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18/06/2019 | FRANCE | N°19DA00206

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 19DA00206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux les autorités slovènes.

Par un jugement n° 1804469 du 20 décembre 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 20 mars 2019, la préfète de la

Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux les autorités slovènes.

Par un jugement n° 1804469 du 20 décembre 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 20 mars 2019, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement :

1. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondée, pour annuler l'arrêté de transfert du 20 novembre 2018 pris à l'encontre de M.A..., sur des pièces produites par l'intéressé mais qui n'ont pas été communiquées à la préfète de la Seine-Maritime. La préfète de la Seine-Maritime est, par suite, fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

2. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur l'arrêté de transfert :

3. L'arrêté attaqué a été signé, " pour la préfète et par délégation ", par " le chef du pôle régional Dublin " M. E...D..., qui était compétent pour ce faire, en vertu d'un arrêté du 24 octobre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime, publié au recueil des actes administratifs spécial n°76-2018-120 de la préfecture de la Seine-Maritime du 25 octobre 2018.

4. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Seine-Maritime le 18 octobre 2018 a bénéficié, le même jour, d'un entretien individuel en langue turque, langue qu'il ne conteste pas comprendre, assisté d'un interprète. S'il a quitté la préfecture à l'issue de l'entretien et avant la remise de la copie du compte-rendu d'entretien et des documents d'information, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient rédigés en langue turque, comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, lors d'une nouvelle visite au guichet de la préfecture le 26 octobre 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 doit, par suite, être écarté.

6. Aux termes du 1. de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 : " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".

7. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet l'intéressé aux autorités compétentes pour examiner sa demande d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit, par suite, être écarté comme inopérant.

8. D'une part, aux termes de l'article 2 - Définitions - du règlement du 26 juin 2013 : " Aux fins du présent règlement, on entend par: / (...) / g) " "membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

9. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment celles produites en première instance le 3 décembre 2018 et qui ont été communiquées à la préfète de la Seine-Maritime dans le cadre de la procédure d'appel, que, outre deux beaux-frères et des cousins, M. A...a deux soeurs en France. Contrairement à ce que soutient la préfète de la Seine-Maritime, M.A..., à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation prétendument commise au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, peut se prévaloir de la présence en France de ces personnes dès lors que ces dispositions ne font pas référence à la définition des " membres de la famille " citée à l'article 2 de ce même règlement. Pour autant, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 20 novembre 2018, l'une des deux soeurs de M. A...présentes n'a pas de titre de séjour valide et l'autre est simplement en attente d'examen de sa demande d'asile et bénéficie à cet effet d'une autorisation provisoire de séjour nécessairement précaire. Il n'est ni soutenu ni allégué que d'autres membres de sa famille, notamment ses parents, seraient également en France. M.A..., qui n'est sur le territoire national que depuis quelques mois à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire et sans enfant en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise la préfète de la Seine-Maritime dans l'appréciation de la situation de M. A...au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 10 qu'aucun des moyens soulevés en première instance par M. A...n'est fondé.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée, d'une part, à demander l'annulation du jugement attaqué et, d'autre part, à demander le rejet de la demande de première instance de M.A.... Par voie de conséquence les conclusions, présentées en appel par M.A..., à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 décembre 2018 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes de première instance et d'appel de M. A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à MeC....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19DA00206
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-18;19da00206 ?
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