Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 février 2018 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le plaçant en centre de rétention administrative.
Par un jugement n° 1801187 du 21 février 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 7 février 2018 en enjoignant au préfet du Nord de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018, le préfet du Nord, représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant sénégalais, déclare être né le 1er décembre 1993 et être entré le 4 février 2018 sur le territoire français. Le 7 février 2018, il a fait l'objet, à la suite d'un contrôle d'identité à Lille, d'une interpellation puis d'une audition par les services de police au cours de laquelle il n'a pas été en mesure de justifier de son droit à circuler ou séjourner sur le territoire national. Par un arrêté en date du 7 février 2018, le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a décidé qu'il pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité, a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et ordonné son placement en rétention administrative. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 21 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté préfectoral.
2. D'une part, qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) / ... / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 741-2 du même code : " Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. L'autorité administrative compétente informe immédiatement l'office de l'enregistrement de la demande et de la remise de l'attestation de demande d'asile. / L'office ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé. ". Enfin, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile (...) ".
4. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet et, le préfet à enregistrer, une première demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. Par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant qu'il ait été statué sur cette demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'étranger.
5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, le 7 février 2018, M. A...a manifesté, à deux reprises, son intention de demander l'admission au séjour au titre de l'asile en France. En présence d'une telle demande présentée avant le placement en rétention administrative de l'intéressé, il appartenait aux services de police de l'orienter vers l'autorité préfectorale afin qu'elle puisse déposer sa demande. Le principe d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile s'applique, en vertu des dispositions précitées, dès la présentation de la demande pendant l'audition. Il n'était donc pas nécessaire que l'intéressé doive présenter à nouveau une demande une fois placé en rétention administrative, pour avoir le droit de se maintenir sur le territoire français. Il est constant que le préfet du Nord n'a ni enregistré ni examiné cette demande. Si le préfet fait également valoir devant la cour que la demande d'asile de M. A...n'était pas " sérieuse ", il n'est pas soutenu et il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que la demande d'asile de l'intéressé entrait dans les cas de refus de délivrance de l'attestation d'enregistrement limitativement prévus par l'article L. 741-1 précité. Dans ces conditions, le préfet du Nord ne pouvait légalement prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. M. A...est, par suite, fondé à demander l'annulation de cette décision.
6. Par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M.A..., fixant le pays de destination de son éloignement, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et ordonnant son placement en rétention.
7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 7 février 2018 et lui a enjoint de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de procéder à un nouvel examen de sa situation.
8. L'exécution du présent arrêt n'appelle, par suite, aucune mesure d'exécution.
9. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me C...E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C...E..., conseil de M.A..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...A...et à Me C...E....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
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N°18DA00988