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07/03/2019 | FRANCE | N°18DA01135

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 18DA01135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 janvier 2018 du préfet du Pas-de-Calais décidant son transfert aux autorités danoises et l'ayant assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800260 du 7 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2018, M. A...B.

.., représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 janvier 2018 du préfet du Pas-de-Calais décidant son transfert aux autorités danoises et l'ayant assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800260 du 7 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2018, M. A...B..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 10 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais d'enregistrer la demande d'asile du requérant dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant afghan né le 23 octobre 1987 a sollicité le bénéfice de l'asile le 11 août 2017. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités danoises le 25 novembre 2015 et le 31 août 2015 dans la catégorie des demandeurs d'asile. Le préfet du Pas-de-Calais a ordonné le transfert de M. B...aux autorités danoises, par un premier arrêté du 31 août 2017, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lille le 19 septembre 2017, annulé par la cour administrative d'appel de Douai le 4 juin 2018. Par un deuxième arrêté du 17 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a, de nouveau, ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités danoises. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Lille le 27 novembre 2017. Par un troisième arrêté du 10 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais a ordonné le transfert de M. A...B...aux autorités danoises et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B...relève appel du jugement du 7 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B...soutient que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'a pas indiqué, au sein du dispositif, le sens de la décision prise. Toutefois, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, après avoir fait droit à la demande d'aide juridictionnelle qui lui était soumise par l'intéressé, à l'article 1er du dispositif, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2018 du préfet du Pas-de-Calais en décidant, à l'article 2 du dispositif, que le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Sur la décision de transfert :

3. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les Etats membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à la suite de la décision du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, même formé par l'autorité préfectorale, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A...à compter de la décision d'acceptation des autorités danoises a été interrompu par la présentation, le 11 janvier 2018, de la demande de l'intéressé devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a recommencé à courir à compter de la date de la dernière notification du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a statué sur la demande, soit à compter du 15 février 2018. Aucune des parties ne fait valoir que la décision de transfert aurait, depuis lors, été exécutée et le préfet du Pas-de-Calais, dûment interrogé par la cour sur ce point, ne soutient pas que ce délai aurait été prolongé, étant précisé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été emprisonné ou aurait pris la fuite.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision en litige est devenue caduque à la date du 15 août 2018, sans avoir reçu de commencement d'exécution. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 10 janvier 2018 en tant qu'il porte remise aux autorités danoises, devenues sans objet.

Sur la décision portant assignation à résidence :

8. M. B...soutient que l'illégalité de la décision de transfert contenue dans l'arrêté en litige entache par voie de conséquence d'illégalité l'arrêté l'assignant à résidence. Afin d'établir l'illégalité de la décision de transfert, il reprend en appel, sans les assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision, de sa motivation qui serait insuffisante et de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence n'est pas fondée et doit être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert attaquée, la France est l'Etat membre responsable de la demande d'asile présentée par M.B..., le présent arrêt, qui se borne à prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert n'implique, par elle-même, aucune mesure d'exécution sous astreinte. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 10 janvier 2018 portant remise aux autorités danoises.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée pour information au Préfet du Pas-de-Calais

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N°18DA01135

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01135
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-07;18da01135 ?
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