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29/01/2019 | FRANCE | N°18DA01219

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 18DA01219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703515 du 15 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin et 28 aoû

t 2018, M. B...E..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703515 du 15 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin et 28 août 2018, M. B...E..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Oise du 23 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B...E..., né le 30 novembre 1980, ressortissant de la République démocratique du Congo, interjette appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour contester la motivation du jugement rendu par le tribunal administratif d'Amiens, M. B...E...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qui ne concernent pas les jugements mais certaines décisions administratives individuelles.

4. Le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. B...E...à l'appui de ses moyens, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé au regard des moyens soulevés dans la demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. La décision en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle mentionne, notamment, que rien ne permet de conclure que M. B...E...ne peut bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers celui-ci. En outre, cette motivation fait état d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, précisant notamment qu'il est célibataire et père d'un enfant dont il n'a pas la charge. Si l'arrêté ne mentionne pas l'existence du second enfant de M. B...E..., né 13 octobre 2016, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige s'agissant de l'obligation d'examen particulier, l'intéressé n'ayant notamment pas informé les services de la préfecture de la naissance de ce second enfant pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour. Si le requérant soutient avoir sollicité la requalification de sa demande de titre de séjour au profit d'un titre " vie privée et familiale ", il ne l'établit par aucune pièce. Par suite, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision litigieuse, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et n'est pas entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il est constant que M. B...E...est entré en France en 2011, que sa demande d'asile a été rejetée en 2012, qu'il a bénéficié, de 2014 à 2017, d'un titre de séjour en raison de son état de santé, qu'il a obtenu, le 20 mars 2017, un certificat d'aptitude professionnelle de " préparation et réalisation d'ouvrages électriques ". Il produit des bulletins de salaire pour la période de mai à décembre 2015, les mois de mars et mai 2016, et de mars à septembre 2017. Il est père de deux enfants, nés de son union avec une compatriote les 27 octobre 2013 et 13 octobre 2016. S'il établit verser une pension alimentaire à son ex-compagne, et effectuer des versements mensuels de 30 euros sur un compte bancaire ouvert au nom de sa fille aînée, il n'établit toutefois pas entretenir avec ses enfants une relation paternelle stable et intense par la seule production d'une attestation très peu circonstanciée de la mère des enfants, même si cette dernière a renouvelé son attestation pour les besoins de la présente instance, d'un jugement du tribunal de grande instance de Créteil qui ne concerne que son aînée, et dont il n'établit pas respecter toutes les prescriptions, et de quelques tickets de caisse non nominatifs. M. B...E..., qui est célibataire, n'établit pas plus avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés, qu'il n'établit être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Le préfet n'a, dès lors, pas porté au droit de M. B...E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

9. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du même code auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B...E...ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. N'établissant pas que le défaut de traitement de sa pathologie pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, au demeurant, que ce traitement n'est pas disponible en République démocratique du Congo, il n'établit pas non plus remplir les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il appartenait au préfet de l'Oise de consulter la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 de ce code.

10. Aux termes de l'article 2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ; 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ". Ces stipulations, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, ne peuvent être utilement être invoquées par M. B...E....

11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B...E...n'établit pas entretenir avec ses deux enfants une relation paternelle stable et durable. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B...E...et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 12 que M. B...E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre celle l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

15. Il résulte de ce qui précède que M. B...E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

16. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt.

17. Si M. B...E..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 février 2012 et par la Cour nationale du droit d'asile le 30 novembre 2012, invoque le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à démontrer la réalité des risques personnels et actuels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet de l'Oise. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...E..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

5

N°18DA01219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01219
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-29;18da01219 ?
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