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21/02/2019 | FRANCE | N°17DA00801

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 21 février 2019, 17DA00801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme totale de 75 350 euros, mise en recouvrement le 14 novembre 2013 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admini

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Par un jugement n° 1404737 du 24 mars 2017 le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme totale de 75 350 euros, mise en recouvrement le 14 novembre 2013 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404737 du 24 mars 2017 le tribunal administratif de Lille a déchargé l'EURL MSB de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à l'EURL MSB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par arrêt de la cour du 7 décembre 2017 il a été décidé qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 avril et le 2 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que les pénalités correspondantes ;

3°) d'ordonner le remboursement à l'Etat par la société MSB de la somme de 1200 euros que l'Etat a été condamné à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB, qui est une entreprise oeuvrant dans le bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2013 portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur l'exercice clos en 2011. A l'issue de cette vérification, l'administration a notamment notifié, dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-2 du livre des procédures fiscales, un supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des pénalités, à hauteur de la somme totale de 75 350 euros. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge de ce supplément d'imposition et de la majoration correspondante. Par un jugement rendu le 24 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'imposition qui était en litige devant le tribunal concernait les droits et pénalités contestés dans la réclamation préalable laquelle portait sur l'ensemble des impositions mises en recouvrement par l'avis de mise en recouvrement du 14 novembre 2013. Par suite, en déchargeant l'ensemble de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés ainsi mise en recouvrement, au motif que l'avis de mise en recouvrement était entaché d'incompétence, les premiers juges n'ont pas statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis, peu important, dès lors que le jugement était fondé sur un moyen de procédure, qu'aucun moyen de la demande de première instance n'ait contesté le bien fondé du rehaussement relatif à la remise en cause d'amortissements.

3. En second lieu, par décision du 22 mars 2016, postérieure à l'introduction de la requête de première instance, les pénalités mises à la charge de la société ont été dégrevées à concurrence de 3 097 euros, par application de l'article 1756 du code général des impôts, dès lors que l'EURL MSB a été mise en redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire. La demande était, dans cette mesure, devenue sans objet. Pourtant, le tribunal administratif de Lille a omis de constater, dans cette limite, le non-lieu à statuer. Dès lors, il y a lieu, pour la cour, d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent ". Aux termes de l'article L. 257 A de ce livre, dans sa version applicable au litige : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ". Aux termes de l'article R. 256-8 de ce livre, dans sa version alors applicable : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (...) Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable (...) ". Aux termes de l'article 410 de l'annexe II au code général des impôts : " Chaque fonctionnaire de la direction générale des finances publiques ou chaque fonctionnaire des douanes et droits indirects peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité dans les conditions fixées par le directeur général des finances publiques ou le directeur général des douanes et droits indirects, selon le cas ".

5. L'avis de mise en recouvrement du 14 novembre 2013 est signé pour le comptable public par Mme B...A..., agent du service des impôts des entreprises de Dunkerque. L'administration fiscale produit, en appel, l'arrêté du comptable responsable du service des impôts des entreprises de Dunkerque du 9 juillet 2013, dument publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n°143 de juillet 2013, donnant délégation de signature à l'intéressée à l'effet de signer les avis de mise en recouvrement. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré du vice d'incompétence entachant l'avis de mise en recouvrement pour prononcer la décharge des impositions en litige.

6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'EURL MSB devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".

8. Me D...ne conteste pas que les impositions litigieuses ont été régulièrement établies d'office, pour remise d'une déclaration de résultat de l'exercice clos en 2011 passé le délai de trente jours après la date de réception d'une mise en demeure de souscrire une déclaration. Dans ces conditions, Me D...supporte la charge d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition qui ont été assignées à l'EURL MSB.

En ce qui concerne la réintégration de travaux en cours dans les valeurs d'actif à la clôture de l'exercice 2011 :

9. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de son article 209 : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : (...) / b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure (...) /3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. Les travaux en cours sont évalués au prix de revient ".

10. Pour l'application de ces dispositions, en ce qui concerne les travaux d'entreprise, une créance doit être comprise dans les valeurs d'actif, même en l'absence de réception provisoire ou définitive, au plus tard à la clôture de l'exercice au cours duquel les travaux ont été achevés et mis à la disposition du maître de l'ouvrage.

11. Il résulte de l'instruction que l'EURL MSB a conduit un chantier portant sur un immeuble situé 8 bis rue du Sud à Dunkerque pour le compte d'une cliente, la SCI Le Dauphin. Même si des acomptes portant sur des cloisons et des menuiseries aluminium ont été facturés par l'EURL MSB durant l'exercice vérifié, ces travaux, au demeurant réceptionnés le 16 novembre 2012, n'ont été achevés qu'en mai 2012, c'est à dire durant l'exercice comptable suivant celui clos en 2011. Ainsi, c'est à tort que l'administration a estimé que les travaux sur lesquels ces factures portaient ont été mis à la disposition du maître de l'ouvrage au cours de l'exercice clos en 2011 et a rattaché les produits correspondants à l'exercice au cours duquel ces factures ont été émises, étant précisé que, pour justifier du bien-fondé d'une imposition, l'administration ne saurait utilement se prévaloir d'une doctrine contraire à la loi.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle l'EURL MSB a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, à concurrence de la somme correspondant au rehaussement de la base d'imposition liée à la réintégration de travaux en cours d'une valeur de 150 000 euros ainsi que la décharge des pénalités afférentes.

13. En l'absence de contestation du bien-fondé de l'autre chef de rehaussement ayant fondé les impositions en litige, il résulte de tout ce qui précède le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé, d'une part, à demander l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas prononcé de non-lieu à statuer, à hauteur de la somme de 3 097 euros sur les conclusions de l'EURL MSB tendant à la décharge des pénalités mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 et à obtenir un non-lieu à due concurrence et, d'autre part, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à la charge de cette société au titre de l'exercice clos en 2011 à concurrence de la somme procédant d'un rehaussement de sa base d'imposition autre que celui relatif à la réintégration de travaux en cours d'une valeur de 150 000 euros et des pénalités afférentes.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant au remboursement de la somme de 1200 euros mise à sa charge en première instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, une somme de 1200 euros sera mise à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés par Me D...et non compris dans les dépens, sur le fondement de ces mêmes dispositions. En revanche aucune somme ayant la nature de dépens n'ayant été exposée, les conclusions de l'EURL MSB tendant au remboursement des dépens ne sauraient être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404737 du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé de non-lieu à statuer, à hauteur de la somme de 3 097 euros, sur les conclusions de l'EURL MSB tendant à la décharge des pénalités mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer, à hauteur de la somme de 3 097 euros, sur les conclusions de la demande de l'EURL MSB tendant à la décharge des pénalités mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a prononcé la réduction en droits et en pénalités de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL MSB a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, à raison d'un chef de rehaussement autre que celui issu de la réintégration dans les bases d'imposition de travaux en cours d'une valeur de 150 000 euros.

Article 4 : L'Etat versera à MeD..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL MSB, une somme de 1200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'EURL MSB relatives aux dépens sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Me C...D..., en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL MSB.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA00801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00801
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : WILHELM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-21;17da00801 ?
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