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28/03/2019 | FRANCE | N°18DA01874

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 28 mars 2019, 18DA01874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé de prolonger son maintien en rétention administrative dans l'attente de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de reconnaissance de son statut de réfugié.

Par un jugement n° 1805000 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté

du 8 juin 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé de prolonger son maintien en rétention administrative dans l'attente de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de reconnaissance de son statut de réfugié.

Par un jugement n° 1805000 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 8 juin 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 11 avril 1987, a été interpellé le 6 juin 2018 alors qu'il était démuni de titre de séjour. Par un arrêté du même jour, le préfet du Nord a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et, en exécution de cette mesure, a ordonné son placement en rétention administrative. Par un arrêté du 8 juin 2018, M. A... ayant sollicité le bénéfice de l'asile, l'autorité préfectorale a ordonné son maintien en rétention administrative sur le fondement de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 19 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ce dernier arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 742-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 742-5. Si la France est l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. Cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention en application de l'article L. 512-1 ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention en application du chapitre II du titre V du livre V. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1. / (...) / La demande d'asile est examinée selon la procédure accélérée prévue à l'article L. 723-2. L'office statue dans les conditions prévues aux articles L. 723-2 à L. 723-16 dans un délai de quatre-vingt-seize heures. Il tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile / (...) ".

3. Il ressort de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

4. Le 10 octobre 2014, M. A... a présenté, en France, une première demande d'asile qui a été rejetée le 17 juin 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 23 novembre 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a ensuite déposé, le 13 octobre 2016, une demande de réexamen qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides comme irrecevable le 31 octobre 2016. La Cour nationale du droit d'asile a également rejeté ce recours le 25 janvier 2017. Les nouveaux éléments dont l'intéressé se prévaut devant la juridiction, à savoir un courrier de son avocat en Turquie, le mandat d'arrêt dont il fait l'objet et un procès-verbal de perquisition de son domicile en Turquie datent du mois d'août 2016 pour le plus récent et ne présentent pas un caractère suffisamment probant. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et l'intéressé ne soutient d'ailleurs pas, qu'il ne serait entré que récemment en possession de ces documents et qu'il n'aurait pas pu les produire au soutien d'une demande d'asile avant son interpellation en juin 2018. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité en décidant le maintien en rétention de l'intéressé au motif que sa demande d'asile était dilatoire et présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 8 juin 2018.

5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

6. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. M. C... B..., chef de la section de l'éloignement, dispose d'une délégation de signature du 16 mai 2018, par arrêté du préfet du Nord régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer notamment la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

7. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

8. Il ressort des propres écritures de M. A... qu'il a été entendu pendant sa garde à vue. Il a ainsi été mis en mesure, à cette occasion ou lors de son maintien en rétention, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'une demande d'asile. Il n'est en outre pas établi que l'intéressé aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Ainsi, la procédure suivie par le préfet du Nord n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.

9. La décision en litige vise notamment l'article L.556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'énoncé des motifs de fait qui en constituent le fondement, notamment le rejet, à deux reprises, des demandes d'asile de l'intéressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, cette dernière ayant motivé son rejet par " l'absence d'élément sérieux " présentés par le demandeur d'asile. Cette décision de maintien en rétention, qui a été notifiée à l'intéressé le jour même, est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, sur ce point, des dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 8 juin 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°18DA01874 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 18DA01874
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-28;18da01874 ?
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