Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 18 octobre 2017 par lesquelles le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1709089 du 26 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 18 octobre 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, le préfet du Nord, représenté par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 26 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant guinéen né lé 2 février 1998, a déposé le 19 septembre 2017 une demande d'asile auprès de la préfecture du Nord. A l'occasion de l'enregistrement de sa demande, le préfet du Nord a procédé à la consultation du fichier Eurodac, laquelle a permis d'établir que l'intéressé avait déjà sollicité le bénéfice de l'asile en Italie, le 17 novembre 2016. Par un arrêté en date du 18 octobre 2017, le préfet du Nord a ordonné le transfert de M. D...auprès des autorités italiennes et l'a assigné à résidence. Le préfet du Nord interjette appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif :
2. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile, requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.
3. L'article 26 du règlement du 26 juin 2013 précise que : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Pour être suffisamment motivée, afin de mettre l'intéressé à même de critiquer, notamment, l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement du 26 juin 2013, éclairées par son considérant 19, la décision de transfert doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III ou, à défaut, au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement et, le cas échéant, faire apparaître les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.
4. L'arrêté du 18 octobre 2017 en litige vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il énonce que la consultation du fichier Eurodac fait apparaître que les empreintes digitales de M. D...ont été relevées en Italie à l'occasion du franchissement de la frontière de ce pays sous le numéro IT 2 CT01Y12, puis à l'occasion du dépôt par l'intéressé d'une demande de protection internationale sous le numéro IT 1 BGO4MOQ. L'arrêté énonce ensuite que " les autorités italiennes ont été saisies le 21/09/2017 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18.1.b du règlement UE n° 604/2013, ont fait connaître leur accord le 18/10/2017 à 16h11 en application de l'article 18.1.b du règlement UE n° 604/2013 susvisé ". Ces motifs, desquels il résulte que l'intéressé a déposé une demande d'asile en Italie, et que cette demande était en cours d'examen à la date de l'arrêté litigieux, permettent ainsi d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application pour désigner l'Italie comme le pays vers lequel M. D...pourra être transféré. Par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté, qui font apparaître les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, sont suffisamment précis pour permettre à l'intéressé de bénéficier du recours effectif visé au paragraphe 1 de l'article 27 du règlement. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 18 octobre 2017.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M.D... :
Sur la décision de transfert :
6. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe (...) ".
7. Si M. D...s'est vu remettre le 19 septembre 2017 les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile en langue anglaise, qu'il a déclaré ne pas comprendre, il ressort cependant des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel du 19 septembre 2017, il a été assisté d'un interprète en langue diakhanke, qu'il a déclaré comprendre, et il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de transfert aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit, en tout état de cause, être écarté.
8. Aux termes de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 26 de ce règlement : " Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".
9. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.
10. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, que le préfet du Nord a adressé aux autorités italiennes, le 21 septembre 2017, une demande de reprise en charge de M. D..., fondée sur les données obtenues par le système Eurodac. En application des dispositions de l'article 25 du règlement du 26 juin 2013, citées au point 8, les autorités italiennes disposaient d'un délai de deux semaines pour répondre à cette demande. L'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir du délai de deux mois prévu par l'article 22 du même règlement, qui régit les demandes de prise en charge et non les demandes de reprise en charge fondées sur des données obtenues par le système Eurodac. Dès lors, à la date de la décision en litige, les autorités italiennes, qui n'avaient pas donné de réponse explicite à la demande du préfet du Nord dans le délai de deux semaines imparti à cette fin, étaient réputées avoir implicitement accepté de reprendre en charge M. D...sur leur territoire. Elles ont au demeurant explicitement accepté cette demande par une réponse en date du 18 octobre 2017. M. D...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision de transfert dont il fait l'objet serait intervenue de façon prématurée.
11. Les moyens tirés de ce que la décision de transfert méconnaîtrait les dispositions de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqués à l'audience de première instance, ne sont pas, en appel, assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doivent ainsi, en tout état de cause, être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert aux autorités italiennes prise à son encontre par le préfet du Nord est entachée d'illégalité.
Sur la décision d'assignation à résidence :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12, que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.
14. Il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Nord se serait estimé en situation de compétence liée pour fixer la durée de l'assignation à résidence de M. D...à quarante-cinq jours, soit la durée maximale prévue par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision, fondée sur une analyse précise de la situation en France de l'intéressé, est en outre suffisamment motivée.
15. Les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse. Par suite, en assignant à résidence M. D...à l'adresse postale qu'il lui avait communiquée, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de droit.
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision assignant M. D...à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours et l'obligeant à se présenter tous les lundis et mercredis dans les locaux de la direction zonale de la police aux frontières de Lille constitue une mesure injustifiée et disproportionnée en vue de l'exécution de la décision de transfert aux autorités italiennes. Il n'établit pas non plus que son état de santé serait incompatible avec les modalités de pointage prévues par l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 18 octobre 2017. Les conclusions présentées en appel par M. D... doivent, par suite, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709089 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 26 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E...D...et à Me B...F....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°17DA02471