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27/11/2018 | FRANCE | N°18DA01518

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 27 novembre 2018, 18DA01518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et d'autre part d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard à

compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1801...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et d'autre part d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1801391 du 21 juin 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2018, MmeB..., représentée par Me Chafi-Shalak, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1801391 du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 en ce que le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante algérienne née le 7 novembre 1961, déclare être entrée en France le 19 février 2015, en provenance de Malte, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires maltaises à Alger. Elle a demandé, le 7 décembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un jugement du 21 juin 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par sa requête, Mme B...relève appel de ce jugement en tant qu'il concerne l'obligation de quitter le territoire français, fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement et octroie un départ volontaire de trente jours.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L'arrêté attaqué, qui vise l'ensemble des textes applicables en particulier l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, relève notamment que Mme B...déclare être entrée en France le 19 février 2015, en provenance de Malte, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires maltaises à Alger, est célibataire sans charge de famille selon ses déclarations, et n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante trois ans et possède l'ensemble de ses attaches familiales, notamment sa mère et six frères et soeurs. Cet arrêté relève également que les éléments versés au dossier par l'intéressée ne permettent ni d'infirmer l'avis des médecins de l'agence régionale de santé ni d'établir l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, cet arrêté doit être regardé comme mentionnant les circonstances de fait et de droit sur lesquelles le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français se fondent. En outre, s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, il vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de l'intéressée et relève que celle-ci n'allègue ni n'établit aucun risque en cas de retour dans son pays, comportant ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles cette décision est fondée. S'agissant de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours, il résulte des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-5, L. 513-1 et L. 513-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2, L. 311-1 et L. 311- 2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne ".

4. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants du même code, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de son article L. 511-1 . Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat .

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...aurait manifesté le souhait d'être éloignée vers l'île de Malte. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination seraient entachées d'une erreur de droit au regard de l'article L. 531-1 du code de justice administrative.

Sur les moyens propres à l'obligation de quitter le territoire français :

6. Le préfet du Nord, par un arrêté du 14 décembre 2017, régulièrement publié le 18 décembre 2017 au recueil spécial n° 282 des actes administratifs de la préfecture, a donné délégation à Mme C...A..., attachée principale, chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté en litige. Le moyen tiré de 1'incompétence de 1'auteur de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté comme tel.

7. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour.

8. Mme B...a sollicité son admission au séjour. Elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté en litige, tous les éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Au demeurant, la requérante ne précise pas quels sont les éléments propres à sa situation personnelle qu'elle aurait pu faire valoir et qui auraient été de nature à conduire le préfet du Nord à ne pas lui faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à l'intervention d'une mesure d'éloignement, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.

9. Mme B...a vécu, comme il a été dit au point 2, cinquante-trois ans dans son pays où elle a six frères et soeurs et sa mère alors qu'elle n'a qu'une soeur en France, qui l'héberge, et que son séjour en France est récent. Dans ces conditions, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français, le préfet du Nord n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de MmeB.... Pour les mêmes motifs ni l'obligation de quitter le territoire français ni la décision fixant le pays de destination n'ont méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par avis du 2 novembre 2017, a précisé que l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, compte tenu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, à destination duquel elle peut voyager sans risque, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si Mme B... produit des certificats médicaux, ceux-ci n'établissent toutefois pas qu'elle ne pourrait pas effectivement avoir accès à des soins appropriés en Algérie. Par suite, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, l'intéressée n'ayant pas vocation à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit qui ferait obstacle à son éloignement.

12. Mme B...ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques pour sa santé en cas de retour au pays, dès lors qu'une obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de désigner le pays de destination.

Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

13. Pour les motifs indiqués au point 11 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

14. Pour les motifs énoncés ci-dessus, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée en tant qu'elle est invoquée à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

Sur les moyens propres à la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

15. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée en tant qu'elle est invoquée à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours.

16. Il résulte tout de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. L'ensemble de ses conclusions, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit, par voie de conséquence, être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

5

N° 18DA01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01518
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CHAFI-SHALAK

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-27;18da01518 ?
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