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31/12/2018 | FRANCE | N°18DA01339

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 18DA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703317 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 2 juillet 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 9 août 2018, Mme F..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703317 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 9 août 2018, Mme F..., représentée par Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le refus de titre de séjour :

1. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il expose notamment de façon suffisante les raisons pour lesquelles l'autorité administrative refuse à Mme F... un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

2. Le moyen tiré du vice de procédure n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier l'éventuel bien-fondé.

3. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme F... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle / (...) ".

5. Dans son avis du 22 septembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Normandie a estimé que l'état de santé de Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque vers ce pays. Pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, la préfète de la Seine-Maritime s'est notamment fondée sur cet avis. Devant la juridiction, la requérante produit plusieurs ordonnances et des certificats médicaux indiquant qu'elle souffre de plusieurs pathologies telles que cervicalgies, eczéma, syndrome anxieux et troubles d'ordre gynécologique. Ces éléments, peu circonstanciés, ne sont cependant pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité préfectorale s'agissant notamment de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de traitement. Par suite, la préfète, en rejetant la demande de titre de séjour, n'a pas méconnu les dispositions du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...) ".

7. Mme F..., ressortissante algérienne née le 12 novembre 1991, est entrée en France le 3 juin 2013 sous couvert d'un visa touristique. Sa demande d'asile a fait l'objet d'une radiation par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'intéressée ne s'étant pas présentée à l'entretien auquel elle était convoquée. Elle est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne justifie pas avoir noué en France des liens d'une particulière intensité. Si plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France, elle n'établit pas qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusque l'âge de vingt et un ans et où réside son frère, sa mère se maintenant pour sa part en situation irrégulière sur le territoire français à la suite de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 25 février 2014. Par suite, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a pas, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes raisons, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme F....

8. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

10. Lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision portant refus de titre de séjour comporte, ainsi qu'il a été dit au point 1, les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.

11. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge administratif peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 20 juillet 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 26 juillet 2017, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D... C..., sous-préfet du Havre, à l'effet de signer notamment les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

12. Il ressort de l'avis du 22 septembre 2016 que, préalablement à la décision en litige, la préfète de la Seine-Maritime a saisi le médecin de l'agence régionale de santé. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé manque en fait et doit être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui font obstacle à ce qu'il soit fait obligation de quitter le territoire français aux étrangers malades qui ne pourraient pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, doit être écarté.

14. Pour les motifs mentionnés au point 7, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ni sur la décision fixant le pays de destination de son éloignement qui l'accompagne, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

17. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Mme F..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'elle aurait pu porter à la connaissance de l'administration si elle avait été invitée à le faire, n'est dès lors pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'arrêté en litige, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, est entaché d'un vice de procédure à ce titre.

18. Mme F... ne produit aucun élément de nature à démontrer que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour en Algérie. Le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise la préfète dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., au ministre de l'intérieur et à Me A...E....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01339
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : AIT-TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-31;18da01339 ?
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