CPI-Liard relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard et des majorations correspondantes.
2. Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 119 ter du même code : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal / 2 Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne et n'être pas considérée, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ; / b) Revêtir l'une des formes énumérées sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l'économie conformément à l'annexe à la directive du Conseil des communautés européennes n° 90-435 du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 ; / c) Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 p. 100 au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l'engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins et désigner, comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, un représentant qui est responsable du paiement de la retenue à la source visée au 1 en cas de non-respect de cet engagement ; / Le taux de participation prévu à l'alinéa précédent est ramené à 20 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006 (...) / d) Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée (...) / 3 Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1. ". Enfin, aux termes de l'article 46 quater-0 FB de l'annexe III au code général des impôts : " L'engagement prévu au c du 2 de l'article 119 ter, au deuxième alinéa du 1 de l'article 119 quater et au 2 de l'article 182 B bis du code général des impôts doit faire l'objet d'une déclaration qui est adressée à la fois à l'établissement payeur en France des dividendes ou au débiteur ou à la personne qui assure le paiement des intérêts ou des redevances et à la direction des impôts des non-résidents (service des impôts des entreprises étrangères)...".
3. En premier lieu, dans l'arrêt du 7 septembre 2017 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'État, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, d'une part, que dans la mesure où l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, qui reconnaît uniquement aux Etats membres le pouvoir d'appliquer des dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et les abus, n'opère pas une harmonisation exhaustive, la législation nationale adoptée afin de mettre en oeuvre ces dispositions peut également être appréciée au regard des dispositions du droit primaire et, d'autre part, que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE et l'article 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation fiscale nationale qui subordonne l'octroi de l'avantage fiscal prévu à l'article 5, paragraphe 1, de cette directive - à savoir l'exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale résidente à une société mère non-résidente, lorsque cette société mère est contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'États tiers - à la condition que celle-ci établisse que la chaîne de participation n'a pas comme objet principal ou comme l'un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération.
4. Il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts instituent une discrimination contraire au droit de l'Union européenne. Par suite, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur ces dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts pour procéder aux rectifications en litige.
5. En deuxième lieu, un traitement désavantageux par un Etat membre des dividendes versés à des sociétés non-résidentes, par rapport au traitement réservé aux dividendes versés à des sociétés résidentes, est susceptible de dissuader les sociétés établies dans un Etat membre autre que ce premier Etat membre de procéder à des investissements dans ce premier Etat membre et constitue, par conséquent, une restriction à la liberté d'établissement prohibée, en principe, par l'article 49 TFUE.
6. En vertu des dispositions du c) du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts citées au point 2, une société mère non résidente en France, si elle veut bénéficier de l'exonération de retenue à la source sur le montant des dividendes que lui verse une filiale résident en France dès la première année de versement, doit souscrire un engagement formel de conserver sa participation dans cette filiale pendant au moins deux ans et désigner un représentant fiscal en France qui est responsable du paiement de la retenue à la source en cas de non-respect de cet engagement. En outre, si la société mère non résidente en France ne remplit pas ces deux obligations, elle doit s'acquitter de la retenue à la source et ne pourra en obtenir la restitution par voie de réclamation qu'après que le délai de détention de deux ans a expiré et qu'elle a effectivement conservé sa participation dans la filiale pendant ce délai. En revanche, les sociétés mères résidentes en France peuvent, pour leur part, en application des dispositions de l'article 145 du code général des impôts, bénéficier d'une exonération de retenue à la source dès la première année de versement de dividendes par leur filiale résidente en France sans avoir à souscrire d'engagement formel de conservation ou de désignation d'un représentant fiscal, l'administration fiscale procédant seulement, le cas échéant, à des contrôles ultérieurs pour s'assurer que la société mère résidente a bien respecté la condition de conservation de sa participation pendant deux ans.
7. L'obligation de nommer un représentant fiscal en France est susceptible d'entraîner des démarches et des coûts supplémentaires pour les sociétés mères établis dans des États membres autres que la France. Par conséquent, elle gêne et rend moins attrayante l'exercice de la liberté d'établissement pour des sociétés mères non résidentes en France que pour des sociétés mères établies en France, qui ne sont pas soumises à cette obligation. De même, l'obligation de souscrire un engagement formel de conservation de sa participation dans sa filiale pour les sociétés mères établies dans des Etats membres autres que la France constitue une formalité supplémentaire qui est susceptible d'entraver l'exercice de la liberté établissement et qui ne s'impose pas aux sociétés mères résidentes en France. Enfin, en cas de non-respect par les sociétés mères non résidentes de ces deux obligations contraignantes auxquelles ne sont pas soumises les sociétés mères résidentes, le paiement par ces sociétés mères non résidentes de la retenue à la source et sa récupération éventuelle à l'expiration du délai de conservation de deux ans si la participation a été effectivement conservée pendant ce délai constitue un avantage de trésorerie dont bénéficie une société mère résidente. Ainsi, les dispositions législatives en cause procurent un avantage fiscal substantiel aux sociétés mères résidentes. Cette différence de traitement constitue également une restriction à la liberté d'établissement. Il en résulte des différences de traitement entre les sociétés mères ayant leur siège en France et celles ayant leur siège dans un autre Etat membre qui sont susceptibles de dissuader une société mère non-résidente d'exercer en France une activité par l'intermédiaire d'une filiale établie dans cet État membre et constitue, dès lors, une entrave à la liberté d'établissement. Par suite, en tant qu'elles défavorisent, sur le plan fiscal, les situations européennes par rapport aux situations purement internes, les dispositions du c) du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts dans leur rédaction alors en vigueur ont constitué une restriction en principe interdite par les stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relative à la liberté d'établissement.
8. Une telle différence de traitement reste cependant compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.
9. Selon la jurisprudence de la cour, s'agissant du caractère comparable de la situation d'une société résidente et de celle d'une société non-résidente qui perçoivent des dividendes d'une filiale résidente, il importe de préciser que l'exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère vise à éviter une double imposition ou une imposition en chaîne de ces bénéfices. Si la cour a considéré, à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition de bénéfices distribués par une société résidente, que les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle des actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre, elle a également précisé que, dès lors qu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale non seulement sur le revenu des actionnaires résidents, mais également sur celui des actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation de ces actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents (arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit International et Denkavit France, C-170/05, points 34 et 35). En l'espèce, dès lors que l'Etat a choisi d'exercer sa compétence fiscale sur les bénéfices distribués par la filiale résidente à la société mère non-résidente, il y a lieu de considérer que cette société mère non-résidente se trouve dans une situation comparable à celle d'une société mère résidente. En conséquence, alors que le ministre de l'action et des comptes publics ne fait valoir aucun motif impérieux d'intérêt général justifiant de cette différence de traitement, les dispositions du c) du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts constituent des mesures discriminatoires, à raison du lieu du siège des sociétés mères, en France ou dans un autre Etat membre, contraires à l'article 49 TFUE. Dès lors, l'administration fiscale ne pouvait pas non plus se fonder sur ces dispositions du c) du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts pour procéder aux rectifications en litige. Par suite, alors que l'administration fiscale n'établit ni même n'allègue que les autres conditions des a) b) et d) du 2 de l'article 119 ter ne seraient pas remplies, et qu'il est constant qu'à la date des opérations de contrôle la société Compressor Products International Ltd avait conservé pendant plus de deux années sa participation dans sa filiale la CPI-Liard, l'administration fiscale ne pouvait légalement assujettir la CPI-Liard à des rappels de retenues à la source au titre des exercices clos en 2009 et 2010.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS CPI-LIARD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1304605 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La SAS CPI-LIARD est déchargée des rappels de retenues à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS CPI-LIARD une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SAS CPI-LIARD sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS CPI LIARD et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00655