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25/09/2018 | FRANCE | N°18DA00993

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 18DA00993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans les deux mois suivant la notifi

cation du jugement à intervenir, sous astreinte, subsidiairement, d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans les deux mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte, subsidiairement, d'enjoindre au même préfet de l'admettre provisoirement au séjour, dans un délai de quinze jours suivant le jugement à intervenir, sous astreinte.

Par un jugement n° 1710415 du 27 février 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, M. E... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 février 2018 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord :

- à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de l'admettre provisoirement au séjour, dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les observations de MeB..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E...C..., ressortissant algérien né le 7 août 1987, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 27 septembre 2013. Il a alors déposé une demande de reconnaissance du statut de réfugié qui a été rejetée par une décision du 26 février 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée en appel par une décision du 8 avril 2015 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 13 octobre 2015, M. C...a obtenu un certificat de résidence " vie privée et familiale " en raison de son état de santé, renouvelé jusqu'au 12 octobre 2016. Le 28 juillet 2016, il a demandé le renouvellement de son certificat de résidence " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Le médecin de l'agence régionale de santé Nord Pas-de-Calais a rendu son avis le 15 septembre 2016. Par un arrêté du 1er septembre 2017, le préfet du Nord a refusé de délivrer le renouvellement du titre précité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par sa requête, M. C... relève appel du jugement du 27 février 2018 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, prévoit que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé prévu par l'article L. 313-11 du même code est émis " dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'arrêté du 9 novembre 2011 visé ci-dessus dispose que cet avis doit préciser si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et indique si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi.

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Nord pouvait légalement se fonder sur l'avis du 15 septembre 2016 du médecin de l'agence régionale de santé Nord Pas-de-Calais quand bien même il était intervenu près de douze mois avant l'arrêté litigieux, dès lors qu'aucun élément d'ordre médical dûment porté à la connaissance du préfet ne permettait de considérer qu'il était devenu caduc par suite d'un changement de circonstance de fait.

4. Il ressort d'un certificat médical du 28 novembre 2016, établi par le DrD..., chirurgien orthopédiste, que M. C...présentait un névrome passé inaperçu du nerf ulnaire qui est invalidant et dont il devait être opéré le 25 janvier suivant par chirurgie ambulatoire. Un autre certificat médical établi par le DrA..., médecin psychiatre, le 2 décembre 2016, se prononce sur son état. Si ces deux certificats ne sont pas mentionnés dans l'arrêté du 1er septembre 2017, alors qu'ils précisent l'évolution de l'état de santé de M. C...entre le 14 septembre 2016 date de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et le 1er septembre 2017, date de l'arrêté, toutefois, le certificat du docteur A...ne fait pas état de circonstances nouvelles liées aux difficultés psychologiques évolutives et au stress post-traumatique dont souffre le requérant, et celui du Dr D... mentionne une opération destinée à régler un problème neurologique demeuré inaperçu, opération qui était intervenue bien avant l'arrêté sans qu'aucun autre certificat ne fasse état de suites non concluantes. Ainsi, le préfet du Nord, qui avait connaissance de ces éléments, a pu légalement s'abstenir de saisir à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé d'une nouvelle demande d'avis. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris selon une procédure irrégulière et serait entaché d'un défaut d'examen sérieux doit être écarté.

5. L'avis du médecin de l'agence régionale de santé relève que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut éventuel de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cependant qu'un traitement approprié à ses nécessités médicales est disponible dans son pays d'origine. Le préfet du Nord a, par l'arrêté en litige, estimé qu'il n'est pas établi que M. C...ne pourrait pas bénéficier en Algérie de la prise en charge médicale qui lui est nécessaire. Il n'est pas sérieusement contesté que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Or, ce seul motif peut légalement fonder un refus de délivrance du certificat de résidence. Dans ces conditions, doivent être écartés le moyen tiré de la méconnaissance par la décision de refus de titre de séjour et par l'obligation de quitter le territoire français de l'article 6-7 précité de l'accord franco-algérien ainsi que celui tiré de la méconnaissance par l'obligation de quitter le territoire français du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant ces deux décisions.

6. M. C...n'était présent sur le territoire national que depuis le mois de septembre 2013, soit depuis à peine quatre ans à la date de la décision attaquée. Il était célibataire et sans charges de famille. Il n'établit pas être dépourvu de toute attache privée et familiale en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt six ans, et où vit l'ensemble de sa famille proche, à savoir ses parents et ses frères et soeurs. Il n'établit pas la réalité de son insertion en France, en l'absence de toute activité salariée sur le territoire national. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, et nonobstant les circonstances que la qualité de travailleur handicapé lui ait été reconnue et qu'il soit inscrit dans un parcours de formation professionnelle, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, la décision de refus de titre de séjour ainsi que l'obligation de quitter le territoire français n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien selon lesquelles le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus..

7. Les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour étant écartés, l'exception d'illégalité de cette décision ne saurait être accueillie au soutien des conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

8. M.C..., pas plus en appel qu'en première instance, n'apporte d'élément de nature à établir que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine, ou qu'il y serait exposé à des traitements inhumains et dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision fixant le pays de destination des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

4

N°18DA00993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00993
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-25;18da00993 ?
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