Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Afghanistan et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 1708589 du 9 octobre 2017 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par un article 1er, annulé la décision fixant le pays de destination et, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B...à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
1. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (23 août 2016, J.K et autres c/ Suède, n° 59166/1228). Selon cette même cour, l'appréciation d'un risque réel de traitement contraire à l'article 3 précité doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l'éloignement du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l'intéressé (30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, paragraphe 108, série A n° 215). A cet égard, et s'il y a lieu, il faut rechercher s'il existe une situation générale de violence dans le pays de destination ou dans certaines régions de ce pays si l'intéressé en est originaire ou s'il doit être éloigné spécifiquement à destination de l'une d'entre elles. Cependant, toute situation générale de violence n'engendre pas un risque réel de traitement contraire à l'article 3, la Cour européenne des droits de l'homme ayant précisé qu'une situation générale de violence serait d'une intensité suffisante pour créer un tel risque uniquement " dans les cas les plus extrêmes " où l'intéressé encourt un risque réel de mauvais traitements du seul fait qu'un éventuel retour l'exposerait à une telle violence.
2. En se bornant à faire état de l'instabilité généralisée du pays et de la situation sécuritaire en Afghanistan, et à se prévaloir des violences perpétrées dans la province de Wardak dont l'intéressé est originaire, M. B...n'établit pas de manière probante qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le degré de violence généralisée qui caractérise la zone dont l'intéressé est originaire ait atteint un niveau suffisamment élevé pour que des motifs sérieux et avérés permettent de penser qu'un civil renvoyé dans la région concernée, du seul fait de sa présence sur ce territoire, encourra un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle. Il ne ressort pas non plus des pièces versées au dossier que le défendeur serait personnellement exposé à un risque avéré de subir des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est par suite à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu la méconnaissance de ces stipulations pour annuler la décision fixant l'Afghanistan comme pays de destination.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...à l'encontre de la décision attaquée devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
4. L'arrêté litigieux a été signé par M. C...A..., chef de la section éloignement de la préfecture du Pas-de-Calais, qui était compétent pour ce faire en vertu d'un arrêté du 1er septembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n°80 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais.
5. L'arrêté contesté vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales notamment son article 3 cite et, après avoir, il est vrai, émis des doutes sur la nationalité de l'intéressé et envisagé de ne pas fixer immédiatement le pays de renvoi, précise que l'intéressé revendique la nationalité afghane pour justifier le renvoi vers ce pays. Ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
6. Pour contester la décision fixant le pays de destination, M. B...invoque l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national dont il avait, dans le délai de recours contentieux, demandé l'annulation au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a écarté dans son jugement, l'ensemble des moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. M. B...n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de cette partie du jugement et n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge sur ces moyens. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge d'écarter l'ensemble des moyens dirigés, par la voie de l'exception, contre la décision portant obligation de quitter le territoire national. Par suite, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 octobre 2017 fixant le pays de destination.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 9 octobre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...d'annulation de la décision du 2 octobre 2017 fixant le pays de destination est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...B....
Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
2
N°17DA02212