Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Semafor Conseil en ressources humaines (SAS Semafor) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er décembre 2007 au 30 novembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1400624 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier et 13 novembre 2017 et le 24 janvier 2018, la SAS Semafor, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ;
- la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me D...C..., représentant la SAS Semafor
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Semafor, société intervenant notamment dans le domaine du reclassement individuel et collectif des salariés licenciés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er décembre 2007 au 30 novembre 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la société aux prestations de service qu'elle avait enregistrées en comptabilité sous l'intitulé " Antenne emploi ". L'administration lui a, en conséquence, réclamé au titre de la période vérifiée un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant, en droits, de 70 388 euros, assorti des intérêts de retard. La SAS Semafor relève appel du jugement du 15 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en décharge de cette imposition.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans sa requête introductive d'instance, la SAS Semafor s'est bornée à contester le bien-fondé de l'imposition en litige. C'est seulement dans un mémoire en réplique, présenté après l'expiration du délai d'appel, qu'elle a soulevé le moyen selon lequel le tribunal administratif n'avait pas suffisamment motivé son jugement. Elle a ainsi émis une prétention fondée sur une cause juridique distincte constituant une demande nouvelle qui, présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que l'administration fiscale n'est pas en droit de s'assurer que les prestations exonérées par la SAS Semafor relèvent de la formation professionnelle continue :
3. Le a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts exonère de taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurées soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente. Cette attestation reconnaît que la personne privée à qui elle est délivrée remplit les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue.
4. L'article 202 A de l'annexe 2 au code général des impôts, pris pour l'application de ces dispositions, régit les conditions dans lesquelles une personne morale de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue souscrit, auprès de l'administration compétente en matière de formation professionnelle continue, une demande tendant à la délivrance de l'attestation prévue par le a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code, ainsi que la procédure de traitement d'une telle demande. L'article 202 B de cette annexe précise que la délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée au jour de la réception de la demande, que l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue ou des missions dévolues aux organismes paritaires agréés et qu'elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation. Enfin, l'article 202 D de la même annexe dispose que les agents de l'administration des impôts contrôlent l'application des articles précédents et s'assurent notamment que les opérations qui ouvrent droit à exonération relèvent d'une activité entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue.
5. L'attestation à laquelle les dispositions mentionnées aux deux points précédents subordonnent, pour les personnes de droit privé, le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée reconnaît, conformément aux objectifs énoncés au i) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, que l'opérateur poursuit des fins comparables à un organisme de droit public ayant pour objet la formation professionnelle. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que l'attestation confère à son titulaire un droit acquis à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, la compétence dévolue aux agents désignés à l'article L. 991-3 du code du travail puis, à compter du 1er mai 2008, à l'article L. 6361-65 de ce code, pour exercer le contrôle administratif et financier des activités des organismes intervenant en matière de formation professionnelle continue ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale vérifie que les prestations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ouvrent droit au bénéfice de l'exonération. Dès lors, l'administration fiscale conserve, comme l'énonce l'article 202 D de l'annexe II au code général des impôts, le droit de s'assurer que les prestations exonérées relèvent d'une activité entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue, avant de procéder, le cas échéant, au rappel de la taxe indûment exonérée, dans le délai de reprise prévu par les dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales.
6. Il s'ensuit, en outre, que la personne de droit privé qui a obtenu l'attestation ne peut, de ce seul fait, légitimement considérer que le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée lui est définitivement acquis et invoquer le principe général du droit communautaire de protection de la confiance légitime pour faire obstacle au rappel de taxe.
7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré par la SAS Semafor de ce que l'administration fiscale n'était pas en droit de remettre rétroactivement en cause l'exonération découlant de l'attestation délivrée par les services compétents en matière de formation professionnelle, faute d'avoir démontré que celle-ci aurait été délivrée au vu de renseignements inexacts quant à la nature et à l'objet de ces prestations et quant à ses conditions d'exercice, ou que l'activité effectivement exercée ne correspondrait pas à celle décrite dans la demande d'attestation, doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la qualification des opérations exonérées par la SAS Semafor :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 3, les prestations exonérées en application du a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts sont effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent. Selon les dispositions de l'article L. 900-1 du code du travail, figurant, à compter du 1er mai 2008, à l'article L. 6311-1 de ce code, la formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, et de contribuer au développement économique et culturel ainsi qu'à leur promotion sociale. S'y ajoute, dans la rédaction de cet article issue de l'article 1er de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, la sécurisation des parcours professionnels. Les dispositions de l'article L. 900-2 du code du travail, figurant désormais à l'article L. 6313-1 de ce code, énumèrent les actions qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, au nombre desquelles figurent : " 1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ; / (...) 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ; / (...) / 5° Les actions de conversion ; / 6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ; / (...) / 8° - Les actions de formation relatives à l'économie (...) de l'entreprise ; / (...) / 10° Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ; / 11° Les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience ; / 12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ". Les dispositions du 5° de l'article L. 900-2 du code du travail, figurant désormais à l'article L. 6313-6 de ce code, définissent les actions de conversion comme ayant pour objet, en particulier, de permettre à des salariés dont le contrat de travail est rompu d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente. Les dispositions du 10° de l'article L. 900-2 du même code, figurant désormais à l'article L. 6313-10 de ce code, définissent les actions permettant de réaliser un bilan de compétence comme ayant pour objet de permettre à des travailleurs d'analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, si cela apparaît nécessaire, un projet de formation. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes du a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts que l'exonération concerne les prestations assurées par le titulaire de l'attestation.
9. S'agissant de la charge de la preuve, la production par le redevable de l'attestation prévue par le a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'impôt apprécie au vu de l'instruction, comme l'ont fait à bon droit les premiers juges, si les prestations exonérées en application de ces dispositions ont été effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent.
10. En l'espèce, il est constant que les prestations enregistrées par la SAS Semafor en comptabilité sous la rubrique " Antenne emploi " sont fournies, dans le cadre de marchés passés avec Pôle emploi, au profit de travailleurs licenciés. Il résulte de l'instruction, en particulier du document intitulé " proposition Semafor " produit par la société requérante et des profils de ses salariés, que ces prestations consistent dans l'accompagnement des bénéficiaires pendant une durée déterminée. Cet accompagnement, en partie individualisé, comprend la réalisation d'un bilan personnel et professionnel, la mise en place d'un projet individuel, une formation aux techniques de recherche d'emploi, la recherche et le financement de formations, l'assistance à la recherche des stages en entreprises éventuellement nécessaires, le conseil à la création et à la reprise d'entreprise, ainsi que la proposition d'au moins " deux offres valables d'emploi " identifiées par la société grâce à la connaissance du bassin d'emploi, à son réseau de contacts et à la compétence de ses consultants en matière de gestion des ressources humaines et de reclassement des salariés. Les prestations fournies comportent, en outre, un séminaire de trois jours sur la réalisation d'un bilan de compétence et les techniques de recherche d'emploi, ainsi que la mise à disposition de divers moyens matériels.
11. Une partie de ces prestations relève des actions de formation professionnelle continue énumérées à l'article L. 6313-1 du code du travail, en particulier la réalisation du bilan personnel et professionnel des salariés licenciés, répondant à la définition du bilan de compétence par les dispositions de l'article L. 6313-10 de ce code et visées au 10° de l'article L. 6313-1, les actions de conseil à ceux d'entre eux qui envisagent de créer ou de reprendre une entreprise, visées au 12° de l'article L. 6313-1, et les formations destinées à leur permettre d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente, constitutives d'actions de conversion au sens des dispositions du 5° de l'article L. 6313-1 et de l'article L. 6313-6, vers lesquelles ils sont orientés par la SAS Semafor qui en trouve le financement. Toutefois, la rémunération des prestations fournies par la SAS Semafor, constituée pour chaque bénéficiaire d'une part fixe, augmentée d'une part variable dépendant du reclassement obtenu, ne permet pas de distinguer la rémunération des actions de formation professionnelle qu'elle assure, des autres prestations fournies. En outre, et en tout état de cause, ces dernières ne peuvent, compte tenu de leur importance, être regardées comme le simple accessoire des actions de formation professionnelle fournies par la SAS Semafor. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'en application des dispositions du a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a appliquée aux prestations comptabilisées sous l'intitulé " Antenne emploi ".
En ce qui concerne les autres moyens :
12. Il résulte des dispositions rappelées au point 3 que l'administration fiscale peut, dans le délai de reprise prévu à l'article 176 du code général des impôts, remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par des personnes morales de droit public sur le fondement du a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts si elle estime que les prestations considérées ne relèvent pas de la formation professionnelle continue. Il s'ensuit que le moyen tiré par la SAS Semafor de ce que la remise en cause par l'administration fiscale de l'exonération des prestations fournies par des personnes privées titulaires de l'attestation prévue par ces dispositions créerait à leur détriment une distorsion de la concurrence contraire au principe de neutralité de l'impôt, manque en fait. En outre, la SAS Semafor ne saurait utilement se prévaloir de ce que des opérateurs, qui soumissionnent aux mêmes marchés qu'elle, exonèrent de taxe sur la valeur ajoutée leurs prestations, comme le demande Pôle emploi, dès lors que l'imposition contestée a été établie conformément à la loi.
13. Les rectifications en litige ne sont pas fondées sur le défaut de présentation par la SAS Semafor de l'attestation prévue par les dispositions du a du 4° du paragraphe 4 de l'article 261 du code général des impôts. La société requérante ne peut donc utilement soutenir que les dispositions citées au point précédent seraient incompatibles avec les objectifs de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 en tant qu'ils subordonnent l'exonération des activités de formation professionnelle continue exercées par une personne de droit privé à la condition que celle-ci souscrive une demande d'attestation.
Sur la garantie contre les changements de doctrine :
14. La SAS Semafor invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine de l'administration fiscale énoncée dans l'instruction référencée publiée au bulletin officiel des impôts 3 A-2-07 du 19 février 2007, aux termes de laquelle sont concernées par l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée " les prestations d'accompagnement au profit des demandeurs d'emploi présentant les caractéristiques générales fixées par l'article L. 920-1 du code du travail (programme préétabli, objectifs déterminés, moyens pédagogiques et techniques d'encadrement et moyens permettant de suivre son exécution et d'en apprécier les résultats) " et " sont ainsi considérées comme entrant dans l'objet défini par la loi 2004-391 du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie, les actions de formation mises en oeuvre par l'Agence nationale pour l'emploi qui s'inscrivent dans un parcours individuel d'accès à l'emploi et qui organisent l'acquisition des compétences requises pour y parvenir ", ainsi que " les bilans de compétence approfondis mis en oeuvre au bénéfice des demandeurs d'emploi dès lors qu'ils s'inscrivent dans un parcours de formation ou d'accès à l'emploi ".
15. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point 11, qu'il n'est pas possible d'effectuer une ventilation des prestations facturées par la société selon qu'elles se rapportent ou non à des actions de formation et il ne résulte pas de l'instruction que les bilans de compétence approfondis, les conseils à la formation et à la reprise d'entreprise et les actions de formation mis en oeuvre par la SAS Semafor, même en tenant compte des actions de formation à la recherche d'emploi et de celles dispensées par d'autres prestataires, présentent un caractère prépondérant par rapport aux autres prestations qu'elle assure en vue du reclassement des bénéficiaires de sorte que ces dernières prestations n'en seraient que l'accessoire. Ainsi, La SAS Semafor n'est pas fondée à contester l'imposition contestée sur le terrain de la doctrine de l'administration fiscale citée au point précédent, qui ne permet l'exonération que d'actions de formations.
16. Par ailleurs, eu égard à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les instructions ou circulaires fiscales dont un contribuable peut, dans les conditions définies par cet article, se prévaloir doivent être appliquées littéralement et ne sauraient donc faire l'objet d'une interprétation permettant d'en faire une application conforme aux normes qu'elles doivent respecter. Le moyen tiré par la SAS Semafor de ce qu'une interprétation de la doctrine de l'administration fiscale qui lui serait défavorable entraînerait à son détriment une distorsion de la concurrence contraire au principe de neutralité fiscale ne peut donc qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Semafor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Semafor est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Semafor Conseil en ressources humaines et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00107