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23/10/2018 | FRANCE | N°18DA00230

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 18DA00230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais qui l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire national pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1710270 du 6 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administr

atif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 30 novembre 2017 en tant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais qui l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire national pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1710270 du 6 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 30 novembre 2017 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. D...dirigées contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son interpellation le 30 novembre 2017 à Calais par les services de police, M. D... se déclarant de nationalité afghane et démuni de toute pièce ou document d'identité, a fait l'objet le jour même d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et interdisant son retour sur le territoire national pendant une durée de un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (23 août 2016, J.K et autres c/ Suède, n° 59166/1228). Selon cette même cour, l'appréciation d'un risque réel de traitement contraire à l'article 3 précité doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l'éloignement du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l'intéressé (30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, paragraphe 108, série A n° 215). A cet égard, et s'il y a lieu, il faut rechercher s'il existe une situation générale de violence dans le pays de destination ou dans certaines régions de ce pays si l'intéressé en est originaire ou s'il doit être éloigné spécifiquement à destination de l'une d'entre elles. Cependant, toute situation générale de violence n'engendre pas un risque réel de traitement contraire à l'article 3, la Cour européenne des droits de l'homme ayant précisé qu'une situation générale de violence serait d'une intensité suffisante pour créer un tel risque uniquement " dans les cas les plus extrêmes " où l'intéressé encourt un risque réel de mauvais traitements du seul fait qu'un éventuel retour l'exposerait à une telle violence.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, en dépit de la gravité de la situation générale en Afghanistan, rendue publique par des rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, il régnait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité afghane devait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En revanche, il ressort des mêmes informations publiques qu'une situation de violence généralisée existe dans certaines provinces de cet Etat. Si M. D...fait valoir qu'il est originaire de la province de Ningarhar, province dans laquelle existe une situation de violence généralisée, il n'apporte à l'appui de ses allégations, aucun élément probant et vérifiable et, notamment, aucune précision d'ordre personnel quant à ses conditions de vie dans cette région, ni aucun élément relatif à ce qu'il y a lui-même vu ou subi et ne peut dès lors, eu égard au caractère succinct et peu précis de ses déclarations, être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de cette province. En outre, M. D...n'allègue aucun risque personnel en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, l'intéressé n'a déposé aucune demande d'asile en France ou dans les pays européens qu'il a traversés. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que la décision désignant l'Afghanistan comme pays de destination en cas d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M.D..., avait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... contre la décision fixant le pays de renvoi devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille.

5. M. C...B..., chef de la section éloignement de la préfecture du Pas-de-Calais, dispose d'une délégation de signature du 1er septembre 2017, en vertu d'un arrêté régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 80 du même jour, à l'effet de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

6. L'arrêté du 30 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure M. D...de discuter les motifs de la décision attaquée. La circonstance que le préfet du Pas-de-Calais n'ait pas mentionné tous les éléments factuels de la situation de l'intéressé n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être également écarté.

7. Pour contester la décision fixant le pays de destination, M. D...invoque l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national dont il avait, dans le délai de recours contentieux, demandé l'annulation au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a écarté dans son jugement l'ensemble des moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. M.D... n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de cette partie du jugement et n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge sur ces moyens. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge d'écarter l'ensemble des moyens dirigés, par la voie de l'exception, contre la décision portant obligation de quitter le territoire national. Par suite, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

8. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, le préfet du Pas-de-Calais, en fixant l'Afghanistan comme pays de destination, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prescrivent notamment qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais, à qui il appartiendra d'apprécier les conditions d'exécution de son arrêté à la date à laquelle il l'exécutera et selon les principes rappelés au point 2, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé la décision du 30 novembre 2017 désignant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D....

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 6 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 30 novembre 2017 en tant qu'il désigne l'Afghanistan comme pays de renvoi est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

4

N°18DA00230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00230
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-23;18da00230 ?
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