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21/05/2019 | FRANCE | N°17DA00290

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 17DA00290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403565 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 10 février 2017, 18 a

oût 2017, 31 janvier et 23 mars 2018, Mme B...C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403565 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 10 février 2017, 18 août 2017, 31 janvier et 23 mars 2018, Mme B...C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de décharge, d'une part, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré relative à l'impôt sur le revenu des années 2009 et 2010 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités pour manquement délibéré mis à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2011 ;

2°) de prononcer la décharge, d'une part, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré relative à l'impôt sur le revenu des années 2009 et 2010 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités pour manquement délibéré mis à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Fashion Brad, spécialisée dans la vente de prêt-à-porter, a été créée le 2 juillet 2007 et Mme B...C..., par ailleurs alors associée majoritaire, a été désignée gérante. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 22 mars 2012 au 19 juin 2012 portant sur la période du 1er septembre 2008 au 31 août 2011. A l'issue de ce contrôle, le service a fait connaître à Mme C...que ses revenus imposables des années 2009, 2010 et 2011 seraient majorés de revenus distribués sur le fondement du 1. de l'article 109 du code général des impôts à raison des omissions de recettes notifiées à la société Fashion Brad, assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévu par le a. de l'article 1729 du code général des impôts le service considérant que Mme C...devait être regardée, au titre de l'intégralité de la période vérifiée, comme maître de l'affaire.

2. Mme C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011. Par un jugement n°1403565 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Mme C...ne relève que partiellement appel de ce jugement, demandant à la cour d'annuler le jugement uniquement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de décharge, d'une part, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré relative à l'impôt sur le revenu des années 2009 et 2010 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités pour manquement délibéré et intérêts de retard afférents mis à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2011.

Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré au titre des années 2009 et 2010 :

3. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

4. Il résulte de ses écritures d'appel que Mme C...ne conteste pas avoir eu la qualité de seul maître de l'affaire au titre de la période couvrant les exercices clos en 2009 et 2010. L'administration fiscale relève, dans sa proposition de rectification du 29 octobre 2012 qu'en sa qualité d'associée gérante ayant la maîtrise de l'affaire, Mme C...était directement bénéficiaire des sommes en cause, qu'elle avait réduit les bases imposables de la SARL à l'impôt sur les sociétés et qu'elle n'avait déclaré aucun revenu correspondant à cette distribution. Par ces éléments, et quand bien même les omissions de recettes retenues par le service seraient bien moindres au titre des exercices clos en 2009 et 2010 qu'au titre de celui clos en 2011, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements mis à la charge de l'appelante au titre des années 2009 et 2010. Mme C... n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin de décharge de ces majorations.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 47 de l'annexe II au code général des impôts : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

6. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.

7. Il résulte de l'instruction, comme le fait valoir l'administration fiscale, que Mme C... a été gérante de la société Fashion Brad à compter de sa création. A ce titre, et conformément aux stipulations de l'article 10 des statuts de la société, elle disposait, dans les rapports avec les tiers, des " pouvoir les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ", laquelle, hormis pour ceux qui n'auraient pas relevé de l'objet social, était engagée par les actes de l'appelante. Par ailleurs, dans le cadre du débat qui a eu lieu lors de la vérification de comptabilité, Mme C...a déclaré, ainsi que cela ressort de la proposition de rectification, qu'elle gérait les achats auprès des fournisseurs, qu'elle tenait des états mensuels de recettes et qu'elle communiquait ces états aux cabinets comptables en charge de la tenue de la comptabilité ainsi que l'ensemble des factures d'achats et de frais généraux. Le service fait également valoir que MmeC..., qui a par ailleurs signé, en 2009, le bail commercial de la boutique était seule à travailler sur place avec une vendeuse salariée et que, en vertu d'un mandat de représentation daté du 19 mars 2012, elle a été l'interlocutrice du vérificateur dans le cadre du contrôle fiscal, étant notamment présente lors de la première intervention sur place le 22 mars 2012 ainsi qu'à l'occasion du relevé de prix contradictoire réalisé en magasin le 24 mai 2012.

8. Pour contester le fait qu'elle aurait exercé la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds, MmeC..., qui n'a d'ailleurs pas fait l'objet par le service d'un examen de sa situation fiscale personnelle, ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non établie, que son patrimoine ne se serait pas accru pendant la période litigieuse. Par ailleurs, en se bornant à produire une lettre de licenciement daté du 6 décembre 2012 et un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Versailles du 10 février 2014 portant sur des faits postérieurs à la période contrôlée, Mme C...ne justifie pas que la vendeuse du magasin ainsi que sa mère, un temps associé minoritaire de la société, aurait disposé d'un accès sans contrôle aux actifs du magasin ainsi qu'à la caisse enregistreuse.

9. Au vu des éléments cités aux points 7 et 8, et alors même que Mme C...n'a plus été associée majoritaire à compter de septembre 2009, le service établit que, sur une grande partie de la période contrôlée, l'appelante exerçait la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds.

10. Pour autant, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'assemblée générale extraordinaire du 15 mai 2011 de la société a donné quitus à Mme C...de sa démission de sa fonction de gérant, étant remplacée par la mère, devenue associée, de la vendeuse du magasin, que, d'autre part, cette décision a été rendue opposable aux tiers par une publication du 7 août 2011 du bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et, enfin, que dans ses propres écritures de première instance, Mme C...a indiqué qu'elle avait continué à être gérante jusqu'au 5 août 2011, soit avant que l'exercice 2011 ait été clôturé. Ainsi, pendant plusieurs semaines, MmeC..., qui avait par ailleurs déjà vendu les parts dont elle disposait encore dans la société, n'en était plus gérante de droit. L'administration fiscale ne soutient ni même n'allègue et, en tout état de cause, n'établit pas que, pendant, cette période, Mme C...aurait été gestionnaire de fait de la société, ne faisant notamment pas état de ce que l'intéressée aurait, en réalité, continué à gérer le magasin, notamment dans ses contacts avec les tiers ou le règlement des dépenses de la société. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'établit pas, par la seule argumentation développée, que Mme C... pouvait être regardée, sur l'ensemble de la période considérée, comme le seul maître de l'affaire.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2011 ainsi que, par voie de conséquence, des pénalités prévues par le a. de l'article 1729 du code général des impôts au titre de cette même année.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme C...est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2011 ainsi que de la majoration de 40 % pour manquement délibéré mise à sa charge au titre de la même année.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le jugement du 15 décembre 2016 du tribunal administratif est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

2

N°17DA00290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00290
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-21;17da00290 ?
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