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22/11/2018 | FRANCE | N°16DA00575

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 16DA00575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Tourcoing à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi et la somme de 316 644,77 euros au titre du préjudice économique subi.

Par un jugement n° 1301101 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2016 et le 13 mars 2017, Mme B..., représentée par Me C...D..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Tourcoing à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Tourcoing à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi et la somme de 316 644,77 euros au titre du préjudice économique subi.

Par un jugement n° 1301101 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2016 et le 13 mars 2017, Mme B..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Tourcoing à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi ainsi que la somme de 316 644,77 euros au titre du préjudice économique subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tourcoing, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 92-855 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des sages-femmes territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C...D..., représentant Mme A...B....

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., fonctionnaire territoriale relevant du cadre d'emplois des sages-femmes territoriales, est entrée en fonction le 1er octobre 2001, au sein des services de la commune de Tourcoing, au poste de responsable des équipements petite enfance. Elle a été placée en congé de longue maladie du 5 décembre 2004 au 6 décembre 2007. Le 19 décembre 2007, le comité médical départemental du Nord a déclaré sa reprise d'activité compatible avec une activité à mi-temps thérapeutique, sous réserve d'un aménagement de ses conditions de travail. Par un arrêté du 25 février 2008, Mme B...a été autorisée à reprendre une activité à temps partiel thérapeutique à compter du 5 décembre 2007, sans réintégrer son poste d'origine. Le 8 juin 2010, Mme B...a sollicité son admission à la retraite. Par un arrêté du 4 août 2010, elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite, à compter du 2 novembre 2010. Par un courrier en date du 21 octobre 2011, Mme B...a demandé l'indemnisation des préjudices subis du fait du comportement de la commune de Tourcoing. Elle relève appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Tourcoing à l'indemnisation de ses préjudices.

2. Pour soutenir que la commune de Tourcoing était responsable de ses préjudices moral et économique, Mme B...s'est bornée, devant le tribunal administratif, à invoquer la responsabilité de la collectivité en raison d'un harcèlement moral. Dans sa requête en appel, elle se prévaut, en outre, de la faute de la commune, qui engagerait sa responsabilité, en raison du non respect des dispositions statutaires. Cette dernière prétention, fondée sur une cause juridique distincte de celle soumise aux premiers juges, constitue une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable.

Sur la responsabilité de la commune au titre d'un harcèlement moral :

3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour établir avoir été victime de harcèlement moral, Mme B...soutient qu'elle a été privée de ses responsabilités suite à sa mutation à son retour de congé de longue maladie, que la commission administrative paritaire aurait dû être consultée sur sa mutation, qu'elle n'a pas été mise à même d'obtenir la communication de son dossier, qu'elle ne disposait pas non plus des moyens matériels nécessaires à l'exercice de ses fonctions, que la mutation, qui constituait une sanction déguisée, n'a pas été prise dans l'intérêt du service, que le poste qu'elle occupait auparavant n'avait pas été pourvu à son retour de congé pour longue maladie, et qu'elle a été contrainte de demander son admission à la retraite alors qu'elle était en capacité de reprendre son ancien poste.

6. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ". En l'espèce, Mme B..., qui exerçait les fonctions de responsable des équipements petite enfance de la commune a été affectée à son retour de congé pour longue maladie sur un poste de chargée de mission famille-mixité au sein du service prévention-précoce. Cette mutation a entraîné une modification substantielle de ses missions et de ses responsabilités. Ainsi, elle constitue une mutation comportant une modification de sa situation, qui ne pouvait être prononcée sans que la commune ait préalablement consulté pour avis la commission administrative paritaire, Il est constant que cette formalité n'a pas été respectée.

7. Toutefois, il résulte de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été reçue individuellement par la directrice des ressources humaines et par le directeur général adjoint le 19 décembre 2007 et a été informée de la proposition de l'affecter au sein de la direction de la prévention, de la parentalité et du partenariat avec la justice, pour y exercer une fonction de chargée de mission au sein du service de prévention-précoce-parentalité-femmes-familles. Par une lettre du 20 décembre 2007, le directeur général adjoint a réitéré cette proposition d'affectation auprès de MmeB.... Et ce n'est que par un arrêté du 25 février 2008 que cette dernière a été autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique, à compter du 5 décembre 2007, au regard de l'avis du comité médical départemental du Nord, qui avait déclaré sa reprise d'activité compatible avec une activité à mi-temps thérapeutique, sous réserve d'un aménagement de ses conditions de travail,. Dans ces conditions, la requérante, qui a été informée dans un délai suffisant de la mutation proposée, a été mise à même de demander la communication de son dossier.

8. En outre, si Mme B...soutient qu'elle n'a pu bénéficier des moyens matériels convenant à l'exercice de ses fonctions, et notamment d'un fauteuil ergonomique, suite à des recommandations médicales, il ressort des pièces du dossier que dès le 5 mai 2008, la commune de Tourcoing a sollicité six fournisseurs, afin obtenir des devis pour l'achat de trois sièges ergonomiques. Le 3 juillet 2008, la société Espace Ergonomie a fourni un devis à la commune de Tourcoing, puis, le 9 septembre 2008, un fauteuil ergonomique a été réceptionné par la commune. Dans ces conditions, si le délai d'obtention d'un fauteuil ergonomique peut paraître long, il n'apparaît pas que la commune soit restée inactive face aux besoins exprimés par MmeB.... Si cette dernière avance aussi que la commune ne lui a pas fourni de ligne téléphonique, ni d'ordinateur, dans les premiers mois de sa nouvelle affectation, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment des attestations d'anciens collègues de travail qu'elle produit, qu'elle n'aurait pas eu à disposition les moyens matériels adaptés à l'exécution de ses missions.

9. Mme B...soutient également que le changement d'affectation a eu pour conséquence une perte de responsabilités, en faisant valoir qu'elle encadrait, auparavant, une équipe de 120 agents et qu'ainsi, elle a été privée de ses fonctions d'encadrement, qu'elle devait assurer conformément à l'article 2 du décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des sages-femmes territoriales. En se fondant sur un échange de courriers électroniques entre la directrice des ressources humaines et le directeur général adjoint de la commune de Tourcoing, elle fait valoir, de surcroît que cette mutation est une sanction disciplinaire déguisée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'échange de courriers électroniques en cause, que cette nouvelle affectation a nécessairement été prise pour tenir compte de l'état de santé de MmeB..., et notamment de son mi-temps thérapeutique, et de la nécessité de lui éviter les déplacements en voiture, ainsi que la station debout et la station assise prolongée. De ce fait, cette décision, intervenue, certes, sans que la commune ait préalablement consulté pour avis la commission administrative paritaire, et, par suite, à l'issue d'une procédure irrégulière, a été prise dans l'intérêt du service, notamment pour prendre en compte les conditions médicales imposées à la reprise de fonctions de Mme B...dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, à l'issue de ses congés de longue maladie, et le fait que son ancien poste avait été pourvu par un autre agent, en qualité de directeur de la direction de la petite enfance. Il est de surcroît constant que cette mutation n'a pas entraîné, pour MmeB..., une perte de rémunération. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée, aucun élément versé au dossier ne permettant, en outre, d'établir que la mutation aurait été prise en l'absence de tout intérêt du service, dans le seul but de nuire à Mme B...et de l'obliger à demander son admission à la retraite. Dans ces conditions, la seule circonstance que la commission administrative paritaire n'a pas été consultée, alors qu'elle aurait dû l'être, ne suffit pas, au regard des éléments qui précèdent, à constituer une situation de harcèlement moral.

10. Pour le reste, les deux attestations produites par MmeB..., émanant d'un ancien collègue et d'une directrice d'une association de lutte contre les violences conjugales, font état sans aucune précision circonstanciée et vérifiable de ce que la requérante aurait été " mise au placard ", qu'elle aurait fait l'objet de remarques vexatoires de la part de sa hiérarchie et que des ordres lui auraient été donnés par agent de catégorie B, alors au demeurant que l'agent contractuel sous l'autorité duquel a été placée Mme B...avait été recruté sur un emploi d'attaché territorial. Elles ne permettent pas, dans ces conditions, d'établir l'existence de fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service, ni de comportements ou de propos excessifs émanant de ses supérieurs hiérarchiques, qui seraient constitutifs de harcèlement moral.

11. Dès lors, les faits évoqués par Mme B...ne peuvent être regardés, dans leur ensemble, comme des agissements répétés, constitutifs d'un harcèlement moral.

12. Par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par MmeB..., fondées sur l'existence d'un harcèlement moral, doivent être rejetées.

Sur la responsabilité de la commune au titre du non-respect de dispositions statutaires :

13. Il résulte de ce qui a été dit plus haut, tout d'abord, que Mme B...a été mise à même de consulter son dossier avant la reprise de son activité professionnelle, à l'issue de congés de longue maladie. Ensuite, elle a pu disposer des moyens matériels adaptés à l'exécution de ses missions, en bénéficiant d'une mutation dans un emploi adapté à son état de santé, dans l'intérêt du service, pour prendre en compte les conditions médicales imposées à la reprise d'activité à l'issue de ses congés de longue maladie, son poste ayant été, en outre, pourvu pendant sa longue absence par un autre agent, en qualité de directeur de la direction de la petite enfance. La mutation n'a pas non plus entraîné, pour MmeB..., une perte de rémunération. Son état de santé, médicalement constaté, à l'issue de congés de longue maladie, ne lui permettant pas, dans ces conditions, de reprendre son ancien poste d'encadrement, la mutation en cause n'est pas ainsi pas intervenue pour l'obliger à demander son admission à la retraite. Enfin, eu égard aux précisions apportées aux points 6 à 10, et à la nature de l'irrégularité procédurale dont est entachée la décision prononçant la mutation de Mme B...sur un poste de chargée de mission famille-mixité au sein du service prévention précoce, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière, compte tenu des conditions médicales prévues pour sa reprise d'activité et de son état de santé. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en cause d'appel, Mme B...ne justifie d'aucun préjudice indemnisable consécutif au non-respect de dispositions statutaires, dont elle serait fondée à demander réparation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille, a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros que réclame la commune de Tourcoing au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Tourcoing présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la commune de Tourcoing.

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N°16DA00575

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00575
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FILLIEUX - FASSEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-22;16da00575 ?
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