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30/07/2018 | FRANCE | N°17DA00146

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 30 juillet 2018, 17DA00146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1403219 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 26 octobre 2017, M. et Mme E..., repré

sentés par Me A...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 novembre 2016 en t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1403219 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 26 octobre 2017, M. et Mme E..., représentés par Me A...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 novembre 2016 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...est l'actionnaire et associé unique de la SCI " Double Carré " qui a acquis en 2009, en état futur d'achèvement, une résidence située 2 rue du château à la Môle dans le Var. Cette résidence a été donnée en location à M. C...E..., frère de M.E..., à compter du 1er juillet 2011. M. E...et son épouse ont alors bénéficié au titre des années 2011 et 2012 d'un crédit d'impôt, l'investissement effectué par la SCI " Double Carré " ayant été réalisé sur le fondement des dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de ce crédit d'impôt. M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 en raison de la remise en cause du crédit d'impôt dont ils avaient bénéficié.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. (...) III. - L'engagement de location mentionné au I doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cet engagement prévoit que le loyer ne doit pas excéder un plafond fixé par le décret prévu au troisième alinéa du h du 1° du I de l'article 31 ".

3. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'avantage fiscal qu'elles prévoient est subordonné à la condition objective que le locataire fasse effectivement de l'immeuble qui lui est loué par le contribuable, son habitation principale. Dès lors, M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ne disposaient d'aucun moyen de s'assurer que leur locataire respectait le bail qui avait été conclu en juillet 2011 pour la résidence située à La Môle dans le Var et l'administration fiscale pouvait en conséquence remettre en cause le bénéfice de l'avantage fiscal au motif que cette condition objective n'était pas remplie. Par suite, en jugeant que l'administration fiscale était fondée à remettre en cause, au titre des années 2011 et 2012, le bénéfice de l'avantage fiscal dont M. et Mme E...avaient bénéficié sur le fondement de l'article septivicies du code général des impôts, au motif que l'administration fiscale établissait que le locataire du logement dont l'intéressé était propriétaire n'avait pas fait de celui-ci son habitation principale, le tribunal n'a pas ajouté de condition à la loi.

4. L'administration fiscale établit que M. C...E...et son épouse, dans leurs déclarations fiscales à l'impôt sur le revenu au titre des années 2011, 2012 et 2013, ont indiqué que leur résidence principale se situait dans l'Aisne et que les avis de taxe d'habitation afférents à cette résidence indiquaient pour les années 2012 et 2013 qu'il s'agissait d'une résidence principale alors que les avis de taxe d'habitation de la résidence située à La Môle dans le Var indiquaient, pour les mêmes années, qu'il s'agissait d'une résidence secondaire. En outre, l'administration fiscale fait valoir que M. C...E...avait demandé le bénéfice de la déduction de frais professionnels pour frais de double résidence au titre de l'impôt sur le revenu des années 2011 et 2012 et que ce n'est qu'après le rejet de la réclamation contentieuse présentée par son frère en 2014, qu'il a présenté, pour les besoins de la cause, une demande de rectification rétroactive de ses déclarations en indiquant que sa résidence principale était située dans le Var depuis le mois de juillet 2011 en raison d'une séparation conjugale. A cet égard, si les requérants soutiennent que M. C...E...était tenu de continuer à souscrire une déclaration commune avec son épouse malgré leur séparation, ils n'établissent ladite séparation par aucune pièce. D'ailleurs, l'acte de vente de la résidence située dans l'Aisne, rédigé le 28 novembre 2013, mentionne que le couple demeure ensemble dans cette résidence à cette date. Par ailleurs, les mandats donnés à un notaire et à une agence immobilière en avril et juillet 2012 afin de vendre la résidence de l'Aisne n'établissent pas que cette résidence ne constituait pas l'habitation principale de M. C...E...jusqu'à sa vente le 28 novembre 2013. De même, si les requérants se prévalent du contrat de travail conclu le 14 juin 2011 par M. C...E...en tant que voyageur, représentant, placier qui mentionne comme adresse du salarié celle de La Môle dans le Var et prévoit que le salarié exercera son activité dans les départements des régions de Corse, Provence-Alpes-Côte-D'azur et Languedoc-Roussillon, ce contrat ne précise pas ses modalités d'exécution et mentionne également que le salarié est employé par la même société et pour les mêmes fonctions à Saint Quentin dans l'Aisne. Les documents produits par les requérants et relatifs au fils de M. C...E...qui mentionnent également l'adresse de La Môle dans le Var ne permettent pas davantage de démontrer que M. C... E... avait fixé son habitation principale à cette même adresse au titre des années 2011 et 2012 alors que son fils était âgé de 19 ans en 2011. D'ailleurs, les factures EDF produites par les requérants font état d'une souscription seulement en janvier 2012 soit six mois après la date de prise d'effet du bail et la facture d'eau d'août 2012 fait un état d'une faible consommation entre la date de conclusion du bail et le mois d'avril 2012, alors que M. C... E... aurait résidé pendant cette période à cette adresse avec son fils selon les déclarations des requérants. Enfin, les relevés de compte de contribution d'assurance chômage, les courriers de Pôle Emploi, d'une société de lunetterie, les avis à tiers détenteurs et la carte nationale d'identité de M. C...E...qui mentionnent tous l'adresse de la Môle dans le Var sont datés de 2014 et ne permettent donc pas d'établir le lieu d'habitation principale de ce dernier au titre des années en litige. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que c'est à tort que l'administration fiscale a retenu que la résidence située à La Môle dans le Var ne constituait pas l'habitation principale de M. C... E... au titre des années 2011 et 2012 au sens de l'article 199 septivices du code général des impôts.

Sur les pénalités :

5. Aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

6. L'administration fiscale en se bornant à faire valoir que M. C...E...ne l'a jamais informée de son " changement d'adresse putatif ", qu'il a continué à régler sa taxe d'habitation dans l'Aisne et qu'il a continué à mentionner cette adresse dans ses déclarations comme résidence principale n'établit pas l'existence, de la part des contribuables que sont M. et MmeE..., de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses.

7. Toutefois, l'administration fiscale demande de substituer à la majoration de 80 % appliquée, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Il appartient au juge, dans une telle hypothèse, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser le manquement délibéré du contribuable et de substituer, dans l'affirmative, la pénalité pour manquement délibéré à la majoration pour manoeuvre frauduleuse.

8. En l'espèce, compte tenu des circonstances qui ont justifié le rehaussement litigieux, notamment du fait que M. et Mme E...ne pouvaient pas ignorer, compte tenu du lien de parenté qui les unissait, que le locataire de l'immeuble situé à la Môle dans le Var n'avait pas fait de cet immeuble son habitation principale au titre des années 2011 et 2012, l'administration fiscale justifie du caractère délibéré du manquement. Par suite, il y a lieu de substituer à la majoration de 80 %, la majoration prévue, en cas d'absence de bonne foi, par l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'intégralité de leurs conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % qui leur a été assignée et à demander la réduction des pénalités qui leur ont été assignées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Les dispositions précitées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts est substituée à la pénalité au taux de 80 % dont ont été assortis les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ont été assujettis M. et Mme E... au titre des années 2011 et 2012 en raison du rehaussement relatif à la remise en cause du crédit d'impôt dont ils avaient bénéficié en application de l'article 199 septvicies du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 1403219 du 17 novembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°17DA00146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00146
Date de la décision : 30/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : ARILLA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-07-30;17da00146 ?
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