Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a prononcé son transfert aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 1800218 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile afin qu'il soit procédé à l'enregistrement de sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- il n'a pas été avisé de la possibilité de présenter des observations avant l'intervention de la décision attaquée ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 dès lors que le compte-rendu d'entretien ne comporte ni le cachet de l'autorité préfectorale ni la mention de l'agent qui a mené cet entretien, ainsi que sa signature ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 23 du règlement n° 604/2013 dès lors que la préfète de la Seine-Maritime ne justifie pas de la saisine des autorités italiennes ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne compte tenu des modalités actuelles de traitement des demandes d'asile par l'Italie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu, signé par M. A..., d'un entretien individuel qui s'est tenu le 25 juillet 2017, à la préfecture de la Seine-Maritime, que l'intéressé a été entendu, en particulier en ce qui concerne sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine ainsi que les raisons et conditions de son arrivée sur le territoire national. M. A...a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. De surcroît, à l'issue de l'entretien individuel qui a eu lieu en préfecture le 25 juillet 2017, M. A...s'est vu remettre une lettre signée de l'autorité préfectorale lui indiquant que, du fait des résultats de la prise de ses empreintes digitales par le fichier Eurodac, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure de transfert aux autorités italiennes et qu'il lui appartenait de présenter toute observation qu'il jugerait nécessaire dans un délai de huit jours. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de remise contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'un entretien individuel a eu lieu le 25 juillet 2017, en présence de deux agents de la préfecture de la Seine-Maritime, dont les noms ainsi que les signatures, figurent expressément sur le compte-rendu d'entretien individuel. Les dispositions précitées du règlement n° 604/2013 n'exigent pas l'apposition, sur ce compte-rendu, du cachet de l'autorité préfectorale. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit, par suite, être écarté.
4. Aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 - Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant - : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / (...) ".
5. Il ressort suffisamment des documents produits par la préfète de la Seine-Maritime que la France a sollicité la reprise en charge de M. A...le 14 septembre 2017 et que l'Italie a implicitement donné son accord. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement n°604/2013 doit, par suite, être écarté.
6. Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 - Accès à la procédure d'examen d'une demande de protection internationale - : " (...) / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
8. En l'espèce, M. A...ne produit aucun document de nature à établir que la situation générale en Italie ne permettrait pas d'y assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile et que sa réadmission vers ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Il ne fournit aucune précision ni aucun élément sur le séjour qu'il a effectué en Italie avant de se rendre en France, sa durée et les difficultés qu'il y aurait rencontrées, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à MeC....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
N°18DA01490 5