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30/07/2018 | FRANCE | N°17DA01450

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 30 juillet 2018, 17DA01450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Haltermann Carless France (HCF) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011, ainsi que de désigner un expert afin de confirmer que les travaux en litige constituent des dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par un jugement n° 1501911 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, la SA Haltermann Ca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Haltermann Carless France (HCF) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011, ainsi que de désigner un expert afin de confirmer que les travaux en litige constituent des dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par un jugement n° 1501911 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, la SA Haltermann Carless France, représentée par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2012 ;

3°) de désigner un expert pour confirmer que les travaux en litige constituent bien des dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant la SA Haltermann Carless France.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Haltermann Carless France exerce une activité de recherche et fabrication de carburants spéciaux. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2008 à 2012, sur le fondement des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, à raison de dépenses liées au projet " carburants spéciaux et carburants de compétition ". La SA Haltermann Carless France relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ".

3. La SA Haltermann Carless France a été informée, par avis de vérification du 23 mai 2012, de l'engagement d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. La proposition de rectification du 10 décembre 2012 procède notamment à la remise en cause du bénéfice du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts au titre de l'exercice clos en 2008. Par suite, la SA Haltermann Carless France est fondée à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière en tant qu'elle concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2008 et, pour ce motif, à obtenir la décharge de ces impositions.

4. Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ". Aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre, dans sa rédaction en vigueur à compter du 15 février 2013 : " (...) II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à se demande (...) ".

5. Les dispositions des articles L. 45 B et R. 45 B-I du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles les agents du ministère de la recherche et de la technologie peuvent vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du même code et peuvent à cette fin se rendre dans l'entreprise, n'imposaient pas à l'expert du ministère chargé de la recherche d'engager avec la société intéressée un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation. Ainsi la société ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec l'expert. En outre, la société n'établit pas qu'elle aurait été privée de la garantie de pouvoir entretenir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.

7. La société requérante soutient que la position de l'administration n'est pas suffisamment motivée. Elle entend ainsi critiquer l'absence de motivation de la proposition de rectification du 10 décembre 2012 remettant en cause le crédit d'impôt afférent aux deux projets concernés par la demande suite à l'avis de rejet émis par l'expert sollicité, ainsi que de la réponse à ses observations du 12 mars 2013. Ces documents relèvent cependant, d'une part, que ces projets ne constituaient pas une opération de recherche développement au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de son annexe III, faute de démontrer que chaque projet ne pouvait être mené à bien à partir des techniques existantes, et nécessitait d'engager des travaux ayant pour but de lever les incertitudes scientifiques et techniques rencontrées et, d'autre part, l'absence de justifications quant à " l'état de l'art " et, par suite, l'impossibilité de procéder à toute vérification des progrès techniques ou scientifiques allégués. Ainsi l'administration fiscale, qui ne s'est pas estimée liée par l'avis de l'expert, a mis la société en mesure de discuter utilement du caractère éligible de ses projets au crédit impôt recherche. Par ailleurs, le rejet des réclamations de la société, notifié le 13 avril 2015, par lequel l'administration fiscale a déclaré s'approprier les conclusions d'une seconde expertise sollicitée à la suite de la présentation de nouveaux justificatifs et a conclu à l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses afférentes au projet " Caldérys Liant Technologiques pour enrobés réfractaires " en diminuant le rehaussement envisagé, mais pas à l'éligibilité des dépenses liées au projet " carburants spéciaux et carburants de compétition ", considérés comme de simples activités de formulation, en renvoyant à ses précédentes réponses aux observations de la société, n'est pas, du fait même de cette appropriation, entaché d'incompétence négative ni de défaut de motivation suffisante. L'administration n'a donc pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

8. Enfin, à la date à laquelle la proposition de rectification a été adressée à la société requérante, soit le 10 décembre 2012, les dispositions de l'article L. 59 D du livre des procédures fiscales créé par la loi du 29 décembre 2015 n'étaient pas applicables et, par suite, le moyen tiré de l'absence de possibilité de saisine du comité consultatif du crédit d'impôt recherche est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié des garanties procédurales prévues aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales qui accompagnent la procédure de rectification contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

10. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet " carburants spéciaux et carburants de compétition " porte sur l'amélioration de la puissance des moteurs grâce au carburant de véhicules engagés dans des compétitions automobiles ou moto dans le respect des réglementations sportives. Si la société requérante produit " l'état de l'art " en ce domaine ainsi que les résultats qu'elle a pu obtenir, elle ne démontre pas que ses travaux de formulation chimique, faisant appel à un savoir-faire et des produits existants, présenteraient un caractère de nouveauté au sens des dispositions précitées dès lors qu'elle ne justifie ni de l'originalité de ses méthodes et outils au regard de " l'état de l'art " présenté, ni d'usage de procédés originaux ou innovants dont la conception ne pouvait être envisagée par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation des techniques. Le projet en cause ne peut être en conséquence regardé comme constitutif d'opérations de recherche et de développement au sens des dispositions précitées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Haltermann Carless France est seulement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2008.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la SA Haltermann Carless France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La SA Haltermann Carless France est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008.

Article 2 : Le jugement n° 1501911 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Haltermann Carless France une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Haltermann Carless France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Haltermann Carless France et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA01450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01450
Date de la décision : 30/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Odile Desticourt
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-07-30;17da01450 ?
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