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14/06/2018 | FRANCE | N°17DA00748

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 17DA00748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, M. E..., architecte, la SAS Séchaud et Bossuyt Nord, et la société Socotec à lui verser la somme de 182 252,22 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2007 en réparation des préjudices résultant des désordres apparus sur le bâtiment dénommé " la Cathédrale ".

Par un jugement n° 1006040 du 11 mars 2014,

le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA00812 du 15...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, M. E..., architecte, la SAS Séchaud et Bossuyt Nord, et la société Socotec à lui verser la somme de 182 252,22 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2007 en réparation des préjudices résultant des désordres apparus sur le bâtiment dénommé " la Cathédrale ".

Par un jugement n° 1006040 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA00812 du 15 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande.

Par une décision n° 395328 du 19 avril 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 15 octobre 2015 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2014 sous le n° 14DA00812, et un mémoire enregistré le 4 novembre 2014 puis, après cassation de l'arrêt, par des mémoires, enregistrés les 27 octobre et 3 novembre 2017 sous le n° 17DA00748, la commune de Dunkerque, représentée par la SCP Senlecq, D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 mars 2014 ;

2°) de condamner solidairement la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, M. A... E..., la SAS Séchaud et Bossuyt Nord et la société Socotec à lui verser la somme totale de 182 252,22 euros ainsi que les intérêts sur cette somme à compter du paiement des travaux ;

3°) de mettre à la charge des parties mises en cause la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., représentant la communauté urbaine de Dunkerque, de MeH..., représentant la société OTEIS, de Me B...F..., représentant M.E..., et de Me G...C..., représentant la société Socotec.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté urbaine de Dunkerque a loué à la société Debussche un bâtiment dénommé " La Cathédrale " aux termes d'un bail commercial conclu le 30 juin 2000, après avoir fait procéder à sa réhabilitation par des travaux dont la réception partielle est intervenue au mois d'octobre 2000. Des désordres étant apparus sur le bâtiment dès 2001, la société Debussche a saisi le juge judiciaire de différentes demandes d'expertise à compter de l'année 2002 puis assigné la communauté urbaine devant le tribunal de grande instance de Dunkerque le 19 septembre 2007 aux fins d'obtenir le paiement de dommages-intérêts. A son tour, la communauté urbaine a assigné devant ce tribunal, le 31 décembre 2007, quatre des constructeurs étant intervenus lors de l'opération de réhabilitation, la société Couverture Bardage Etanchéité du Littoral (CBE Littoral), titulaire du lot couverture-bardage, M. E..., architecte, la société Séchaud et Bossuyt - aux droits de laquelle sont venues successivement la société Ginger Séchaud et Bossuyt, puis la société Grontmij -, maître d'oeuvre, et la société Socotec, contrôleur technique. Aux termes d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 8 juin 2010, le juge judiciaire s'est déclaré incompétent en estimant que ces demandes étaient relatives à l'exécution d'un marché de travaux publics et relevaient donc de la compétence de la juridiction administrative. La communauté urbaine a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés CBE Littoral, Ginger Séchaud et Bossuyt et Socotec et de M. E...à réparer ses divers préjudices. La communauté urbaine de Dunkerque relève appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté comme irrecevables les demandes dirigées contre la société Socotec et la société Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, faute pour la communauté urbaine de Dunkerque de justifier de sa qualité pour agir et, d'autre part, rejeté comme non fondées les conclusions dirigées contre la société Séchaud et Bossuyt du fait de l'expiration du délai d'action de la garantie décennale.

Sur la régularité du jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral :

2. La communauté urbaine de Dunkerque atteste, sans être sérieusement contredite, avoir directement payé les sommes en litige relatives à la réparation des désordres affectant le bâtiment dénommé " La Cathédrale " et ne pas en avoir été remboursée par son assureur. Elle est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter ses demandes dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, le tribunal administratif a retenu la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à agir. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'absence de prescription de l'action en garantie décennale à l'encontre de la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre ces deux sociétés.

3. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la communauté urbaine dirigées contre la société Socotec et la SARL Couverture Bardage Etanchéité du Littoral et de statuer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions de la communauté urbaine de Dunkerque dirigées contre les autres intimés.

Sur les autres fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

4. En premier lieu, la société Couverture Bardage Etanchéité du Littoral ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile relatives au contenu de l'assignation devant le juge civil , qui ne sont pas applicables dans le cadre de la présente procédure, pour conclure à l'irrecevabilité de la demande de première instance formée par la communauté urbaine de Dunkerque devant le tribunal administratif.

5. En deuxième lieu, il résulte de sa demande de première instance formée le 5 octobre 2010 que la communauté urbaine de Dunkerque avait demandé la condamnation des constructeurs du bâtiment affecté des désordres à l'indemniser du coût de réparation des travaux. Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2012 devant le tribunal, elle a précisé le fondement de cette demande tendant à l'engagement de la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale ce qui a en tout état de cause régularisé son action qui n'était soumise à aucun délai de recours. La fin de non-recevoir tirée sur ce point de la méconnaissance des exigences de l'article R.411-1 du code de justice administrative doit, dès lors, être écartée.

6. En dernier lieu, la circonstance que la communauté urbaine de Dunkerque n'aurait pas démontré avoir préfinancé les travaux de réfection des désordres visés par son action formée à l'encontre des constructeurs sur le terrain de la garantie décennale n'était pas de nature à rendre irrecevable sa demande formée devant le tribunal.

Sur l'exception de prescription de l'action en garantie décennale :

7. Aux termes de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ". Il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, que, pour les désordres qui y sont expressément visés, une action en justice n'interrompt la prescription qu'à la condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

8. Il résulte des termes de l'assignation du 31 décembre 2007 formée au fond par la communauté urbaine de Dunkerque contre les maîtres d'oeuvre, le contrôleur technique et la société chargée du lot couverture-bardage devant le tribunal de grande instance de Dunkerque que l'appelante a fait référence aux désordres qui sont à l'origine du litige indemnitaire qui l'a opposé à son locataire la société Debussche et qui ont justifié les travaux de réparation qu'elle a dû effectuer dans le bâtiment loué. Elle a d'ailleurs qualifié ces désordres selon la classification et la description précise du rapport d'expertise dont elle s'est prévalue et qu'elle a joint à l'acte du 31 décembre 2007. Par ailleurs, les constructeurs dont elle entendait obtenir la garantie de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre de ces désordres étaient nommément désignés dans cette assignation. Dans ces conditions, la communauté urbaine de Dunkerque, qui avait qualité pour exercer le droit menacé par la prescription en cause, doit être regardée comme ayant identifié de façon suffisamment précise les désordres dont elle demandait réparation, son assignation visant ceux-là mêmes qui souhaitaient bénéficier de cette prescription. L'assignation du 31 décembre 2007 a donc interrompu le délai de dix ans qui avait commencé à courir, au plus tôt, à compter de la réception des travaux, soit le 16 octobre 2000. En tout état de cause, la demande de première instance formée devant le tribunal administratif le 5 octobre 2010 reprenait également la liste des constructeurs dont elle entendait engager la responsabilité et l'énumération des désordres en cause en se référant, pour le détail, au rapport précis de l'expert et aux mandats de travaux de réfection de la couverture et des bardages qu'elle avait signés afin d'y remédier. Par suite, la communauté urbaine de Dunkerque est fondée à soutenir que l'exception de prescription ne peut lui être opposée et c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande formée contre la société Ginger Séchaud et Bossuyt comme formée après l'expiration du délai de dix ans qui lui était ouvert au titre de la garantie décennale des constructeurs.

Sur l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs :

9. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure. La garantie décennale ne s'applique toutefois pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.

10. Par ailleurs, il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la garantie décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.

11. Il résulte de l'instruction et notamment de l'ordre de service n° 4 ainsi que de la liste des réserves à la réception du 16 octobre 2000, que des ruissellements importants ont été constatés en façade sud et ouest, que la bonne tenue de l'ensemble des closoirs devait être vérifiée ainsi que les dispositifs de bordure latérale et de recouvrement correspondants. Les travaux du marché du lot n° 1 Couverture/bardage du bâtiment " la Cathédrale " n'ont fait l'objet que d'une réception partielle le 16 octobre 2000, assortie de réserves relatives à ces désordres, l'architecte ayant d'ailleurs relancé à plusieurs reprises la société CBE Littoral afin d'en obtenir la levée, notamment par ses courriers des 14 et 22 décembre 2010 ou encore celui du 12 octobre 2001. Pour sa part, la communauté urbaine de Dunkerque ne justifie pas de la date à laquelle ces réserves auraient été levées afin de permettre la réception des travaux correspondants et de mettre fin à la relation contractuelle des parties sur cette partie divisible de l'ouvrage. Par suite, la responsabilité des constructeurs ne peut être engagée au titre de la garantie décennale s'agissant des désordres D2 relatifs aux façades du bâtiment.

12. En revanche, il résulte de l'instruction que les travaux relatifs à la couverture de l'immeuble ont été réceptionnés sans faire l'objet de réserves et ne pouvaient être qualifiés d'apparents lors de leur réception. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les infiltrations d'eau et l'insuffisante résistance au vent des éléments de toiture résultent notamment de recouvrements longitudinaux et transversaux insuffisants de la couverture en bac acier et des tôles d'éclairement et que ces désordres étaient de nature à compromettre la solidité du bâtiment et à le rendre impropre à sa destination.

13. Il résulte de ce qui précède que la communauté urbaine de Dunkerque est fondée à soutenir que la responsabilité décennale des constructeurs, soit la société CBE Littoral, titulaire du marché de travaux, les maitres d'oeuvre M. E...et la société Ginger, Séchaud et Bossuyt désormais dénommée OTEIS, ainsi que la société Socotec, en charge du contrôle technique, lesquels ne justifient d'aucune cause exonératoire de responsabilité, doit être engagée au titre des désordres relatifs aux travaux de couverture du bâtiment.

Sur l'estimation du montant des préjudices :

En ce qui concerne les travaux de reprise :

14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les travaux rendus nécessaires pour mettre fin aux désordres de toiture (D1) constatés sur le bâtiment correspondent à la reprise des recouvrements transversaux et longitudinaux de la couverture en bac acier, de sa jointure avec les façades et les mesures conservatoires et missions de maitrise d'oeuvre et de contrôle correspondantes. Il résulte du même rapport dont les évaluations ne sont pas sérieusement contredites par les parties ni même par les montants figurant dans les mandats émis pour la réalisation de l'ensemble des travaux de reprise qui se sont déroulés un an après la remise du rapport de l'expert, que le coût global de ces travaux relatifs au désordre D1, peut être estimé à 73 184,47 euros HT, augmenté des frais de maîtrise d'oeuvre et bureau de contrôle correspondant soit 5 854,76 euros HT, pour un montant total de 79 039,23 euros HT (94 530, 92 euros TTC).

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

15. Il résulte de l'instruction, notamment du protocole transactionnel du 2 décembre 2009, que la communauté urbaine de Dunkerque a dû verser à la société Debussche, outre une somme de 10 797,91 euros pour la réalisation de travaux urgents dans le bâtiment, une somme 15 000 euros au titre des troubles de jouissance subis par cette dernière en tant que locataire de l'immeuble, en raison des désordres liés aux infiltrations et ruissellements d'eau, pour la période du 9 novembre 2001 jusqu'à la date du jugement du tribunal de grande instance du 8 octobre 2003 la condamnant à cet effet. Afin d'indemniser la société Debussche de l'ensemble de ses frais de réparation et des troubles subis pour la période postérieure du 9 octobre 2003 jusqu'à la réalisation des travaux de réparation achevés le 6 février 2007, notamment au titre de la désorganisation de l'activité de cette entreprise durant la réalisation des travaux de reprise, les parties ont convenu d'arrêter à 40 000 euros le montant de l'indemnité transactionnelle à verser par la communauté urbaine de Dunkerque à son locataire. Ce dernier montant est revendiqué par la communauté urbaine de Dunkerque au titre de ses propres troubles de jouissance dans le cadre de son action en garantie décennale vis-à-vis des constructeurs.

16. Si la communauté urbaine de Dunkerque évalue ses troubles de jouissance au montant de 40 000 euros, il résulte toutefois de l'instruction que les troubles de jouissance liés aux infiltrations d'eau affectant son bâtiment ont cessé, pour leur plus grande part, après la réalisation des travaux conservatoires et urgents financés ainsi qu'il a été dit au point 15 par la communauté urbaine de Dunkerque à hauteur de 10 797,91 euros et que, par ailleurs, une partie de ces troubles trouvaient leur origine dans les désordres affectant les façades ne pouvant donner lieu à l'engagement de la garantie décennale des constructeurs ainsi qu'il a été dit au point 11.

17. Enfin, il résulte de l'instruction que la communauté urbaine de Dunkerque a elle-même tardé à engager les actions nécessaires de nature à mettre fin aux désordres en cause. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant des troubles de jouissance subi postérieurement au 8 octobre 2003 par la communauté urbaine de Dunkerque à la somme de 10 000 euros.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 16 que la communauté urbaine de Dunkerque est fondée à demander la condamnation solidaire de la société CBE Littoral, de M. E..., de la société OTEIS et de la société Socotec à lui verser la somme de 104 530,92 euros sur le fondement de la garantie décennale.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

19. La communauté urbaine de Dunkerque a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 104 530,92 euros à compter du 30 décembre 2007, date de sa première saisine juridictionnelle tendant à l'engagement de la garantie décennale des constructeurs.

Sur les appels en garantie réciproques:

20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres de couverture qui engagent la responsabilité décennale des constructeurs proviennent essentiellement de la mauvaise exécution par la société titulaire, des travaux en cause au regard des règles de l'art et des prescriptions techniques applicables, notamment en ce qui concerne la pose des bacs en acier et la mise en oeuvre des dispositifs d'étanchéité qui leur étaient associés.

21. Il résulte de l'instruction que des insuffisances peuvent être relevées à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre dans l'exercice de ses missions contractuelles DET et EXE , le groupement n'ayant pas été dans l'impossibilité de s'assurer de la bonne exécution de la toiture malgré la hauteur de celle-ci, le cas échéant par le biais d'explications, voire de photographies à fournir par le titulaire, sur les conditions de réalisation de la mise en place des bacs acier et des tôles d'éclairement situées sur la couverture. Il résulte des termes même du rapport d'expertise que, contrairement à ce qu'il soutient, M. E...a pu être représenté par son conseil qui est intervenu à plusieurs reprises dans le cadre de l'expertise à l'issue de laquelle a été rendu le rapport du 6 janvier 2006. M.E..., architecte, et la société OTEIS, pour le compte de la société Ginger, Séchaud et Bossuyt, bureau d'études cotraitant du marché de maîtrise d'oeuvre, ne sont donc pas fondés à soutenir qu'ils doivent être intégralement relevés de toute condamnation.

22. Il résulte enfin de l'instruction que le bureau de contrôle Socotec, dont la mission se déroulait jusqu'à réception des ouvrages, ne conteste pas sérieusement que l'exécution insuffisante de sa mission a également contribué à la survenance du désordre affectant spécifiquement la couverture du bâtiment.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 20 à 22 qu'il sera fait une juste appréciation des fautes respectives des constructeurs à l'origine des désordres de toiture en fixant à 75 % la part de responsabilité de la société CBE Littoral, à 15 % la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre et à 10 % la responsabilité de la société Socotec. Compte tenu de la répartition de leurs missions définies dans le contrat de maîtrise d'oeuvre au titre de la mission DET et ainsi que l'a préconisé l'expert dont les conclusions sur ce point n'ont pas été sérieusement contestées par les maîtres d'oeuvre, il y a lieu d'arrêter la part de responsabilité respective de M. E...et du bureau d'études OTEIS à 80 % et 20 % , ce qui conduit à leur affecter une part de responsabilité finale établie respectivement à 12 % et 3 %.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine de Dunkerque qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société OTEIS, M .E... et la société Socotec demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens .

25. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la société CBE Littoral, de la société OTEIS, de M E...et de la société Socotec le paiement , par chacun d'eux, de la somme de 500 euros à la communauté urbaine de Dunkerque au titre des frais que celle-ci a exposés sur le même fondement.

26. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions des intimés présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 mars 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La société CBE Littoral, la société OTEIS, M. E...et la société Socotec sont condamnés solidairement à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme 104 530,92 euros au titre de leur responsabilité décennale concernant les désordres affectant la couverture de l'immeuble " la Cathédrale " à Dunkerque. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2007.

Article 3 : La société CBE Littoral est condamnée à garantir la société OTEIS, M. E... et la société Socotec à hauteur de 75 % des sommes mises à leur charge par l'article 2.

Article 4 : M. E...est condamné à garantir la société OTEIS, la société CBE Littoral et la société Socotec à hauteur de 12 % des sommes mises à leur charge par l'article 2.

Article 5 : La société OTEIS est condamnée à garantir M.E..., la société CBE Littoral et la société Socotec à hauteur de 3 % des sommes mises à leur charge par l'article 2.

Article 6 : La société Socotec est condamnée à garantir M.E..., la société CBE Littoral et la société OTEIS à hauteur de 10 % des sommes mises à leur charge par l'article 2.

Article 7 : La société CBE Littoral, la société OTEIS, M E...et la société Socotec verseront chacun une somme de 500 euros (cinq cents euros) à la communauté urbaine de Dunkerque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent jugement sera notifié à la communauté urbaine de Dunkerque, à la société CBE Littoral, à la société OTEIS SAS, à la société Socotec et à M. A...E....

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N°17DA00748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00748
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP SENLECQ-STEYLAERS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-14;17da00748 ?
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