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14/05/2019 | FRANCE | N°19DA00211

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 19DA00211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné son transfert aux autorités suisses, responsables du traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1810983 du 5 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Pas-de-Calais.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 jan

vier 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné son transfert aux autorités suisses, responsables du traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1810983 du 5 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Pas-de-Calais.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 5 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M.C..., ressortissant sri-lankais né le 16 janvier 1979, annulé son arrêté du 28 novembre 2018 ordonnant le transfert de l'intéressé aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :

2. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile, requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.

3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. L'arrêté du 28 novembre 2018 en litige vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il énonce que la consultation du fichier " Eurodac " fait apparaître que les empreintes digitales de M. C...ont été relevées en Suisse où l'intéressé a présenté pour la première fois une demande de protection internationale. L'arrêté mentionne ensuite que les autorités helvétiques ont fait connaître leur accord le 28 novembre 2018 pour la reprise en charge de M. C...en application des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dont les dispositions sont citées par l'arrêté. Ces motifs, desquels il résulte que l'intéressé a déposé une demande d'asile en Suisse, et que cette demande était en cours d'examen à la date de l'arrêté litigieux, permettent ainsi d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Pas-de-Calais a entendu faire application pour désigner la Suisse comme le pays vers lequel M. C...pourra être transféré. Dès lors, la décision de transfert est suffisamment motivée. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 novembre 2018.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

6. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. B...A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

8. Il résulte des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement des articles L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 à R. 742-4 dudit code concernant les décisions de transfert d'un étranger aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son éloignement du territoire français. Dès lors, la méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoquée à l'encontre de la décision attaquée dont la procédure est régie par des dispositions spéciales.

9. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ".

10. Il ressort de ces dispositions que l'entretien individuel qu'elles prévoient n'a pour objet que de permettre de déterminer l'Etat responsable d'une demande d'asile. La tenue de cet entretien ne présente pas un caractère obligatoire si l'administration dispose d'éléments d'information suffisants pour déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile et si le demandeur est mis en mesure de fournir toute information utile à cette détermination.

11. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, le 26 novembre 2018, M. C...a fourni les informations relatives à sa véritable identité, à son âge, à sa situation familiale et aux différents pays traversés avant son arrivée en France. Il a également, au cours de cette audition, été mis en mesure de présenter des observations. Au regard des informations recueillies auprès du requérant et après avoir constaté que ce dernier a été identifié sur le fichier " Eurodac " en qualité de demandeur d'asile en Suisse, le préfet du Pas-de-Calais disposait des informations suffisantes pour déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile du requérant conformément aux critères hiérarchisés prévus par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, et alors que M. C...n'apporte pas la preuve que la décision du préfet aurait été différente s'il avait pu bénéficier d'un entretien individuel conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 de ce règlement doit, en tout état de cause, être écarté.

12. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ". Aux termes de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions, sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour prendre la décision en litige, qu'un ressortissant étranger ayant présenté une demande de protection internationale dans un Etat membre de l'Union Européenne peut faire l'objet d'une reprise en charge, par les autorités de cet Etat, qu'il ait, ou non, présenté une demande d'asile auprès des autorités françaises. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur de droit en prononçant, sur le fondement de ces dispositions, le transfert de M. C...aux autorités suisses alors que l'intéressé n'avait pas présenté de demande d'asile en France ne peut qu'être écarté.

14. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

15. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

16. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet du Pas-de-Calais, qui a notamment relevé que la situation familiale de M. C...avait fait l'objet d'un examen approfondi, et qu'il n'établissait pas encourir un risque personnel constituant une atteinte grave à son droit d'asile en cas de transfert aux autorités suisses, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé alors même qu'elle n'en était pas responsable, même s'il ne se réfère pas expressément aux dispositions citées au point 13 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 28 novembre 2018 n'est pas entaché d'illégalité. Le préfet du Pas-de-Calais est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 novembre 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1810983 du 5 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C....

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°19DA00211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19DA00211
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-14;19da00211 ?
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