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25/03/2019 | FRANCE | N°17DA01028

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 25 mars 2019, 17DA01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...E...et M. C...F...G...ont demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1404030 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, en son article premier, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement prononcé

le 18 juillet 2016 d'un montant de 2 293 euros et, d'autre part, en son article 2, rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...E...et M. C...F...G...ont demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1404030 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, en son article premier, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement prononcé le 18 juillet 2016 d'un montant de 2 293 euros et, d'autre part, en son article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2017 et 26 juillet 2018, M. A... B...E...et M. C...F...G..., représentés par la SELARL Horrie et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité concernant la SARL Sandrine dont ils sont cogérants, et portant sur la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, les requérants ont reçu notification de propositions de rectification comportant rehaussement de l'impôt sur le revenu de leur foyer fiscal commun au titre des années 2008 à 2010 en raison de la réintégration de revenus regardés comme distribués par la SARL Sandrine en application du 1°) de l'article 109-1du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Pour contester la régularité de leur propre procédure d'imposition, M. B...E...et M. F...G...ne peuvent utilement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure d'imposition mise en oeuvre à l'encontre de la SARL Sandrine, qui est un contribuable distinct.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité de la SARL Sandrine :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 286 du code général des impôts : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / (...) ".

4. L'administration fiscale a constaté, au cours des opérations de contrôle de la SARL Sandrine, que les recettes journalières de l'entreprise étaient enregistrées chaque soir sur un cahier " d'écolier " en totalisant les recettes encaissées par l'activité restaurant et pub dansant au cours de la soirée, uniquement en fonction du mode de paiement (chèques, espèces, cartes bleues), sans distinction aucune de la nature des produits vendus. Par ailleurs, aucune bande de caisse enregistreuse ni aucun autre justificatif, faisant apparaître le détail des recettes comptabilisées et la nature des produits vendus n'a pu être présenté lors du contrôle pour la période vérifiée. L'inspecteur des finances publiques a d'ailleurs délivré à la société, le 1er décembre 2011, un procès-verbal de défaut de présentation de pièces justificatives de recettes. La comptabilité de la société présentait ainsi de graves irrégularités tenant au défaut de justificatifs des recettes, qui étaient à elles seules de nature à lui ôter son caractère probant, sans qu'il soit besoin de faire également état des quelques anomalies, relativement mineures, relevées par le service dans l'évolution des stocks de boissons de la société.

5. Les appelants soutiennent que la société a utilisé une méthode globale de comptabilisation des recettes autorisée par le 3° du I de l'article 286 du code général des impôts, qui prévoient que les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant pour les ventes au détail. Toutefois, ces dispositions, qui d'ailleurs ne peuvent être invoquées qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'exonéraient pas pour autant la société de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes portées en comptabilité.

6. Si les appelants soutiennent également que l'absence de présentation par la société des différents justificatifs des recettes tient à une erreur de ses salariés qui ont jeté le carton d'archives, en tout état de cause, ils ne l'établissent pas.

7. La circonstance que des éléments isolés tirés de la comptabilité de la SARL Sandrine aient été utilisés pour opérer des rectifications n'est pas à elle seule de nature à faire obstacle à ce que la comptabilité de cette société ait pu être écartée comme non probante. Ainsi, en l'espèce, le fait que le service ait retenu tant des éléments portés dans les cahiers de recettes et dépenses que cette société a présentés que les variations de stocks déclarées, ne saurait faire obstacle à ce que la comptabilité soit écartée comme non probante, alors au demeurant qu'en l'espèce, pour reconstituer les recettes, le service ne s'est pas borné à reprendre les chiffres ainsi enregistrés par la société.

S'agissant de l'application de la doctrine administrative :

8. La réponse ministérielle faite le 19 janvier 1982 à M.D..., sénateur, qui institue une simple tolérance comptable relative à l'enregistrement des recettes en espèces et en chèques sur le livre de caisse, ne dispensait pas, en tout état de cause, la société de fournir des justificatifs des produits vendus. Les appelants ne peuvent donc utilement s'en prévaloir.

9. Si MM. B...E...et F...G...invoquent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 qui admet, pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, " lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats-et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse - soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", ils ne sont en tout état de cause pas fondés à s'en prévaloir dès lors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la comptabilité de la société n'était pas bien tenue.

10. Les appelants se prévalent d'une instruction du 18 décembre 2008, référencée BOI-13-L-10-08 n°3, qui selon eux relativiserait la gravité d'une disparition accidentelle de la comptabilité, telle que celle qu'elle expose avoir subie en raison de la perte du carton d'archives qui aurait comporté les justificatifs sur la nature des recettes de moins de 76 euros. Cependant, cette instruction, loin de traiter du cas de la disparition accidentelle de justificatifs importants, ne concerne que les irrégularités ou anomalies apparaissant accidentellement, c'est-à-dire rarement au sein d'une période vérifiée, pour recommander de ne pas leur prêter une portée excessive.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que c'est à juste titre que le service a estimé que, pour les exercices en cause, la comptabilité de la SARL Sandrine, entachée de graves irrégularités, était dépourvue de valeur probante. Pour ce motif, l'administration fiscale a pu légalement rejeter cette comptabilité et procéder à une reconstitution des recettes de la société.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

12. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ". Aux termes de son article R. 57-1 : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. "

13. En l'espèce les contribuables n'ont présenté des observations en réponse aux propositions de rectification qui leur ont été notifiées qu'après expiration du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, par application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du même livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe aux contribuables.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

14. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a procédé à la reconstitution des recettes de la SARL Sandrine à partir du dépouillement exhaustif des factures d'achat des boissons, en distinguant les recettes du pub dansant et celles du restaurant, en utilisant les tarifs figurant sur les relevés contradictoires de prix établis le 14 juin 2011, en tenant compte des observations postérieures apportées par le gérant et en appliquant différentes réfactions relatives aux pertes, aux offerts et aux consommations du personnel.

15. Les appelants ne remettent pas sérieusement en cause la méthode de reconstitution retenue par l'administration fiscale. Ils ne soutiennent ni même n'allèguent que cette méthode serait radicalement viciée dans son principe ou présenterait un caractère trop sommaire. Ils ne justifient pas plus d'erreurs de calcul qui auraient été commises par le service. En outre, c'est sans apporter aucun élément concret et probant propre à l'entreprise de nature à étayer de telles allégations, qu'ils soutiennent que le service aurait dû opérer une pondération tenant davantage compte de ce que les clients choisissant les menus privilégient les boissons onéreuses, que le taux de perte sur l'activité de pub dansant devrait être porté à 10 %, que le taux d'offerts sur l'activité de restauration devrait être porté à 10 % et que la consommation des salariés ne saurait être fixée à moins de 10 % du chiffre d'affaires de la restauration. S'ils soutiennent par ailleurs que le taux de pertes retenu pour l'activité pub-dansant est très inférieur à celui régulièrement admis par la profession, ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs affirmations, les chiffres retenus par un service vérificateur dans un autre dossier, cités dans un arrêt du 19 novembre 2009 d'une cour administrative d'appel ne pouvant en tenir lieu.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que les appelants n'apportent pas la preuve qui leur incombe du caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Sandrine.

En ce qui concerne les revenus distribués :

17. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ".

18. M. B...E...et M. F...G..., par ailleurs cogérants, sont seuls associés de la SARL Sandrine. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à juste titre que le service les a imposés, à la suite des rectifications de cette société, au titre des revenus distribués sur le fondement du 1. du 1° de l'article 109 du code général des impôts.

Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

20. En se fondant, d'une part, sur le caractère irrégulier de la comptabilité de la SARL Sandrine, sur l'importance des minorations de ses recettes et de leur caractère répété sur chacune des trois années vérifiées, et, d'autre part, sur la circonstance que les intéressés étaient cogérants et seuls associés de la SARL Sandrine et ne pouvaient ignorer l'existence et l'importance de ces minorations, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée des contribuables de se soustraire à l'impôt, et, par suite, du bien-fondé des pénalités en litige.

21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...E...et M. F...G...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...E...et M. F...G...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...E..., à M. C...F...G...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N° 17DA01028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01028
Date de la décision : 25/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL HORRIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-25;17da01028 ?
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